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Populations spécifiques

La population sous écrou compte 78 796 personnes au 1er janvier 2017, Elles étaient 76 601 personnes en 2016 (+2.8 %). Parmi elles :

  • 68 432 sont effectivement détenues (+2.6 % par rapport à 2016)
  • 10 364 personnes exécutent leur peine hors de la prison (+4.4 % par rapport à 2016)
  • 9 801 sont placées sous surveillance électronique (+3.9 % par rapport à 2016)
  • 563 sont en placement extérieur (+14 % par rapport à 2016)

L’inflation de la population carcérale est un phénomène majeur depuis 40 ans. Elle est particulièrement forte entre 2002 et 2017 : la population détenue augmente de 40%, passant de 48 594 à 68 432.

La surpopulation

La surpopulation carcérale reste une préoccupation majeure en 2017. La crainte de voir le cap des 70 000 personnes détenues dépassé s’est finalement concrétisée, une première fois, au 1er avril (70 230) puis au 1er juillet (70 018).

La surpopulation carcérale résulte du prononcé de peines plus dures avec une augmentation des durées de détention (en moyenne, 8.4 mois en 2002, contre 10.6 mois en 2014, dernier chiffre publié) et non pas d’une augmentation du nombre d’entrées. Elle est également liée à la proportion de personnes en attente de jugement qui représentent 28.5 % des personnes détenues au 1er janvier 2017.

Cette surpopulation se concentre essentiellement dans les maisons d’arrêt où sont incarcérés les prévenus et les personnes condamnées à de courtes peines1. En principe ces deux populations sont séparées. Elle affecte aussi davantage les établissements d’Outre-Mer.

L’administration pénitentiaire ne publie qu’un indicateur de la surpopulation globale. Cela minimise l’ampleur du phénomène car il est fondé sur la capacité globale des établissements alors que certains ont des places vacantes et d’autres connaissent une surpopulation très élevée. La publication du nombre de personnes détenues en surnombre reflèterait mieux la réalité du problème.

On compte, au 1er janvier 2017, 14 055 personnes détenues en surnombre. 88 établissements ont une densité carcérale supérieure à 120 %, dont la maison d’arrêt de Niort (147 %), la maison d’arrêt de Nanterre (183.4 %) et la maison d’arrêt de Basse-Terre (173.8 %). Quatre établissements ont un taux d’occupation qui dépasse 200 % : la maison d’arrêt et le centre de détention de Faa’a Nuutania, la maison d’arrêt de Nîmes et le centre de semi-liberté de Gagny.

Le Comité européen pour la prévention de la torture publie, en 2017, un rapport alarmant : “Les mauvaises conditions de matérielles de détention et la surpopulation constatée dans certains établissements pénitentiaires combinées à l’absence de régime, notamment dans les maisons d’arrêt de Fresnes et de Nîmes pourraient être considérées comme un traitement inhumain et dégradant”. Suite à ce rapport, la mobilisation associative se renforce avec deux communiqués, parus en avril et en octobre. Ils encouragent les candidats à l’élection présidentielle à engager une profonde réflexion sur la politique pénale pour diminuer la population carcérale.

Le Conseil d’Etat se déclare incompétent à deux reprises, en 2017, suite à des saisines de l’Observatoire international des prisons - section française (OIP-SF) concernant des prisons faisant face à une grave surpopulation. Il reconnaît que les conditions de la maison d’arrêt de Nîmes exposent les personnes détenues à “un traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à une liberté fondamentale” mais considère que son rôle se limite à prendre des mesures d’urgence ce qui n’est pas possible en l’état. Il refuse également de donner suite à la demande de plan d’urgence pour la prison de Fresnes considérant qu’il n’y a “aucune atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale”. Suite à cette dernière décision, une dizaine de personnes détenues et leurs avocats, soutenus par l’OIP, saisissent la Cour européenne des droits de l’homme pour obtenir une condamnation de l’établissement. Ils espèrent aussi un arrêt-pilote qui incitera la France à réorienter sa politique pénale.

