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Le quotidien

La loi prévoit un droit à l’encellulement individuel depuis 1875, réaffirmé en 2000. Ce droit n’est pas respecté. Les moratoires se succèdent dans l’attente d’une impossible adéquation entre le nombre des personnes détenues et le nombre de places. En septembre 2016, le Garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas publie un rapport replaçant l’encellulement au coeur de la politique pénitentiaire et confie à Jean-René Lecerf la rédaction d’un livre blanc sur ce sujet. Au premier avril 2016, on compte 51 001 cellules dans les prisons dont 28 372 en maisons d’arrêt (ou quartiers maison d’arrêt). Les cellules se répartissaient entre 23 225 cellules individuelles, 3 757 cellules doubles et 1 390 cellules multiples.

La surpopulation est telle que toutes les personnes détenues ne disposent pas d’un lit : 1 200 détenus dorment sur un matelas posé à même le sol, au premier janvier 2016 (ce nombre est monté jusqu’au record de 1 648 en juillet 2016). Trois personnes peuvent occuper une cellule d’une place, quatre personnes une cellule de deux places. Magistrats, parlementaires et administration pénitentiaire continuent de créer des situations où plusieurs personnes occupent une seule place.

Le rapport du Comité pour la prévention de la torture (CPT), adopté à l’été 2016 (et publié seulement au printemps 2017), décrit la situation des maisons d’arrêt visité en ces termes : “la plupart des cellules normalement prévues pour une personne, mesuraient moins de 10 m² (sanitaires compris) et accueillaient deux, voire trois détenus. Dans nombre de cas, les détenus placés dans les cellules collectives disposaient de moins de 4 m² chacun, le plus souvent de 3 m², voire moins. Le CPT appelle les autorités françaises à garantir à chaque détenu un minimum de 4 m² d’espace de vie en cellule collective (l’espace occupé par les sanitaires/les toilettes étant exclu du calcul) et de disposer d’un lit individuel dans l’ensemble des établissements pénitentiaires français.

Les cellules sont habituellement équipées d’une chaise et d’une petite armoire par personne et d’une table. Les personnes qui partagent la même cellule déplorent que les armoires ne ferment pas à clé. Toutes se plaignent du caillebotis qui obstruent les fenêtres des cellules. On constate de fréquents défauts de ventilation et de luminosité dans les cellules des vieux établissements.

À propos de Fresnes, le CPT explique dans son rapport adopté à l’été 2016 que “en raison de la surpopulation, les détenus hébergés à trois dans ces cellules ne pouvaient disposer d’une table suffisamment grande et de chacun une chaise, les contraignant notamment à manger sur leur lit. De surcroît, certains dormaient sur un matelas posé à même le sol ou sur une armoire couchée (afin d’éviter de dormir par terre); ce qui avait pour conséquence de réduire d’avantage encore l’espace disponible en cellule. Par ailleurs, d’importants problèmes d’aération provoquaient de l’humidité dans ces deux établissements. Les murs de nombreuses cellules ainsi que des douches collectives étaient tachés de moisissures parfois sur des grandes étendues (plusieurs cellules visitées avaient un mur presque totalement recouvert de taches noires).

L’administration distribue trois repas par jour, aux heures habituelles. Les repas sont pris en cellule. La qualité et la quantité sont souvent considérées comme insuffisantes.

Les personnes détenues peuvent également cuisiner dans leur cellule, au moyen d’ustensiles de leur confection, dans les établissements vétustes. Les prisons récentes disposent de plaques chauffantes. Il est possible de faire l’acquisition (cantiner) des produits alimentaires ou de louer un réfrigérateur. Les prix, en gestion déléguée, sont très souvent plus élevés que dehors. Une enquête menée par une personne détenue en juillet 2015 à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas fait état de certains produits pouvant être jusqu’à 57 % plus coûteux en détention qu’à l’extérieur. L’administration consent un effort particulier sur ces prix quand elle est en gestion directe. Les pratiques culturelles, religieuses et les régimes sont, en théorie, pris en compte. Cette mise en œuvre est jugée insuffisante par beaucoup. L’absence de produits hallal dans les menus proposés est à l’origine du service de très nombreux menus végétariens.

Les équipes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) constatent, au cours de l’année 2016, que des pastilles chauffantes sont toujours utilisées en détention. La Direction de l’administration pénitentiaire avait pourtant décidé de retirer les pastilles chauffantes, à partir de juillet 2013, suite à une décision du tribunal administratif de Versailles en avril 2012, estimant que ces pastilles sont dans la catégorie des “produits dangereux” devant être “réservées à un usage extérieur”. Le CGLPL constate également que l’autorisation des plaques chauffantes de puissances compatibles avec les réseaux électriques des prisons n’est pas systématique alors que l’administration pénitentiaire devait les autoriser.

