Contributeur(s)FARAPEJ

Les liens avec l’extérieur

Toute personne, prévenue ou condamnée, dispose d’un droit de visite de ses proches. Les visites sont possibles après la délivrance d’un permis et la prise d’un rendez-vous par téléphone ou sur une borne informatique. La demande de permis de visite peut être refusée et depuis mai 2016, il est possible de faire une recours contre ce refus.

Les personnes prévenues doivent pouvoir être visitées trois fois par semaine, les personnes condamnées une fois. Les jours, heures et fréquences de visites sont déterminés par chaque établissement. Un parloir dure, en général, entre 30 et 45 minutes en maison d’arrêt, une heure en centre de détention. La disposition des lieux est très variable : salle commune ou boxes individuels.

En plus des parloirs “classiques”, il existe des parloirs familiaux et des unités de vie familiale. En principe, les personnes détenues peuvent en bénéficier au moins une fois par trimestre, la durée étant fixée en fonction de l’éloignement du visiteur. Les parloirs familiaux sont des salons fermés préservant la confidentialité et l’intimité, d’une superficie de 12 à 15 m². Les personnes détenues (prévenues comme condamnées) peuvent y recevoir leurs proches pour une durée maximum de 6 heures. Les unités de vie familiale (UVF) sont des appartements de 2 à 3 pièces, permettant des visites familiales prolongées de 6 à 72 heures. Leur faible nombre conduit l’administration à prioriser les personnes bénéficiaires au détriment de l’effectivité du mécanisme. La mise en service de nouvelles UVF se fait parfois attendre plusieurs mois après la fin des travaux.

Des locaux d’accueil des familles en attente de parloirs, sont installés auprès des établissements pénitentiaires et animés par des associations et/ou des prestataires privés.

Le maintien des liens familiaux est très souvent compromis par l’accessibilité des établissements. Le coût financier des déplacements, l’éloignement géographique de certaines prisons, et l’absence de transports en commun constituent des freins importants. Les conditions de fouilles des personnes incarcérées et de leurs proches imposées lors des visites sont aussi une limite. On constate ainsi que des personnes détenues refusent la venue de leurs proches pour ne pas les exposer à ces procédures.

Les proches ne sont pas toujours bien informés sur les modalités de visites. Des dysfonctionnements sont observés régulièrement : erreurs informatiques, matériels défectueux, transfèrements des personnes.

Les personnes détenues peuvent se marier pendant leur détention.

Au premier janvier 2017, 71 parloirs familiaux sont en fonction dans 21 établissements pénitentiaires. Les unités de vie familiale sont au nombre de 120, accessibles dans 37 établissements.

Le CGLPL reçoit une saisine, en 2016, de la part d’une personne placée en quartier disciplinaire puis à l’isolement qui se voyait refuser l’accès aux parloirs familiaux de manière systématique. Le CGLPL rappelle les règles applicables à l’ensemble des personnes détenues en recommandant que les demandes soient examinées de manière individuelle.

Le maintien des liens familiaux est mis à mal, en 2016, suite à des difficultés pour obtenir des rendez-vous de parloir. Un intervenant d’une association qui assure l’accueil des familles regrette : “Il existe des difficultés pour obtenir des parloirs. Du fait de la surpopulation les créneaux de visite sont insuffisants”. Ces difficultés sont également liées aux nouveaux contrats de marché public mis en oeuvre dans de nombreux établissements en gestion déléguée. Ils ont entraîné une diminution des budgets consacrés à l’accueil matériel et humain des personnes détenues et de leurs proches. Un collectif d’associations a adressé un courrier en juin 2016 au directeur de l’administration pénitentiaire afin de l’alerter sur la “diminution du personnel [dans plusieurs établissements en gestion déléguée] qui a entraîné une réduction importante, parfois de moitié, des plages horaires consacrées aux réservations téléphoniques des parloirs (dans une région, on nous a signalé 70 appels nécessaires pour obtenir une réponse)”.