La maison d’arrêt de Villepinte atteint un taux d’occupation record de 201 % en mars 2017, conduisant la directrice de l’établissement à refuser de nouveaux arrivants. Elle adresse un courrier aux présidents et procureurs des tribunaux de Bobigny et Paris, et demande d’accélérer la sortie de ceux qui peuvent bénéficier d’un aménagement de peine.

Un décret du 4 mai 2017 modifie le code de procédure pénale en précisant les règles d’affectation des personnes prévenues. Désormais, si les conditions d’accueil de l’établissement d’affectation initiale ne sont pas suffisantes, par exemple en cas de suroccupation, la personne prévenue est affectée à un autre établissement. L’administration pénitentiaire doit alors informer l’autorité judiciaire de la capacité d’accueil et du taux d’occupation des maisons d’arrêt.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme rend un avis sur la question pénitentiaire dans les territoires d’Outre-mer le 18 mai 2017. Elle relève que les maisons d’arrêt, mais aussi les établissements pour peine, sont durement frappés par la surpopulation carcérale dans les territoires ultra-marins. Celle-ci entraîne un climat de tension et de violence particulièrement fort. Plusieurs recommandations sont formulées, par exemple l’instauration d’un dispositif de régulation de la population pénitentiaire, inspiré du numerus clausus.


  1. Consulter la carte

Prévenus

28,5 %

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01/01/2017
/ Administration pénitentiaire

Les femmes incarcérées sont, au 1er janvier 2017, au nombre de 2 265 ; soit 3.3 % de la population carcérale. Elles étaient, au 1er janvier précédent, 2 147 (+ 5.5 %).

Elles sont réparties entre 58 établissements. 2 458 places leur sont réservées sur l’ensemble du territoire. La densité de la population carcérale féminine est très variable d’un établissement à un autre.

La plupart des femmes sont incarcérées dans des quartiers spécifiques au sein de prisons accueillant majoritairement des hommes.

Les établissements exclusivement dédiés sont au nombre de trois : le centre pénitentiaire de Rennes, les maisons d’arrêt de Fresnes et de Fleury-Mérogis. Le personnel de surveillance est féminin, mais l’encadrement peut comporter des personnels masculins.

La surpopulation est problématique dans les quartiers pour femmes de certaines maisons d’arrêt. Le centre pénitentiaire sud-francilien de Réau héberge 67 femmes pour 89 places alors qu’à la maison d’arrêt de Nîmes 51 se partagent 24 places pour un taux d’occupation de 213%.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) identifie les principales difficultés auxquelles sont confrontées les femmes en détention dans un avis du 18 février 2016 : un maintien des liens familiaux rendu difficile par un maillage territorial inégal des établissements, une gestion individualisée de la détention plus compliquée, un choix très réduit des produits d’hygiène féminine (tampons ou serviettes hygiéniques, savon de toilette intime…), un accès restreint au régime de semi-liberté et un accès limité aux équipements communs et aux activités à cause du principe de séparation stricte.

La Commission du livre-blanc sur l’immobilier pénitentiaire recommande le développement de la mixité des activités en détention, dans son rapport publié en 2017, suite aux bilans positifs de plusieurs expérimentations. Par exemple, au centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin, un journal rédigé par un comité de rédaction des femmes et des hommes détenus est publié cinq fois par an.

Des femmes du centre pénitentiaire de Rennes alertent, durant l’été 2017, l’OIP-SF au sujet des nouvelles consignes sur les tenues vestimentaires. Une note de la direction de l’établissement rappelle l’interdiction, “sous peine de sanction disciplinaire”, de plusieurs vêtements tels que le djellaba, les short courts en deçà des genoux et les tee-shirt “débardeur laissant paraître la poitrine et les bras nus”. Une femme indique qu’elle a dû mettre un legging en dessous d’une robe qui lui arrive aux genoux et une autre précise que certaines sont contraintes de se changer durant le Ramadan alors qu’elles ne sortent que pour prendre un sac de coupure de jeûne.

Maternité en détention

Les femmes qui accouchent au cours de leur incarcération peuvent garder leur enfant auprès d’elles jusqu’à l’âge de 18 mois. Des quartiers nurserie de quelques places sont installés dans certains établissements pour accueillir les femmes enceintes ou les mères incarcérées avec leur enfant. Les cellules possèdent un équipement spécifique : bac-baignoire, espace distinct pour la mère et l’enfant.

