Contributeur(s)Observatoire International des Prisons - section tchadienne

Populations spécifiques

L’administration pénitentiaire peine à maintenir un registre fiable du nombre de détenus. Les derniers chiffres publiés par l’administration pénitentiaire datent du 31 décembre 2011 : 4 831 personnes étaient détenues à cette date. Le parc pénitentiaire peut accueillir un maximum de 2 080 détenus et le taux d’occupation s’élevait à 232%. 1 765 personnes étaient condamnées (36,6%) et 3 066 en détention provisoire (63,4%).   

L’OIP indique que le nombre de détenus a doublé ces dernières années. La crise économique qui pèse sur le Tchad serait la cause principale de cette augmentation : les personnes seraient contraintes d’avoir recours à la délinquance pour survivre.   

Malgré la surpopulation constatée dans presque toutes les prisons, le taux d’incarcération (42/100 000 habitants) est relativement faible par rapport à la moyenne internationale. La justice traditionnelle travaille à la résolution de la majorité des conflits au sein même des communautés.

Aucun établissement n’est réservé exclusivement aux femmes. Dix établissements possèdent un quartier dédié. Le personnel pénitentiaire féminin est rare. Des surveillants accèdent aux cellules des femmes et sont présents dans les cours réservées aux femmes. Certaines prisons disposent de cellules mixtes. Les espaces communs et les toilettes sont partagés avec les hommes. Les femmes sont constamment exposées au risque de violence et d’abus sexuels de la part du personnel ou des prisonniers.   

Le motif d’incarcération le plus fréquent des femmes est la pratique de la sorcellerie. Le temps moyen de détention, hors homicide, est de deux ans.   

Les enfants en bas âge vivent en prison avec leurs mères. Les établissements ne sont pas dotés de nurseries ou d’aménagements quelconques pour eux. Le code pénal indique que les femmes peuvent accoucher en prison. Il ne propose pas de peine non privative de liberté aux mères avec de jeunes enfants.   

Les conditions d’hygiène défaillantes et le manque d’accès à l’eau exposent les mères et les enfants à des infections et à des maladies parfois mortelles. Aucune aide n’est fournie en période de menstruation.

L’absence de registres ne permet pas de connaître le nombre exact des mineurs détenus. Les mineurs peuvent être incarcérés à partir de 13 ans. Ils sont incarcérés en moyenne un an, le plus fréquemment pour des vols.   

Le phénomène de rejet familial étant courant, certains enfants sont incarcérés, transférés ou malades sans que leurs parents n’en soient informés. Les enfants « oubliés » par leurs familles sont parfois, à leur sortie, pris en charge par des ONG.   

Contrairement au droit international, ils ne bénéficient pas d’un régime adapté et sont incarcérés avec les adultes. Des quartiers dédiés aux mineurs existent dans six établissements : Bongor, Kelo, Amsinéné, Abéché, Koumra, Laï. En pratique, la séparation n’est pas respectée.
Les adultes consomment des stupéfiants en présence des mineurs, les maltraitent et les contraignent à faire la lessive, la cuisine, à laver les latrines et les seaux en plastique.   

Les mineurs ne bénéficient d’aucun service social ou éducatif, pas plus que d’assistance juridique. Ils ne sont pas tenus de suivre une scolarité ou une formation professionnelle.

L’administration ne tient pas de registre du nombre des détenus étrangers. Les étrangers, principalement nigérians, nigériens, camerounais, centrafricains et soudanais cohabitent avec les autres détenus.    

Ils sont le plus souvent condamnés pour vol, exercice illégal de la médecine ou séjour irrégulier. Le mandat d’arrêt est souvent inexistant. Les étrangers ne peuvent pas toujours communiquer avec leur consulat.

L’homosexualité est punie par la loi.

Les exécutions sommaires sont courantes et ne sont pas dénoncées par les familles. L’orientation sexuelle est un sujet tabou dans la société.

Les opposants politiques sont incarcérés de préférence à Koro-Tore et à Amsinéné.   

M. Djeralar Miankeol, responsable de l’association Ngaoubourand et membre de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH) donne, le 7 juin 2015, une interview à la radio. Il dénonce les faits de corruption de certains magistrats liés aux affaires d’expropriation et d’accaparement de terres agricoles. Il est arrêté le 15 juin pour outrage et incitation à la haine. Il est condamné à deux ans de prison et à une amende de 100 000 francs CFA (173 USD). Sa détention mobilise plusieurs ONG comme la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et Front Line Defenders. Amnesty International le considèrent comme un prisonnier d’opinion. La Cour d’appel de Moundou prononce la relaxe inconditionnelle le 28 juillet.