Les personnes détenues peuvent demander à être transférées pour un rapprochement familial en justifiant leur requête. La demande doit être adressée au chef d’établissement et la procédure est longue.

Les personnes basques sont souvent détenues dans des établissements loin de leurs domiciles. Leurs familles doivent alors faire de longs voyages pour leur rendre visite. Ils estiment que le temps moyen du trajet est de 7h30 pour le simple aller.

Un courrier de personne détenue adressé au CGLPL en 2016 indique : “Je fait de plusieurs mois la demande de transferes dans centre pénitentiaire de Paris car ma familie ila pas de moyens de payer le train TGV et retour. Ma familie ile très pauvre. Ma familie me manque très beucoup et ma familie peut pas venir chez moi pour avoir de parloire. Mon dossier de transfer ile complette mais je sais pas pour quoi je suis pas transfere.

En principe, les personnes détenues reçoivent en arrivant un “kit correspondance” comprenant notamment du papier et un stylo. Les timbres pour l’envoi des courriers sont à la charge des personnes détenues. Les modalités d’envoi et de réception dépendent des vaguemestres (des agents habilités).

Les courriers reçus et envoyés peuvent être lus, à l’exception de ceux échangés avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL); certaines autorités administratives indépendantes (Défenseur des droits, président de la Commission nationale informatique et libertés, président de la Commission d’accès aux documents administratifs, etc.) ; certaines autorités judiciaires (Conseil d’État, secrétariat général du Conseil de l’Europe, président et membres de la Cour de justice de l’Union européenne, etc.); les aumôniers; les avocats.

L’établissement peut retenir le courrier en cas d’atteinte à la sécurité. Peu de données sont disponibles sur la prégnance du contrôle. Les courriers des personnes prévenues sont communiqués à l’autorité judiciaire.

Les personnes détenues sont autorisées à passer des appels sur un nombre restreint de numéros établis sur une liste préalablement validée par l’administration. Elles ne peuvent pas recevoir d’appels téléphoniques. Les personnes prévenues sont soumises à l’autorisation de l’autorité judiciaire. Les conversations peuvent être écoutées, avec certaines exceptions : Défenseur des droits, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avocat, numéros humanitaires (N° d’information du CASP/ARAPEJ, Croix-Rouge Écoute les Détenus…). Les modalités d’accès au téléphone restent compliquées. Les cabines situées dans les cours de promenade ou couloirs des bâtiments, ou points phone, ne sont pas disponibles en dehors des horaires ouvrables. La confidentialité n’est presque jamais garantie. Le prix élevé des communications constitue un obstacle, notamment en ce qui concerne les appels passés à l’étranger.

Les téléphones portables, bien que strictement interdits, font partie du quotidien des prisons, générant des trafics et de nombreuses sanctions disciplinaires. Pour faciliter l’accès à la téléphonie et en limiter le coût, la Contrôleure générale s’est prononcée en faveur de l’autorisation de téléphones portables bridés. L’administration pénitentiaire semble exclure cette possibilité pour le moment mais a débuté au printemps 2016 une expérimentation au centre de détention de Montmédy visant à permettre l’accès au téléphone en cellule et à diminuer le coût de la téléphonie d’environ 20%.

Le Comité européen pour la prévention de la torture indique, suite à sa visite de 2015, que “le coût excessif des communications téléphoniques a été évoqué dans tous les établissements visités, et de manière encore plus accentuée au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Des membres des directions rencontrés ont reconnu que les tarifs étaient effectivement élevés notamment vers les téléphones portables et l’étranger.

La loi prévoit que les peines puissent être aménagées en cours d’exécution pour tenir compte de l’évolution de la personnalité du condamné. Certains aménagements de peine sont automatiques, à l’image de certaines réductions de peine (bien qu’un retrait puisse être décidé par le juge de l’application des peines). D’autres sont soumis à des critères, comme la libération conditionnelle (LC), le placement sous surveillance électronique (PSE), la semi-liberté (SL), le placement extérieur (PE) ou encore la libération sous contrainte mise en place récemment. Chacune de ces mesures répond à une procédure qui lui est propre.