Elles ont la possibilité de demander une suspension de peine pour raison familiale. Le nombre des femmes ayant bénéficié de la mesure n’est pas communiqué.
Bien que toutes les dispositions doivent être prises pour que les femmes enceintes détenues bénéficient d’un suivi médical adapté (suivi prénatal obligatoire, aménagements des escortes pénitentiaires dans le cadre d’extractions médicales), des examens gynécologiques ou des accouchements se pratiquent encore en présence de personnels pénitentiaires. Ils entraînent parfois des renoncements aux soins.

Les enfants nés au cours de l’incarcération de leurs mères sont au nombre d’une soixantaine environ chaque année. Une trentaine d’établissements disposent d’un quartier nurserie.
La Commission du livre-blanc sur l’immobilier pénitentiaire recommande : “Le programme de construction de maisons d’arrêt devra permettre l’accueil systématique de mères avec enfants de moins de 18 mois. La situation des enfants accueillis en détention devrait également être améliorée, notamment s’agissant de leur espace de vie et de l’accès aux soins”.

Nombre d'établissements pour femmes

58

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01/01/2017
/ Administration pénitentiaire

Femmes détenues

3,3 %

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01/01/2017
/ Administration pénitentiaire

Les enfants peuvent être incarcérés à partir de l’âge de 13 ans. Leur emprisonnement reste exceptionnel en dessous de 16 ans.

Les juridictions pénales pour enfants sont spécialisées, en vertu de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Le juge des enfants, le tribunal pour enfants, et la cour d’assises des mineurs répondent à une procédure distincte de celle des majeurs (prise en compte de l’atténuation de la responsabilité, audiences à huis clos, etc.). Les mineurs ne peuvent être condamnés, sauf dans des situations exceptionnelles, à une peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Les enfants incarcérées sont, au 1er janvier 2017, au nombre de 758. Ils représentent 1.1 % des personnes détenues. Ils étaient 708 le 1er janvier précédent (+7 %).

Plusieurs associations et syndicats signent, le 22 juin 2017, un communiqué, dénonçant la hausse significative du nombre de mineurs détenus : au 1er juin 2017, 851 mineurs sont incarcérés, (+16.2 % par rapport au mois d’octobre 2016). Il s’agit de l’augmentation la plus importante depuis 2002, année d’ouverture des centres éducatifs fermés1. Ces derniers ont permis une réduction significative du nombre de mineurs incarcérés. L’augmentation du nombre de mineurs incarcérés entraîne ponctuellement des situations de surpopulation dans certains établissements comme ceux de Nanterre, de Baie-Mahault ou de Porcheville. Ce dernier dépasse, à deux reprises au cours de l’année, sa capacité d’accueil. Les agressions se multiplient dans ce contexte de saturation.

Les établissements ou quartiers pour mineurs

Six établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) accueillent 268 mineurs au 1er janvier 2017. Les autres sont répartis entre les 47 quartiers pour mineurs (QM).

Les EPM accueillent exclusivement des personnes de moins de 18 ans. Les QM sont intégrés à des établissements qui accueillent des majeurs. Les EPM disposent d’une capacité moyenne de 60 places. Avec 1 151 places réservées aux mineurs, le taux d’occupation moyen est de 66 %.
L’expérience montre que ces établissements sont difficilement administrables dès lors que le taux d’occupation dépasse 50 %.

Les principes d’affectation

L’affectation en EPM ou en QM doit être liée à l’intérêt personnel de l’enfant, en tenant compte de son lieu de vie habituel, des besoins en termes de prise en charge éducative, ou de la proximité de la juridiction en charge du dossier.

La séparation entre les mineurs et les majeurs n’est pas toujours effective. Les jeunes filles ne peuvent être accueillies en particulier que dans trois EPM. La Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) souhaite, en 2017, modifier la cartographie des lieux de détention pour les jeunes filles afin de réduire les disparités territoriales.