Le rapport du CPT publié au printemps 2017 souligne que “dans l’ensemble des établissements visités, la délégation a reçu des plaintes concernant la nourriture servie. La situation la plus préoccupante concernait la maison d’arrêt de Fresnes où un nombre important de détenus ont indiqué que la nourriture était régulièrement servie tiède voire froide, ce que la délégation a constaté lors de sa visite”. Ce constat est partagé par le CGLPL qui soulève dans son rapport 2016 les conséquences de la réorganisation de la distribution des repas dans un centre de détention suite au renouvellement du contrat de gestion déléguée : retour prématuré en cellule et fermeture de l’ensemble des cellules par les surveillants, impossibilité de prendre de repas collectifs, hygiène moindre et inégalité des portions.

L’hygiène, dans les nouveaux établissements, est habituellement jugée correcte. Les établissements plus vétustes ne remplissent pas les exigences minimales malgré des rénovations entreprises. La maintenance fait défaut. Des nuisibles sont présents, les douches sont dégradées, voire sales.

L’entretien des cellules est à la charge des occupants. Les produits d’entretien fournis par l’administration ne couvrent pas toujours l’ensemble des besoins. Seul le nettoyage de la literie est pris en charge. Le nettoyage des vêtements est à la charge des personnes détenues ou de leurs proches qui peuvent apporter du linge lors des parloirs.

Les lavabos et sanitaires sont placés dans les cellules (ces derniers étant désormais majoritairement séparés du reste de la cellule). Les douches sont collectives dans les établissements vétustes. Les détenus y ont accès au moins trois fois par semaine. Une trousse comprenant des produits d’hygiène corporelle (papier hygiénique, tube de dentifrice, savon, etc.) est remise à l’arrivée. Elle ne couvre pas tous les besoins (notamment pour les produits d’hygiène féminine), et n’est renouvelée que pour les personnes indigentes.

Il est alloué mensuellement, à la maison d’arrêt de Digne (Alpes de Haute-Provence) cinquante sacs de poubelle de 30 L par cellule (jusqu’à six occupants) ainsi qu’un rouleau de papier hygiénique et un berlingot de 120 ml d’eau de javel à 3,6 % par personne détenue. Un savon est aussi remis à la demande.

Au mois de décembre 2016, le CGLPL rend public une recommandation en urgence relative au centre pénitentiaire de Fresnes où on peut lire : “L’établissement est infesté par les punaises de lit. Entre mars et octobre 2016, 281 cas ont été déclarés à l’unité sanitaire (10 % des consultations). La promiscuité dans les cellules accroît la gravité de cette situation. Les contrôleurs ont vu de nombreuses personnes détenues présentant des traces de piqûres. La présence des rats et des punaises est connue des autorités. Pourtant, elle n’a pas été traitée par des mesures proportionnées au problème : les protocoles de désinfection et de dératisation mis en place sont ponctuels, partiels et inefficaces. La rénovation du centre pénitentiaire de Fresnes constitue une urgence. La présence de nuisibles porte à la fois atteinte à la dignité et à la santé des personnes détenues et des professionnels présents dans l’établissement. Des mesures de dératisation et de désinsectisation d’ampleur doivent être immédiatement réalisées.

Le 6 octobre, le tribunal administratif de Melun condamne l’administration pénitentiaire à prendre des mesures de dératisation dans la maison d’arrêt de Fresnes. Le 25 octobre, le tribunal administratif de Lille rend un jugement similaire concernant la maison d’arrêt de Sequedin.

Suite au renouvellement de certains contrats de gestion déléguée, au premier janvier 2016, plusieurs observateurs constatent que le contenu des kits d’hygiène remis aux indigents dans plusieurs prisons a été réduit.

Les soins relèvent du service public hospitalier (ministère de la Santé) depuis la loi du 18 janvier 1994. Leur organisation repose sur deux dispositifs : l’un pour les soins somatiques, l’autre pour les soins psychiatriques.

  • Les soins de niveau 1 comprennent les soins relevant de consultations, d’actes externes, de prestations et d’activités ambulatoires. Les unités sanitaires assurent les consultations et examens ne nécessitant pas d’hospitalisation et relevant de la médecine générale (anciennes Unités de consultation et de soins ambulatoires). Elles sont présentes dans presque tous les établissements. Elles accueillent des infirmiers et des médecins généralistes.

  • Les soins de niveau 2 comprennent les hospitalisations à temps partiel. Ils permettent aux personnes de disposer de soins ou d’examens polyvalents, individualisés, intensifs, prodigués dans la journée. Les soins somatiques sont assurés en milieu hospitalier, les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire au sein des unités sanitaires.