Les aménagements de peine relèvent des juridictions d’application des peines. Pour rendre leurs décisions, elles se fondent principalement sur l’existence d’un emploi, d’un logement, d’une formation professionnelle ou sur les liens avec la famille.

Des aménagements “ad hoc” sont également possibles pour deux populations spécifiques : les personnes gravement malades et les femmes enceintes. La détention peut être évitée sous certaines conditions et selon une procédure précise, la suspension de peine.

On estime qu’environ 80% des personnes sortent de prison en fin de peine, sans aucun aménagement de peine.

L’individualisation des peines reste une priorité du législateur, comme en témoigne la loi du 15 août 2014. Cette loi instaure la peine de contrainte pénale ainsi que la libération sous contrainte. La contrainte pénale est une sanction pénale alternative à la prison et la libération sous contrainte est instaurée afin de systématiser les sorties progressives de prison. Ces deux mesures peinent à démarrer.

Seules 1 287 contraintes pénales sont prononcées au cours de l’année 2016. Au 1er janvier 2016, 506 personnes bénéficient d’une libération sous contrainte en étant maintenues sous écrou (on ne dispose pas de données sur les autres types de libération sous contrainte).

La rétention de sûreté permet de maintenir une personne en détention après qu’elle a purgé sa peine en raison de sa prétendue “dangerosité”. Le CGLPL se prononce, à plusieurs reprises, en faveur de sa suppression, par exemple dans son avis du 5 novembre 2015.

Le règlement intérieur de l’établissement, véritable loi interne, est en théorie disponible pour les personnes détenues. En pratique, la version complète est en générale présente à la bibliothèque mais il semble parfois difficile de se la procurer. Un extrait est souvent remis à l’arrivée en détention et est parfois accroché sur les murs de l’établissement. Il est encore souvent obsolète en 2015 ou incomplet malgré un important travail de mise à jour consécutif à la loi pénitentiaire.

Des points d’accès au droit existent dans la grande majorité des prisons. Les personnes qui y travaillent sont habilitées à intervenir sur toutes les questions juridiques, à l’exception de celles liées à la situation pénale de la personne. Ces structures restent très hétérogènes, tant dans leur organisation (permanence une fois par jour, par semaine, par mois) que dans leur indépendance.

Un numéro d’information juridique et sociale est destinée aux personnes incarcérées et à leur proche. Gratuit, anonyme et confidentiel, il est accessible depuis toutes les prisons (99#110) mais aussi depuis l’extérieur (01 43 72 98 41). La plateforme, tenue par l’association CASP/ARAPEJ, est ouverte du lundi au vendredi, de 9h à 17h.

Les recours contre l’administration sont difficilement quantifiables (pressions, difficultés d’accès à la procédure, absence de statistiques). Ils existent, notamment grâce aux associations de défense des droits comme l’Observatoire international des prisons et à des avocats spécialisés, regroupés depuis 2015 au sein de l’A3D.

Les personnes détenues conservent le droit de vote sauf si elles ont été déchues de ce droit par l’autorité judiciaire. Aucune urne n’est installée dans les établissements pénitentiaire lors des élections mais elles peuvent voter via une procuration ou demander une permission de sortir. En pratique, les permissions sont rarement octroyées et le droit de vote peu exercé.

En novembre 2016, l’association Robins des lois, en partenariat avec plusieurs personnalités, a lancé une campagne pour rendre effectif de le droit de vote des personnes détenues en vue des élections présidentielles de 2017. Ils plaident notamment pour l’installation de bureaux de vote en détention. Aux précédentes élections présidentielles de 2012, seulement 4% des personnes incarcérées ont voté.

Le mécanisme national de prévention français est le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Il est créé par la loi du 30 octobre 2007, avant la ratification par la France du protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants.