Dans les QM, le régime de détention doit être adapté pour empêcher tout contact avec les majeurs. Ils disposent souvent de cellules individuelles mais ce n’est pas toujours le cas, notamment en cas de surpopulation. Le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social relate que, fin avril 2017, “deux adolescents ont dormi par terre sur un matelas et se sont vus contraints de partager une cellule de 9m², avec un cabinet de toilette ne permettant pas le respect de leur intimité”.

L’encadrement

Des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont présents auprès des mineurs dans les EPM et dans les QM. Les autres personnels (surveillance, santé) sont, en principe, spécialement formés. La formation spécifique “référent mineur” n’est pas toujours suivie par les surveillants affectés aux QM. Personnels pénitentiaires et personnels éducatifs font état des difficultés qu’ils rencontrent dès lors que les places sont massivement occupées. L’enseignement est obligatoire jusqu’à 16 ans comme en milieu libre.

Le régime de détention se caractérise, dans les EPM, par l’alliance du répressif et de l’éducatif. La vie collective (activités culturelles et sportives) est privilégiée et parfois jugée excessive. Sauf exception, ils sont seuls en cellule.

Le CGLPL effectue une visite, en mai 2016 à l’EPM de Orvault. La délégation salue le suivi des éducateurs. Les parents sont tenus informés de la situation des enfants et le maintien de liens familiaux est assuré correctement. Elle déplore principalement le manque de personnels et les conditions de travail dégradées, “Certains […] ont semblé usés professionnellement, en raison notamment du caractère imprévisible et impulsif de la population dont ils ont la charge”. La situation semble s’aggraver suite à la suppression de la formation à la prise en charge des mineurs, dispensée avant la prise de poste en EPM.

Un adolescent de 16 ans se pend dans sa cellule, le 13 décembre 2017, à l’EPM de Lavaur (Tarn). Il s’agit du troisième cas de suicide en EPM dans l’histoire. Le premier a lieu, en 2008, dans l’EPM de Meyzieu (Rhône), le deuxième, en 2010, dans celui d’Orvault (Loire-Atlantique).


  1. Les CEF sont une alternative à l’incarcération des mineurs. Les jeunes sont placés pour six mois, période renouvelable une fois. Ils sont, en 2017, au nombre de 52. Le ministre de la Justice annonce, en septembre 2017, l’ouverture de 20 nouveaux centres d’ici 2022. 

Mineurs détenus

1,1 %

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01/01/2017
/ Administration pénitentiaire

Le nombre d’étrangers sous écrou est, au 1er janvier 2017, de 16 029 (contre 14 690 au 1er janvier 2015) : une augmentation significative de 9.1 % en deux ans.

48.8 % d’entre eux sont issus d’Afrique, 37.4 % d’Europe, 8.4 % du continent américain, 4.9 % d’Asie et 0.6 % d’autres pays.

Si aucun principe n’exige le regroupement des personnes étrangères dans des quartiers spécifiques, la pratique du “tri ethnique” non institutionnelle et non généralisée, perdure. Elle engendre une répartition au sein des quartiers de détention fondée sur la nationalité ou les origines, réelles ou supposées, voire sur le seul critère de couleur de peau des personnes détenues. Certains détenus demandent à pouvoir cohabiter avec des personnes avec lesquelles elles peuvent communiquer.

— **Inégalité dans l’accès aux droits **

Les personnes étrangères sont souvent victimes de discriminations dans l’accès au travail, aux aménagements de peine et au maintien des liens familiaux. Elles sont plus vulnérables quand elles ont des difficultés à maîtriser la langue française. Toutes les demandes doivent être formulées par écrit (rencontrer le médecin par exemple), une démarche parfois impossible. Le recours à l’interprète, en théorie garanti aux différentes étapes de la procédure y compris disciplinaire, est insuffisant, voire inexistant.

Une personne détenue d’origine polonaise s’adresse, en août 2017, à La Cimade, une association qui accompagne les personnes détenues étrangères : “J’ai besoin des dictionnaires Pologne-Français SVP. A bibliothèque, y-la-pa dictionnaire. PS : Je suis Pologne, pas parle frances. Cé dificile pour moi”.