  • Les soins de niveau 3 sont ceux nécessitant une hospitalisation complète. Les soins somatiques, sont assurés dans des quartiers aménagés au sein des hôpitaux les plus proches (hospitalisations courtes ou urgentes). Les hospitalisations plus longues (supérieures à 48 heures) se réalisent dans des établissements dédiés (unité hospitalière sécurisée interrégionale). Les hospitalisations psychiatriques se réalisent au sein d’unités hospitalières spécialement aménagées, avec ou sans consentement.

Il existe, au premier janvier 2016 :

  • 1 unité sanitaire dans chaque prison.
  • 8 unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) implantés dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) pour les hospitalisations programmées de plus de 48 heures : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris Pitié-Salpêtrière, Rennes et Toulouse. Au total 181 lits en UHSI sont ouverts (données au 1/01/2015).
  • 1 établissement public de santé national à Fresnes.
  • 26 services médico psychologiques régionaux (SMPR) implantés dans 26 établissements pénitentiaires.
  • 7 unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) implantées en milieu hospitalier. Elles accueillent les hospitalisations psychiatriques (avec ou sans consentement) : Bordeaux, Lille, Lyon, Nancy, Orléans, Paris, Rennes et Toulouse.

La plus récente UHSA, celle du centre hospitalier de Cadillac, près de Bordeaux, ouvre ses porte en juillet 2016. Elle est composée de 40 lits pouvant accueillir hommes et femmes. L’ouverture de l’UHSA de Marseille (60 places), initialement prévue en 2016, est repoussée à l’automne 2017.

L’accès aux unités sanitaires demeure très inégal selon les prisons. Celui relevant de la médecine générale se révèle, dans l’ensemble, satisfaisant bien que soumis aux contraintes des établissements (activités sur les mêmes horaires, procédures disciplinaires en cours, etc.). Les difficultés les plus habituellement signalées concernent la préservation du secret médical et le manque de moyens dans les unités sanitaires. Les soins spécialisés, notamment ophtalmologiques ou dentaires, ou concernant les pathologies chroniques, connaissent de graves lacunes. Les médecins spécialistes ne sont pas en nombre suffisant. Les rendez vous se prennent par écrit et en obtenir un peut prendre plusieurs mois. Le secret médical n’est pas garanti.

Le Défenseur des droits rapporte ainsi, dans son avis du 28 janvier 2016 : “Monsieur X est incarcéré au sein d’une maison d’arrêt. Il a subi, en décembre 2014, plusieurs extractions dentaires. Il est en attente depuis de deux prothèses dentaires (maxillaires inférieure et supérieure). Ne parvenant pas à s’alimenter convenablement, il perd régulièrement du poids. Il est transféré en mai 2015. Contraint de recommencer sa prise en charge dentaire au début, il est averti que la durée d’attente pour se voir poser les prothèses maxillaires est de 12 mois.

Une personne détenue au centre de détention de Châteaudun indique à l’Observatoire international des prisons - section française (OIP-SF), en juin 2016, être en attente de soin ophtalmologique depuis 27 mois. Après enquête de l’OIP-SF, l’unité sanitaire indique avoir une liste de 34 détenus en attente de soins ophtalmologiques, pour certains depuis plus de deux ans et demi. L’année précédente, l’OIP-SF alertait déjà sur le manque de moyens humains et la difficulté de trouver des chirurgiens-dentistes au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse : plus de 300 demandes de rendez-vous chez le dentiste étaient restées sans suite au dernier trimestre 2014.

Dans certaines situations, notamment au quartier disciplinaire ou en cas d’extraction médicale, les conditions des consultations peuvent être problématiques, entravant notamment la qualité des soins et le respect du secret médical. À l’occasion de son dernier rapport, le Comité pour la prévention de la torture (CPT) dénonce les conditions de certaines consultations médicales en quartier disciplinaire : “dans plusieurs établissements, la délégation a constaté que les entretiens entre le personnel médical et les personnes placées à l’isolement ou en cellule disciplinaire étaient parfois sommaires, particulièrement à la maison d’arrêt de Fresnes, et se déroulaient en présence de personnel non-soignant. Au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, plusieurs détenus placés à l’isolement disciplinaire ont indiqué que la consultation avec le médecin s’était déroulée à travers une grille. De l’avis du CPT, il n’est pas acceptable, du point de vue de la déontologie médicale et de la dignité humaine, que des consultations médicales se déroulent à travers des barreaux métalliques ou une vitre. Un telle pratique empêche d’effectuer un examen médical adéquat, compromet inévitablement l’instauration d’une bonne relation médecin/patient, et peut même être préjudiciable à l’établissement de constatations médicales objectives.

