Le quotidien

Deux types de cellules existent: les cellules individuelles et les dortoirs. Les dortoirs peuvent accueillir trois, cinq, sept ou neuf détenus. La loi prévoit des matelas, des toilettes, une douche, une lumière et un système de ventilation dans les deux types de cellules. Les détenus doivent être répartis en fonction du niveau de sécurité souhaité par l’administration. Dans la pratique, ces mesures ne sont pas toujours respectées.

Dans la prison de Kerobokan, les cellules font 6x8m et doivent être occupées par cinq personnes maximum. Elles abritent parfois plus de 20 personnes.

La vie en prison est coûteuse. Les détenus doivent régulièrement payer pour bénéficier d’un matelas ou d’un changement de matelas et de plus de nourriture.

La corruption est une pratique courante. Les détenus les plus riches profitent de meilleures conditions de détention. Les personnes condamnées pour corruption ou trafic de drogue important sont souvent les mieux lotis.

Artalyta Suryani, businesswoman, possède une chambre privée de 60m² et plusieurs équipements interdits en prison. La presse locale fait référence à une salle de karaoké et des domestiques. Les médias parlent d’un “palace en prison”.

La nourriture est servie deux à trois fois par jour. Les repas doivent représenter 2 250 calories par jour et par détenu. Dans les fait ils sont insuffisants, essentiellement constitués de riz et de légumes. Des œufs sont parfois ajoutés à cette base de repas.

La plupart des prisons sont équipées de petits comptoirs où les détenus peuvent acheter des produits de base.

Les détenus étrangers qui ne peuvent pas suivre le même régime alimentaire pour des raisons culturelles ou religieuses doivent recevoir des repas différents.

Durant le mois de fête religieuse(hari raya et le jour de Noël), les détenus peuvent recevoir de la nourriture de la part de leurs parents ou d’organisations religieuses.

Les personnes détenues doivent maintenir les cheveux courts et être rasés de près à tout moment. Des coupe-ongles et miroir sont mis à disposition par l’administration pénitentiaire. Les détenus reçoivent du savon toutes les deux semaines.

La Direction générale des services pénitentiaires fournit aux détenus deux uniformes bleus. Les proches sont autorisés à leur apporter des vêtements. Les prisonniers peuvent porter leurs propres vêtements pour des occasions précises : se rendre à l’office religieux de la prison, assister à des funérailles ou aller à l’hôpital. S’ils ne possèdent pas de vêtements civils, les autorités peuvent leur en prêter.

La surpopulation contribue à accélérer la dégradation des différents établissements et augmente l’état d’insalubrité des prisons.

Les détenus réclament un accès à l’eau potable et des meilleures conditions d’hygiène.

Les autorités indonésiennes sont tenues d’octroyer des soins médicaux appropriés et gratuits à tous les prisonniers. Chaque prison dispose d’une clinique. Un médecin généraliste ou une infirmière y assure des permanences.

Les soins et les installations sont souvent insuffisants. Les détenus atteints de maladies graves doivent être orientés, sous escorte, vers un centre hospitalier. Les détenus condamnés à la perpétuité ou à la peine de mort ne sont pas autorisés à se rendre à l’hôpital, sauf en cas d’extrême urgence.

La surpopulation favorise la propagation rapide d’épidémies.

L’usage de stupéfiants est répandu dans certaines prisons, comme à Jambi ou à Kerobokan (Bali). Ces produits circulent librement entre l’intérieur et l’extérieur de la prison. Certains détenus, arrêtés pour possession ou usage de stupéfiants, racontent la facilité avec laquelle ils peuvent se procurer de l’ecstasy, de la methamphétamine ou de la marijuana.

Dans la prison de Kerobokan (Bali) les détenus partagent fréquemment des seringues à l’occasion de leur prise de produit.

Un dépistage du VIH/Sida est réalisé, une fois par an, par les médecins du gouvernement de chaque province en collaboration avec la Croix-Rouge.

Les prisonniers politiques se voient fréquemment refuser l’accès aux soins. Johan Teterissa, prisonnier d’opinion moluquois, se voit refuser l’accès à des soins médicaux en décembre 2015, après avoir signalé de fortes douleurs aux jambes.

Steven Itlay, militant politique papou arrêté en avril 2016, est victime d’un refus d’accès aux soins. Enfermé dans les locaux de la police du sous-district de Mimika Baru (Papouasie), le système d’aération de sa cellule est inadéquat et la lumière naturelle insuffisante. Il est atteint de douleurs thoraciques et de maux de tête depuis le début de sa détention, vraisemblablement le résultat de ses mauvaises conditions de détention.

Selon les établissements, les portes des cellules sont ouvertes entre 7h et 9h. Les détenus sont ensuite en libre circulation à l’intérieur de l’enceinte de la prison et doivent regagner leur cellule en fin de journée entre 16 et 17h. Les prisonniers mis à l’isolement sont autorisés à sortir une heure par jour.

Peu d’activités sont proposées en prisons. Les espaces de loisir prévus sont la cours de sport et la bibliothèque.

A la prison de Kerobokan, qui abrite plus de 1 000 détenus, les prisonniers sont libres d’exercer l’activité de leur choix entre 8h du matin et 17h. En dehors de ces horaires, ils sont en cellule et la porte est fermée.