— **Prison et migration **

Le séjour irrégulier n’est plus, en soi, une infraction pénale mais les comportements qu’il induit peuvent entraîner une condamnation. Les problématiques du droit au séjour viennent s’ajouter au quotidien difficile de la prison.

L’incarcération est un obstacle pour entreprendre toutes démarches, devenues très complexes. Les procédures de demande d’un titre de séjour prévoient des rendez-vous obligatoires en préfecture. Les personnes incarcérées sont tenues de demander des permissions de sortir qui, souvent, ne sont pas accordées. Les entretiens pour les demandeurs d’asile peuvent désormais se dérouler au sein des prisons grâce à un moyen de communication audiovisuelle. Avec toutes les difficultés que cela engendre : confidentialité, mise en confiance, interprétariat, etc. Les personnes qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français bénéficient d’un délai de recours de 48h seulement alors que les démarches, depuis la détention, sont complexes.

On assiste, en 2017, à un dévoiement de la procédure prévue pour les demandes de titre de séjour : des réponses émanant des préfectures, sous forme de courriels, sont parfois données directement aux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation ou aux correspondants. Elles indiquent que la personne ne pourra bénéficier d’un titre de séjour en raison de son incarcération, ou que la demande va engendrer la convocation d’une commission des expulsions. Ce phénomène est accentué par les récentes instructions ministérielles comme celle d’octobre 2017 : “L’éloignement des étrangers en fin d’une peine d’emprisonnement doit être une priorité, qu’ils soient en situation irrégulière ou qu’ils représentent une menace pour l’ordre public” et demande “la mise en œuvre des démarches pour l’exécution de la mesure dès le début de l’incarcération”.

L’OIP-SF, La Cimade et le GISTI publient, en décembre 2017, une enquête alarmante sur les obstacles à la contestation des obligations de quitter le territoire français notifiées en détention. Les conditions de notification et d’information sur les droits et l’absence d’interprètes entraînent une mauvaise compréhension de la situation par la personne visée. Les délais de recours ne permettent pas toujours de bénéficier du soutien juridique nécessaire, d’autant plus que la constitution du dossier est très difficile dans le cadre de la détention. Ces constats conduisent les associations à déposer une question prioritaire de constitutionnalité dénonçant l’atteinte portée au droit à un recours effectif.

La Cimade reçoit le courrier d’une personne transférée dans un autre établissement alors qu’elle effectuait des démarches : “Je viens vous demander un entretien avant le 27 octobre 2017 car j’ai des papiers à vous transmettre qui vont être périmés […], ça fait presque trois mois que je l’ai préparé et j’avais un rendez-vous avec un Monsieur qui s’occupe des renouvellements des papiers sur la prison et malheureusement je me suis fait transféré ici”.

Étrangers détenus

23,4 %

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01/01/2017
/ Administration pénitentiaire

Les personnes LGBTI ne peuvent être condamnées en raison de leur orientation ou de leur identité sexuelle.

Les règles d’affectation

L’affectation des personnes trans se fait en fonction de l’état civil. L’aménagement de leur vie quotidienne est soumis à l’appréciation, au cas par cas, du personnel pénitentiaire. Elles sont souvent placées en quartier d’isolement pour préserver leur sécurité. L’accès au travail et autres activités devient difficile, voire impossible. Le centre pénitentiaire Fleury-Mérogis dispose d’un quartier réservé exclusivement aux personnes trans. Entre 20 et 30 personnes y séjournent généralement. L’association ACCEPTESS-T intervient en soutien.

Les règles d’affectation des personnes trans ne sont pas toujours appliquées. BuzzFeed rapporte le témoignage d’une personne trans incarcérée : “J’ai fait une demande pour aller chez les femmes, on m’a dit ‘non, tu n’es pas opérée’”, alors que son passeport argentin indique un état civil féminin. Une autre raconte avoir fait deux allers-retours entre des prisons pour hommes et pour femmes. Après une consultation gynécologique elle est transférée définitivement dans un établissement pour femmes. Dans cette même enquête, les défauts d’information et de prise en compte de la situation des personnes trans en détention sont dénoncés.

— **Les actes de violence **

En détention, elles sont souvent victimes d’actes homophobes ou transphobes : violences verbales, physiques, agressions sexuelles.