Le CPT signale également dans son rapport un recours banalisé aux entraves pendant les extractions : “Le recours aux entraves lors d’extractions médicales demeure très répandu tout comme la présence fréquente du personnel d’escorte lors des examens ou interventions médicaux, parfois malgré le refus du personnel de santé. Ces mesures apparaissent déconnectées de la dangerosité réelle du détenu ou de son risque de fuite. A titre d’illustration, un détenu porteur de handicap qui se déplaçait en fauteuil roulant a déclaré avoir été entravé aux mains et aux jambes lors de son transfert comme lors des consultations hospitalières.

Les personnes détenues peuvent participer à des activités dont l’offre varie d’un établissement à l’autre. Elles sont tenues, depuis 2009, d’en exercer au moins une. L’accès aux cours de promenade est un droit (en général 1h30 par jour) mais n’est pas libre.

Les activités proposées ne couvrent pas les besoins. L’administration pénitentiaire estime en moyenne et toutes activités confondues (hors promenade), à une heure le temps d’activité par jour et par personne détenue. Les critères d’inscription restent opaques et soumis à l’autorisation de l’administration. Des contraintes pratiques (manque de salles, limitation des budgets, diffusion de l’information) empêchent parfois les activités de se tenir. Des constats similaires sont dressés en ce qui concerne le sport.

Des bibliothèques existent dans chaque établissement. Elles sont conventionnées avec les bibliothèques municipales ou départementales.

Dans son rapport en urgence sur la prison de Fresnes, en décembre 2016, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dénonce l’état des cours de promenade qui “sont exiguës et dépourvues de bancs et d’abris. En l’absence de toilettes, les personnes détenues urinent dans des bouteilles qu’elles projettent ensuite par-dessus les murs. Il n’est pas rare que l’on voie plus de vingt-cinq personnes dans un espace d’environ 45 m².

L’Observatoire international des prisons - section française (OIP-SF) remarque, en avril 2016, une offre d’activités limitée et insuffisamment tournée vers la sortie. À la maison d’arrêt de Carcassonne (taux d’occupation de 190 %), seules trois activités sont proposées : code de la route, bibliothèque et premiers secours.

Le Comité pour la prévention de la torture (CPT) observe et critique dans son rapport, adopté à l’été 2016, le manque criant d’activités proposées dans les maisons d’arrêt qu’il a visité : “À la différence de la situation constatée au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, la majorité des détenus des maisons d’arrêt de Fresnes, de Nîmes et de Villepinte ne bénéficiaient d’aucune activité motivante et d’aucun travail; ils passaient souvent plus de 21 heures en cellule. Le CPT recommande que tous les détenus puissent passer une partie raisonnable de la journée hors de leur cellule occupés à des activités motivantes.

L’organisation du travail en détention

Le travail en prison revêt trois formes principales :

  • service général : il désigne l’ensemble des emplois de détenus pour le fonctionnement de la prison (maintenance, restauration, entretien des lieux de vie collective). Environ 10 000 détenus sont « auxi».

  • Les ateliers de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP), gérée par le service de l’emploi pénitentiaire (SEP). Ce service organise la production de biens et de services par des détenus et en assure la commercialisation (informatique, PAO, imprimerie, menuiserie, confection, métallerie, agriculture…). Environ 1 200 détenus travaillent dans 48 ateliers implantés dans 27 établissements. Le chiffre d’affaires annuel (HT) de 22,8 millions d’euros pour 6 millions d’euros versés en salaires.

  • Le travail en concession : les détenus travaillent pour le compte d’entreprises privées qui installent un atelier en prison. Ils prennent le plus souvent la forme d’opérations manuelles simples (mise sous pli, conditionnement).

Les détenus peuvent aussi travailler pour leur propre compte ou pour une association. Le cumul des emplois précités ne donne accès à un travail qu’à un quart des personnes détenues.

Le droit du travail, pour son immense majorité, ne s’applique pas en détention : pas de salaire minimum, pas de contrat de travail. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit quelques avancées, comme la mise en place d’un acte d’engagement et la fin de la rémunération à la pièce, mais ces dispositions ne s’appliquent pas encore pleinement. La rémunération minimale prévue par la loi pénitentiaire varie entre un cinquième et un tiers du SMIC au service général et peut monter un peu moins de la moitié du SMIC quand les personnes détenues travaillent pour des entreprises privées ou pour le SEP : pour les postes les moins qualifiés cela correspond soit 1,93 euro au 1er janvier 2016.