Le CGLPL est une autorité administrative indépendante. Il veille à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Il s’assure qu’un juste équilibre est établi entre le respect des droits fondamentaux et les considérations d’ordre public.

Adeline Hazan, est à la tête de cette autorité administrative depuis juillet 2014 pour six ans. Son mandat ne peut être ni révoqué ni renouvelé. L’équipe du Contrôleur se compose :

  • d’un secrétaire général et de trois assistants ;
  • 16 contrôleurs exerçant à temps plein ;
  • 27 intervenants extérieurs apportant leur concours, en qualité de contrôleur, de façon intermittente ou continue ;
  • 13 personnes affectées aux services et au pôle saisines.

Le Contrôleur général peut visiter à tout moment, sur l’ensemble du territoire français, tous les établissements pénitentiaires. Il conserve toute latitude dans l’organisation des visites et publie ensuite un rapport et des recommandations.

Il peut aussi être saisi de toute situation portant atteinte aux droits fondamentaux d’une personne privée de liberté, ou de toute situation liée aux conditions d’enfermement. La saisine peut venir d’un personne détenue, de ses proches, d’une association, des fonctionnaires pénitentiaires et des autorités publiques. Le Contrôleur peut aussi s’autosaisir. Les saisines se font par courrier exclusivement à l’adresse suivante :

Mme La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté CS 70048 75 921 Paris Cedex 19.

Les associations œuvrant pour la défense des droits de l’homme entretiennent des rapports suivis avec cette institution qui bénéficie d’un réel crédit.

Les contrôleurs visitent, en 2016, 26 établissements pénitentiaires avec une durée moyenne de 6,19 jours par visite. Depuis neuf ans d’exercice, 187 établissements pénitentiaires ont été́ contrôlés, au cours de 263 visites.

Cette même année, le CGLPL reçoit 2 877 saisines concernant les établissements pénitentiaires. La plupart émanent des personnes détenues ou de leurs proches. Les saisines concernent principalement les transferts, les conditions matérielles, les relations détenu/personnel, l’accès aux soins et les relations avec l’extérieur.

Le budget annuel alloué au CGLPL s’élève à 5,11 millions d’euros.

Dans son rapport d’activité sur l’année 2016, le CGLPL indique que l’administration pénitentiaire n’a pas mis en place de dispositif de suivi de ses recommandations. Il note que la plupart de ses recommandations ne rencontrent pas d’objection de principe mais se heurtent très souvent à des contraintes budgétaires. Toutefois certaines recommandations portent davantage sur une évolution du rôle de la prison et de la place des personnes détenue, notamment sur les sujets suivants : maintien des liens familiaux, accès au téléphone et à internet, régimes de fouilles, mesures de sécurité lors des extractions médicales, droit à l’expression collective, etc.

Autres contrôles extérieurs

Le Défenseur des droits est un autre mécanisme de contrôle qui intervient dans les établissements pénitentiaire au titre de ses quatre missions : lutte contre les discriminations, défense des droits de l’enfant, relations avec l’administration, déontologie de la sécurité. Il nomme des délégués qui interviennent à l’intérieur même des établissements et il peut recevoir des saisines de la part des personnes détenues ou de leurs proches notamment. À la fin de l’année 2016, 146 délégués interviennent auprès d’un ou plusieurs établissements pénitentiaires. Sur les 185 établissements actuels, 168 bénéficient de la présence d’un délégué.

Les parlementaires ont un droit de visite et ils peuvent être accompagnés par des journalistes. Le conseil d’évaluation des établissements et l’inspection des services pénitentiaires effectuent également des visites.

Enfin, le Sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ont le pouvoir de visiter les lieux de détention en France afin de d’évaluer la manière dont sont traitées les personnes privées de liberté.

En 2016, le CPT remet au gouvernement français un rapport suite à sa visite en France datant de 2015. Il s’était alors rendu dans quatre établissements pénitentiaires. Suite à la remise de ce rapport, 17 associations et aumôneries demandent que la France accepte à l’avenir la procédure de publication automatique des rapports du CPT.