L’association David et Jonathan publie, en août 2017, un livre-blanc sur les violences homophobes en prison fondé sur les témoignages des personnes qu’ils accompagnent. L’organisation intervient en détention auprès des personnes LGBTI. Cinq témoignages sont rapportés au cours de l’année.

Un détenu âgé de 46 ans fait part de ses difficultés “Depuis mon arrivée à …, je vis l’enfer. Je ne sais comment, mais tout le monde (surveillants et détenus) a su, dès mon arrivée que j’étais homo et les insultes ont commencé. […] La semaine dernière, je me suis fait casser la figure dans ma cellule”.

Un témoignage est particulièrement significatif : aux insultes et violences physiques subies de la part des personnes détenues, s’ajoute le harcèlement, avec insultes, d’une surveillante. Cela cesse suite à l’intervention de l’un des membres de l’association auprès de la direction. Le jeune détenu tente, pour autant, de se suicider : il se défenestre du 2ème étage. Il souffre de multiples fractures et doit subir plusieurs opérations.

David et Jonathan développe trois propositions pour mettre fin aux situations répétées de violence : attirer l’attention des chefs d’établissements sur la situation des personnes LGBTI, recenser chaque années les actes homophobes et accepter dans son principe la démarche d’une personne détenue qui porte plainte et l’accompagner.

L’accès aux soins

L’accès aux soins est un problème majeur. Les personnes trans ne bénéficient d’aucune information relative aux modalités de leur prise en charge médicale. L’offre de soins ne dépasse pas celle existant dans l’établissement.

La situation d’une personne détenue homosexuelle et séropositive est relatée par Les Inrockuptibles. Après avoir caché son orientation sexuelle et sa maladie durant plusieurs mois, un dossier médical indiquant “VIH” reste sur une table de consultation et alerte les patients suivants de sa situation. Le lendemain, il est violemment agressé dans la cour. Malgré sa plainte, l’agression n’est pas enregistrée et l’affaire est classée.

La Constitution française affirme que “nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public”.
Certains prisonniers, en particulier des Basques et des Corses, s’affirment “détenus politiques”. Ils sont détenus, non pour leurs opinions, mais pour les infractions que leurs opinions les ont amenés à commettre.
Soixante-treize prisonniers basques, dont 15 femmes, sont, en juillet 2017, incarcérés dans 21 établissements pénitentiaires. Ils sont, en moyenne, à 630 kilomètres de leurs familles.

L’administration disperse ces personnes dans différents établissements. Le maintien des liens familiaux en est gravement affecté. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) demande pour eux un accroissement du temps de visite, un usage plus important des unités de vie familiales, une gestion plus souple des retards.

Des associations de défense des détenus basques organisent, en 2017, un tour des prisons de France pour alerter sur le “régime d’exception” dont ils font l’objet. Elles contestent le refus presque systématique des demandes de suspension de peine pour raison médicale faites par les personnes basques gravement malades.

La coalition nationaliste Pè a Corsica emporte, en décembre 2017, les élections territoriales. Elle négocie des mesures de rapprochement familial pour les prisonniers exécutant leur peine dans les prisons continentales. Toutes les demandes ont, jusqu’à présent, été rejetées. Emmanuel Macron, aujourd’hui président de la République affirme être, lors de sa campagne électorale, favorable à une étude au cas par cas des dossiers.

3 021 personnes détenues, au 1er janvier 2015, (dernier chiffre publié), sont âgées de 60 ans ou plus (4.4% du total). Un chiffre multiplié par six en 25 ans.

Les conditions de détention

Les personnes âgées détenues ne sont pas regroupées dans des établissements ou quartiers spécifiques. Les établissements ne sont pas conçus pour les accueillir : le rythme de vie de la prison et son organisation sont sources d’angoisse. Il est constaté un manque d’activités adaptées, un accès restreint au travail et une prise en charge médicale trop faible. Les médecins signalent aussi des difficultés à se procurer des équipements médicaux. Les personnes âgées détenues ont difficilement accès aux aides humaines et sont souvent contraintes de requérir l’aide d’autres détenus.