Les faits de l’année:

En février 2016, le tribunal administratif de Bastia condamne l’État à verser 4 177,97 euros à une personne détenue à Casabianda au titre d’impayés de salaire. La rémunération qu’il avait perçue de l’administration pénitentiaire pendant trois ans et demi d’activité était en effet inférieure à la norme légale : oscillant entre 1,87 euros et 3,86 euros de l’heure. En avril 2015 il n’a touché que 453,39 euros pour 147 heures de travail quand l’administration aurait dû lui verser 544,32 euros selon la loi. Cette situation n’est pas isolée.

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) rend un avis, le 22 décembre 2016, dans lequel elle dresse un état des lieux des enjeux du travail en prison : besoin d’uniformisation et de clarification des pratiques, notamment au niveau du classement et du déclassement, besoin de développer un “droit social pénitentiaire” , de clarifier et rendre plus lisible l’acte d’engagement. Le CGLPL souligne également les rémunérations trop faibles et des difficultés rencontrées lors du passage à la rémunération horaire (remplaçant la rémunération à la pièce), mais également les difficultés relatives aux pensions de retraites ou encore le besoin d’accroître et de diversifier l’offre de travail, tout en pointant des initiatives prometteuses. Le CGLPL conclut ainsi que “tant l’encadrement juridique que les conditions matérielles du travail en détention ne sont pas respectueux des droits fondamentaux des personnes exerçant une activité professionnelle au cours de leur détention. (…) il est nécessaire à la fois d’encadrer juridiquement et de revaloriser le travail en détention.

Détenus travaillant

25 %

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Administration pénitentiaire

La population carcérale pâtit, en général, d’un faible niveau de formation. Près d’une personne sur quatre (22%) échoue aux tests de lecture, près d’une personne sur deux n’a aucun diplôme (43,5%) et plus des trois quarts ne dépassent pas le niveau correspondant au certificat d’aptitude professionnelle (76%).

Des actions de lutte contre l’illettrisme sont mises en place mais elles ne sont pas systématiques.

La formation générale en détention dépend du ministère de l’Éducation nationale : en 2015-2016, 520 enseignants du premier ou du second degré (environ 480 ETP), sont intervenus en prison auquel s’ajoute plus de 1 300 vacataires fournissant l’équivalent de 220 temps plein. Au total, l’Éducation nationale fournit un peu plus de 700 ETP d’enseignants offrant des formations bénéficiant à près d’un quart des personnes détenues. Ces formations peuvent se concentrer sur les savoirs de base (français langue étrangère, alphabétisation-illettrisme, remise à niveau et préparation au CFG) ou conduire à un diplôme (CAP, BEP, diplôme national du brevet, baccalauréat, DAEU et diplômes universitaires).

La formation professionnelle est confiée aux régions depuis le premier janvier 2015 à l’issue d’une période expérimentale initiée par la loi pénitentiaire. Le bilan de l’expérimentation, dressé par l’IGAS en 2013, soulignait “une amélioration quantitative” de l’offre de formation. La région Aquitaine avait ainsi créé huit nouvelles formations et enrichi onze autres déjà en place.

Près de deux ans après le transfert de compétence aux régions et un an après les élections régionales de décembre 2015, le CGLPL rend un avis, le 22 décembre 2016, à propos de la formation professionnelle dressant un bilan contrasté du dispositif. Il pointe notamment le cas de la région Ile-de-France qui a interrompu l’ensemble des actions de formations au début de l’année 2016 au prétexte d’un changement du mode de financement de la formation professionnelle. Le CGLPL dénonce cette décisionayant abouti à l’absence de toute action de formation professionnelle de mars à octobre 2016 à la maison centrale de Poissy ainsi que dans les autres établissements pénitentiaires à gestion publique d’Ile-de-France.

Le CGLPL fait également le constat d’expériences positives de formations bien articulées avec le travail ou tournées vers l’extérieur. Il propose de les étendre, notamment après une visite approfondie au centre de détention d’Oermingen en octobre 2016. En 2014, 22 514 personnes détenues ont suivi une formation professionnelle.

L’accès à l’information (presse, télévision) est garanti sous réserve de la sécurité des établissements. Les services sont payants. Certains quotidiens régionaux sont diffusés gratuitement par leur éditeur.

L’accès à internet est prohibé en détention. L’accès au matériel informatique (demande individuelle ou dans le cadre d’une formation) se révèle insuffisant. Il est lui aussi assujetti aux contraintes de sécurité des établissements. La tension entre les contraintes posées par l’administration pénitentiaire et les évolutions technologiques est criante.