La brigade Lipstick, initiée par Lizzy Love, une Australienne, est un groupe de bénévoles qui propose différentes activités au sein de la prison de Kerobokan en collaboration avec le personnel pénitentiaire. Le nom de Brigade Lipstrick est un surnom donné par les détenus. Elle propose des ateliers de couture, d’art et de danse. Des détenus font également un potager qui alimente la cuisine dans le quartier des femmes de la prison. Les hommes de la prison ont participé à la construction d’un chenil afin de lancer un programme d’entrainement de chien d’assistance, avec l’aide de la brigade Lipstick.

Les opportunités de travail sont rares et ne sont généralement pas rémunérées.

Seules certaines prisons proposent du travail d’atelier.

Des petites industries ou des entreprises agricoles faisant travailler des détenus sont présentes et vendent leurs produits sur le marché local. Une partie des revenus permet d’allouer un salaire très faible aux détenus et d’assurer l’entretien des bâtiments. Les détenus sont amenés, dans certaines prisons, à travailler dans des champs situés à l’extérieur de l’enceinte du bâtiment.

A la prison pour femme de Bulu (Semarang), 216 détenues ont appris à coudre avec l’aide de Anne Avantie, célèbre designer de Kebaya (tenue traditionnelle javanaise). L’administration pénitentiaire souhaite vendre les produits artisanaux des détenues.

La corruption est très répandue en Indonésie.

Freddy Budiman, trafiquant de stupéfiants, est incarcéré à Cipinang. Il est exécuté en septembre 2016. Peu avant son exécution, il affirme avoir payé 40 millions de dollars à des officiers de haut-rang de l’agence anti-drogue, de l’armée et de la police pour continuer ses activités de trafic de drogues depuis la prison. Durant son incarcération, Freddy Budiman reçoit fréquemment la visite de sa petite-amie dans une “chambre spéciale” mise à sa disposition.

Artalyta Suryani est une businesswoman condamnée à 4 ans de prison. Elle est incarcérée dans une chambre privée de 60m². Les faits sont découvert lors d’une visite surprise de l’administration au moment où Aetalyta Suryani bénéficiait de soin cosmétique. Sa chambre est meublée d’un lit, de plusieurs canapés, d’un écran LCD, d’un réfrigérateur et possède l’air conditionné. L’affaire est largement médiatisée et provoque une vive colère. Ces cas sont isolés.

Le quotidien des prisonniers “ordinaires” est difficile. Le manque de moyens dans les prisons participe à la corruption généralisée.

Le surintendant des prisons doit inspecter les blocs, les cellules, les cuisines et les produits alimentaires tous les jours de la semaine.

Il reçoit des plaintes de détenus et peut former un comité pour enquêter.

Les résultats de l’enquête doivent être signalés à la Direction générale des services correctionnels (Dirjen Pas).

Les mauvaises conditions de détention, la corruption généralisée et la surpopulation créent des soulèvements fréquents dans les prisons indonésiennes.

Les détenus de la prison de Jambi refusent, le 1er mars 2017, une opération antidrogue menée par le personnel de l’Agence Nationale des Narcotiques (BNN). Une émeute éclate. Les détenus mettent le feu à plusieurs bâtiments, notamment la salle de réunion de la prison, le bureau coopératif, l’entrepôt du générateur d’électricité ainsi que la cantine. Six détenus et un officier de police sont blessés. Quatre détenus s’évadent dans la cohue.

Des médiations ont lieu à la suite de cette émeute. Les détenus demandent la révocation du directeur de la prison, Djarot Sugiarto. Ses politiques restrictives en matière d’accès aux soins étaient à l’origine de plusieurs décès dans la prison. Une émeute avait éclaté, en janvier 2017 déjà, dans la même prison pour les mêmes revendications. Les détenus demandent, entre autres, un accès à l’eau potable et de meilleures conditions d’hygiène. Des transferts dans d’autres prisons sont prévus afin de diminuer la surpopulation carcérale de cet établissement.

Une évasion massive a lieu, le 8 mai 2017, à la prison de Sialang Bungkuk (île de Sumatra). 442 prisonniers enfoncent une des portes de la prison pendant que d’autres tentent de produire un incendie à l’intérieur. Environ 200 prisonniers sont interceptés par les forces de l’ordre le jour même. La prison est fortement surpeuplée : 1 870 personnes détenues pour 360 places au moment de l’évasion. Les détenus font état de mauvais traitements infligés par les personnels et de cas d’extorsion des proches lors des visites.

Le manque de personnel et la surpopulation favorisent les situations de révolte et d’évasion.

Deux gangs rivaux s’affrontent, en décembre 2015, dans la prison de Kerobokan (Bali) faisant au moins deux morts et trois blessés.

La niveau de sécurité de certaines prison varie en fonction du prix que les détenus sont prêts à payer. Certaines personnes détenues de la prison de Sukamiskin auraient notamment été reconnus, en public, en train de faire les magasins. D’autres détenus privilégiés abuseraient de leurs permis médicaux pour des examens en extérieur.

Les médias indonésiens ont largement signalé des irrégularités dans le protocole pénitentiaire, y compris des violations des permis médicaux, des privilèges cellulaires et la contrebande de stupéfiants. L’affaire la plus médiatisée jusqu’à présent est celle de Gayus Tambunan, un responsable fiscal emprisonné pour détournement de fonds, qui assistait, en novembre 2010, à un tournoi de tennis à Bali.

La radicalisation de certain détenus est observée dans plusieurs prisons. Les détenus membres de l’organisation État islamique utilisent cet espace comme lieu d’endoctrinement.