L’OIP-SF mène, en 2017, une enquête sur la fin de vie en prison et interroge Aline Chassagne, sociologue : “les personnes détenues qui ont des problèmes d’autonomie expliquent ne plus parvenir à s’ajuster au rythme que la prison peut imposer, à accéder au travail, aux activités. Elles avaient aussi des difficultés pour aller en promenade. Si bien que souvent, les détenus plus malades et plus âgés que les autres se font aider par d’autres détenus ou beaucoup plus rarement par des auxiliaires de vie”. Pour Catherine Fac, docteur en milieu carcéral, “La vie en prison est faite pour les jeunes, c’est un univers dur, musclé1.

Les aménagements de peines

Lorsque les personnes arrivent en fin de vie, la libération conditionnelle est privilégiée. Une autre procédure de suspension de peine pour raisons médicales autorise les détenus dont le pronostic vital est engagé à finir leurs jours auprès de leurs proches. Ces procédures ne sont pas toujours mises en place, le plus souvent faute d’hébergement à la sortie.

Le rapport sénatorial sur les dépenses liées aux soins des détenus rappelle que les assistantes sociales sont chargées de trouver une solution d’accueil pour la sortie, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Dans la pratique, ceux-ci ont souvent des réticences à accueillir des personnes incarcérées.
Certaines personnes âgées sont contraintes de vivre leurs derniers jours en détention, avec un personnel qui n’a ni la formation, ni les moyens pour les accompagner.


  1. Mourir à l’ombre dans XXI, avril-mai-juin 2017. 

Le handicap physique en détention

Peu d’établissements disposent de structures adaptées aux personnes en situation de handicap. Certains services (parloirs, salles d’activités) sont inaccessibles en l’absence d’ascenseur ou de rampe d’accès par exemple.
L’inadaptation des locaux peut également affecter les proches rendant visite à une personne détenue lorsqu’eux-mêmes sont handicapés.

Le handicap psychique en détention

La santé mentale est particulièrement altérée en détention. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) alerte, au mois d’août 2017, sur la proportion de personnes en détention atteintes de pathologies psychiatriques graves. 25 à 30% des personnes détenues n’auraient pas leur place en prison puisque, rappelle-t-elle : “la prison n’est pas un lieu de soin”.

Elle publie, un peu avant, un rapport sur le centre pénitentiaire de Château-Thierry, accueillant des personnes considérées comme inadaptées à la détention ordinaire. Les contrôleurs observent que la très grande majorité des personnes sont atteintes d’états psychotiques graves et persistants alors que les moyens humains pour les prendre en charge sont largement insuffisants.

Une enquête sur la santé mentale en population carcérale dans la région Hauts-de-France, menée par le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé, fait un constat similaire et interroge les politiques pénales et sanitaires.

Une expérimentation initiée par Médecins du Monde débute à Marseille au cours de l’année pour proposer une alternative à l’incarcération des personnes condamnées souffrant de troubles psychiatriques. Cette mesure est proposée aux magistrats dans le cadre des comparutions immédiates.

Les aménagements de peines

Les personnes malades peuvent faire l’objet d’une libération anticipée lorsqu’est établie une pathologie engageant le pronostic vital, ou que leur état de santé est incompatible avec le maintien en détention (238 demandes de suspension de peines pour raisons médicales en 2013 et 207 accordées). Le rapport sénatorial sur les dépenses liées aux soins des détenus relève que cette mesure est faiblement prononcée faute de structure acceptant d’accueillir les personnes à leur sortie.

Si la prise en charge sanitaire s’est grandement améliorée depuis les années 90 (voir la rubrique dédiée), des défauts de prise en charge criants sont encore souvent constatés.
Un homme détenu alerte les services médicaux, en décembre 2016, sur des problèmes de vision. Les personnels ne le prennent pas au sérieux durant plusieurs semaines. Il consulte, en février 2017, un médecin à l’hôpital. Celui-ci diagnostique une maladie rare entraînant une diminution progressive de la vue : il souffre d’une perte de 90% de son acuité visuelle. Un traitement approprié lui permet de récupérer une partie de sa vue (6/10e) mais les délais excessifs de prise en charge entraînent certaines séquelles, notamment un problème d’oreille interne.