Plusieurs expérimentations (notamment au centre de détention de Montmédy dans la Meuse) sont initiées au cours de l’année 2016 en vue de développer l’utilisation du numérique en détention. Cela pourrait se traduire par des évolutions courant 2018 à l’occasion des renouvellements de marchés de téléphonie en détention.

Le principe de laïcité garantit le libre exercice du culte, sous la responsabilité de l’administration.

Les intervenants d’aumônerie désignent à la fois les aumôniers qui peuvent être indemnisés ou bénévoles, et les auxiliaires bénévoles d’aumônerie. On dénombre, au premier janvier 2015, 1 628 intervenants d’aumônerie dont 453 aumôniers indemnisés, 972 aumôniers bénévoles et 203 auxiliaires bénévoles d’aumônerie. La répartition par culte est la suivante : 760 intervenants d’aumônerie pour le culte catholique, 377 pour le culte protestant, 193 pour le culte musulman, 111 pour les Témoins de Jéhovah, 75 pour le culte israélite, 52 pour le culte orthodoxe, 10 pour le culte bouddhiste et 50 pour les autres cultes.

Les aumôniers catholiques et protestants représentent plus de la moitié des aumôniers indemnisés et les aumôniers musulmans environ le tiers. De fortes disparités sont constatées en matière de moyens, de rémunération (sous forme de vacation ou non, complément versé par le culte ou non) et de nombres d’agréments délivrés entre les différents cultes. Il en résulte des difficultés pour pratiquer certains cultes, notamment le culte musulman ou ceux qui requièrent une pratique assidue.

Les exigences de la vie spirituelle ne sont pas toujours satisfaites. Les détenus ne sont pas toujours autorisés à garder leurs objets religieux avec eux. Peu d’établissements proposent des aliments conformes aux prescriptions rituelles. Les pratiques religieuses ne se déroulent pas toujours dans des lieux prévus et aménagés. Les établissements les plus vétustes, en particulier, ne disposent pas de tels espaces dédiés. Il arrive que le culte soit interrompu en raison de l’écoulement du temps imparti alors même que l’office a débuté avec un retard significatif et dont la responsabilité n’incombe pas aux personnes détenues.

Des aumôniers, notamment du culte musulman, signalent que dans le contexte des actions de prévention de la radicalisation en détention, l’administration pénitentiaire formule des attentes vis-à-vis des aumôniers qui ne relèvent pas de leur fonction, voire qui y portent préjudice.

Les actions des intervenants extérieurs sont diverses : visites, activités sportives, culturelles, cultuelles, d’enseignement, soutien matériel, accès au droit, prévention à la santé, etc. Certaines actions se déroulent également en dehors des établissements : accueil des familles et proches en attente de parloir, actions auprès du public sortant (réinsertion professionnelle, hébergement). Les intervenants extérieurs sont majoritairement bénévoles.

L’administration établit des conventions avec 23 structures associatives à l’échelle nationale, dans différents domaines : accès au droit, visite, actions de prévention sanitaire, de réinsertion, etc. La plupart sont accompagnées de protocoles financiers qui prennent la forme d’une subvention annuelle dont le montant varie d’une année à l’autre. Le maillage associatif est également développé au niveau local. Presque chaque établissement jouit d’un réseau associatif qui intervient en son sein. Une convention peut être passée avec l’établissement pénitentiaire concerné.

Le nombre d’intervenants est très fluctuant d’une ville à une autre et les modalités d’autorisation d’accès des intervenants extérieurs sont également très variables. La direction de l’administration pénitentiaire élabore, au cours de l’année 2016, un texte précisant le cadre et les démarches de l’intervenant extérieur qui sera adopté et entrera en vigueur fin 2017 ou courant 2018. L’un des points sensibles est la question de l’application ou non du code de déontologie pénitentiaire aux intervenants extérieurs et des retraits d’autorisations qui se multiplient au motif de non-respect de ce code de déontologie.

L’isolement géographique de certaines prisons ne facilite pas l’intervention de personnes extérieures mais elles sont aussi directement touchées par la surpopulation ou le manque d’effectif. À Corbas par exemple, sur les quatre derniers mois de l’année 2016, une association constate que sur 102 séances de formations prévues, 68 ont été annulées et pour 26 d’entre elles, les intervenants n’ont pas été prévenus et se sont déplacés pour rien.

Un annuaire recense les associations intervenant dans ou autour des prisons (en français uniquement).

La détention constitue une rupture financière pour les personnes détenues (perte d’un salaire, des minima sociaux) mais également pour leurs familles et proches (envoi de mandats, déplacement au parloir, etc.). La population carcérale est majoritairement une population pauvre.

La gestion de l’argent est assurée par l’administration, qui ouvre un “compte nominatif” pour chaque personne. L’argent perçu (fruit d’un mandat, du travail) est, chaque mois, divisé entre ce qui est disponible pour la personne détenue, le pécule de libération, et l’indemnisation des parties civiles le cas échéant.

L’administration peut décider d’allouer une somme aux personnes dites indigentes. Le code de procédure pénale définit ces “personnes sans ressources suffisantes” sur le critère des ressources de leur compte nominatif. Le seuil est fixé à 50€ par mois. Les aides sont très hétérogènes d’un établissement à un autre : elle sont prioritairement versées en nature (vêtements, renouvellement de la trousse de toilettes), mais peuvent aussi être versée en numéraire. L’aide financière aux personnes indigentes repose parfois sur le secteur associatif présent localement.

L’expression des personnes détenues, qu’elle soit individuelle ou collective, est soumise au contrôle de l’administration. Les personnes détenues sont, de fait, privées du droit de réunion et d’association, sans que ces droits leur aient été retirés par la condamnation pénale. Quelques expériences de réunions sont proposées. Tout mouvement collectif, même pacifique, reste passible de sanctions disciplinaires.

Depuis la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire, les personnes détenues doivent être consultées sur les activités qui leur sont proposées, le décret d’application laissant une très large marge d’appréciation à la direction de l’établissement (cette consultation peut par exemple prendre la forme de simples questionnaires, ou bien de réunions impliquant des personnes détenues choisies par la direction ou désignées par les personnes détenues elles-mêmes). Cette obligation peine encore à se matérialiser et reste très en deçà des recommandations européennes.

Des journaux internes sont parfois réalisés, mais ils font rarement état des préoccupations des personnes détenues. Le canal vidéo interne (qui permet de diffuser les informations de l’établissement), quand il existe, peut être utilisé à des fins informatives.

L’expression individuelle des personnes détenues est difficile. Les requêtes que l’emprisonnement génère (voir le personnel de probation, voir un médecin, demander à travailler, entrer en contact avec ses proches) doivent obligatoirement être formulées par écrit et transmises à qui de droit. Leur traçabilité n’est pas toujours bien identifiée. Les réponses ne sont pas toujours données, ou pas données à temps, souvent trop laconiques. Les établissements pénitentiaires ne favorisent pas les échanges. Le personnel n’est pas toujours formé à recevoir les requêtes.

Des personnes détenues sont parfois associées à certains aspects de la vie en détention, la plupart du temps sur la base du volontariat. Par exemple, les auxiliaires sport ou les “co-détenus de soutien”. Ces derniers sont entendus dans le cadre de la conception et de la mise en œuvre du dispositif de prévention du suicide.

Le ministère de la Justice comptabilise, en 2015, 126 événements collectifs en détention (contre 139 en 2014).

Les équipes régionales d’intervention spécialisées (ERIS) regroupent, en 2015, un peu plus de 300 agents et participent notamment au rétablissement et au maintien de l’ordre en cas de mouvements collectifs ou individuels. Les mouvements de protestation collective ont habituellement pour objet la dénonciation des conditions de détention ou les dysfonctionnements de l’établissement. Ils prennent la forme d’un refus de remonter de cour de promenade, d’un refus des plateaux repas ou d’un rassemblement dans les ateliers.

Plusieurs mutineries importantes font les gros titres au cours de l’année 2016. Une importante mutinerie a lieu, début septembre 2016, au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne entraînant la fermeture de la quasi-totalité du quartier centre de détention, qui passe de 271 à 15 places au cours de l’année 2016.

Au cours de l’automne, deux mutineries ont lieu dans le quartier longues peines du centre pénitentiaire de Valence, autre établissement récent. La première a lieu en septembre. Les détenus refusent de regagner leurs cellules, détruisent du matériel et incendient des matelas. Les trois meneurs sont condamnés à deux ans de prison ferme. La deuxième se déroule deux mois après, en novembre. Aucun blessé n’est à déplorer. Les deux meneurs sont condamnés à cinq ans de prison ferme. L’un des accusés, profite de l’audience pour dénoncer les conditions de détention déshumanisantes, ultra-sécuritaires, dans un centre pénitentiaire ouvert à peine quelques mois avant.

La question sécuritaire est omni-présente en prison, des fouilles aux sanctions disciplinaires en passant par les différents moyens de contrôle et de surveillance (vidéo-surveillance, écoutes téléphonique, sonorisation de parloirs, censure des courriers, etc.).

La loi autorise les fouilles corporelles, intégrales ou non, justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes fait courir à la sécurité des personnes et de l’établissement. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ne les autorisaient plus que de façon exceptionnelle lorsque les autres moyens de contrôle (palpation, détection électronique) demeurent insuffisants. Dans la pratique, ces principes peinent à être pleinement respectés. Ils se heurtent aux revendications véhémentes de certaines organisations syndicales de surveillants. Les investigations corporelles internes sont proscrites sauf impératif spécialement motivé. Elles doivent dans ce cas être effectuées par un médecin.

Le régime des fouilles à nu a subi un important recul au cours de l’année 2016, le ministère reculant devant les revendications des organisations syndicales de surveillants : les fouilles à nu peuvent maintenant être décidées à la suite de consignes générales qui fixent les lieux et les périodes où elles peuvent être opérées, indépendamment des critères liés à la personne détenue elle-même. Au cours de sa visite à la maison d’arrêt de Fresnes, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) constate ainsi que “les surveillants n’ont pas une liste des personnes à fouiller, mais seulement de celles qui ne doivent pas l’être. Plus grave encore, en deuxième division, les fouilles à corps sont systématiques, ce que l’encadrement semblait ignorer.

À Villepinte aux mois de décembre 2015 et janvier 2016, un détenu fait une grève de la faim de 43 jours pour protester contre les fouilles à nu systématiques dont il est l’objet. L’administration finit par accéder à sa demande de parloirs avec hygiaphones avant de le transférer dans un autre établissement.

Le régime et la procédure disciplinaire, bien que disposant de certaines garanties procédurales (comme la présence d’un avocat et la participation d’un assesseur indépendant de l’administration pénitentiaire à la commission de discipline), demeurent encore fortement discrétionnaires. L’administration répond souvent aux violences et tensions par la répression (placement en cellule disciplinaire) alors que des sanctions moins coercitives existent (avertissement, confinement en cellule, privation d’activités).

Après les attentats de janvier 2015 à Paris, la question de la radicalisation en prison acquiert une attention très importante mais la définition d’orientations pérennes et fiables semble compliquée. Le ministère de la Justice estime, à l’automne 2016, que 1 336 personnes détenues sont identifiées comme radicalisées. Des unités dédiées aux personnes dites “radicalisées” sont mises en place dans quatre prisons, pour un total de 117 places. Avocats, associations ou autorités administratives expriment un point de vue critique sur les regroupements de détenus “radicalisés”. Ainsi le CGLPL, dans un avis publié en juillet 2016 consigne : “Le regroupement de détenus radicalisés dans des quartiers dédiés, annoncé par le Premier ministre en janvier 2015, présente des risques qui ne paraissent pas avoir été pris en compte, notamment la cohabitation de personnes détenues présentant des niveaux d’ancrage très disparates dans le processus de radicalisation. Les difficultés d’identification des personnes visées ne sont pas résolues, malgré une réévaluation des outils engagée récemment par l’administration pénitentiaire. Leur regroupement au sein de quartiers dédiés ne relève d’aucune disposition légale existante, ce régime sui generis ne s’apparentant ni à la détention ordinaire, ni à la mise à l’isolement.” Depuis la loi du 3 juin 2016, le placement d’une personne dans une unité dédiée réservée aux personnes détenues mises en cause dans des affaires de terrorisme est désormais formalisée et peut faire l’objet d’un recours. Le Garde des Sceaux présente, le 25 octobre 2016, un plan d’action contre la radicalisation et pour la sécurisation des prisons. Ce plan annonce notamment que les unités dédiées seront remplacées par six quartiers d’évaluation de la radicalisation (quatre en région parisienne, un dans la région de Bordeaux, et un dans la région de Marseille) accueillant une centaine de détenus au total, pour une durée de 4 mois. Alors que ces annonces ont été largement considérées comme la fin des unités dédiés, le CGLPL souligne qu’elles “consacrent en réalité le développement de ces expérimentations, sans les entourer de garanties suffisantes en matière de respect des droits fondamentaux.

Salah Abdeslam, seul membre encore vivant des attentats de novembre 2015, est placé sous vidéosurveillance permanente à Fleury-Mérogis, un dispositif inédit qui n’était jusque là autorisé que de manière très limitée dans le temps en cas de crise suicidaire aiguë. Un arrêté est publié, le 9 juin 2016, pour encadrer et donner un fondement juridique à ce dispositif contesté. “Les lieux et zones d’intimité de la personne” seront respectés par “*la mise en place d’un pare-vue fixé dans la cellule permettant la restitution d’images opacifiées”*.

Le CGLPL dénoncent d’autres mesures coercitives dans son rapport 2016 : “le réveil des personnes détenues considérées comme dangereuses à plusieurs reprises au cours d’une même nuit, durant une période parfois importante, est susceptible de porter atteinte à leurs droits à la dignité et à l’intégrité physique et de constituer un traitement inhumain et dégradant”.