Contributeur(s)Bénédicte Brunet-La Ruche/Prison Insider

Le quotidien

Les personnes en détention provisoire doivent, en théorie, être placées dans des cellules individuelles et les personnes condamnées dans des cellules collectives. L’emprisonnement collectif prévaut en pratique pour toutes les catégories de prisonniers.

Les détenus logent dans des dortoirs, y compris dans les établissements construits récemment. Les prisonniers dorment parfois à deux ou trois par mètre carré.

L’affectation de l’espace dans le dortoir dépend de l’ancienneté des prisonniers. Les condamnés aux peines les plus longues ont accès aux quelques lits superposés, avec une télévision et une radio. Les prisonniers appellent ce mode de détention “l’hôtel”. L’affectation est aussi fonction des rapports de force entre prisonniers et de la capacité financière de chacun. Chaque détenu doit payer au prisonnier responsable du dortoir un “loyer” variable selon l’emplacement. Dans la prison de Parakou, les prisonniers doivent payer un loyer de 3500 F (soit 5.32€). Il comprend le logement, la natte, la vidange du bidon d’aisance et le balayage. Des détenus de la prison d’Abomey payent un supplément pour dormir dehors ou rester dehors jusqu’à la fermeture des portes.

Les “privilégiés” dorment le long des murs. Ils peuvent se lever la nuit en empruntant un mince couloir. La majorité des détenus dorment au centre du dortoir. Ils sont appelés les “couchés immobilisés” car ils dorment tête-bêche. Ils ne peuvent pas bouger de la nuit. Les “immobilisés accroupis” dorment à l’entrée du dortoir. Ils ne peuvent s’étendre faute de place et dorment accroupis. Ils peuvent rester assignés à cet emplacement pendant des périodes allant jusqu’à 12 mois.

La chaleur peut être très forte, compte tenu du confinement. Les brasseurs d’air utilisés sont insuffisants. Des personnes s’évanouissent, voire parfois décèdent par étouffement, notamment en cas de coupure d’électricité.

La prison civile de Cotonou comprend 14 dortoirs dans le quartier des hommes (dit “général”) et un nombre non précisé de dortoirs dans les quartiers pour femmes et pour mineurs. Certains dortoirs du quartier général sont affectés aux prisonniers les plus riches (“la maison blanche” ou le “Rotary”).

Deux repas doivent, en théorie, être distribués par jour.

L’alimentation est assurée par des prestataires choisis par le biais d’appels d’offre concurrentiels. Certains d’entre eux doivent suspendre leurs services faute de paiement de l’Etat.

Les prisonniers signalent des repas de mauvaise qualité et servis en quantité insuffisante. Les deux repas sont distribués en même temps, entre 15 et 16 heures. Le prestataire, le personnel pénitentiaire et le détenu responsable des vivres distribuent la nourriture.

Le trafic de nourriture et de boissons est formellement interdit. Un système d’achat de vivres est géré par la hiérarchie des détenus. Des commerçants des marchés locaux se rendent dans les prisons pour y vendre des vivres ou des plats cuisinés. Les prix sont plus élevés que ceux pratiqués à l’extérieur de la prison.

L’alimentation des personnes placées en garde à vue n’est pas prévue par l’Etat. La famille, des policiers ou des gendarmes peuvent éventuellement fournir de la nourriture.

Le soutien de familial permet aux prisonniers de compléter leur ration alimentaire. Certaines personnes détenues peuvent aussi obtenir des vivres supplémentaires par les “redevances” diverses qu’elles perçoivent des autres prisonniers, par exemple le loyer. Des systèmes de solidarité se mettent en place dans un dortoir ou un quartier pour assurer un complément alimentaire à tous les membres, y compris ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien familial. La situation géographique de la prison joue un rôle dans l’accès à la nourriture. Celle d’Akpro-Missérété se situe à l’extérieur de la ville ce qui empêche les prisonniers de compléter leur ration alimentaire par le biais des marchands extérieurs.

Les points d’eau sont à l’extérieur de la majorité des bâtiments. Les prisonniers n’y ont accès que la journée. Les prisonniers d’Abomey manifestent, en avril 2016, à cause d’une pénurie d’eau.

Les conditions de détention favorisent l’apparition et la propagation de maladies infectieuses : paludisme, affections pulmonaires et dermatoses.

Aucun dispositif n’est mis en place pour répondre au risque important d’épidémies. Les locaux d’isolement médical sont utilisés quelle que soit la pathologie dont souffre le prisonnier malade. Les malades psychiatriques y sont enfermés dans la prison de Porto-Novo.

Les toilettes sont souvent des latrines à fond étanches. Elles sont communes et installées dans la cour centrale. Il n’y a pas de points réservés au lavage des mains. Le ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme est en défaut de paiement auprès des prestataires chargés de la vidange des toilettes. Les prisonniers doivent donc les remplacer. Cela augmente le risque de contamination féco-orale au sein de la prison.

La distribution hebdomadaire de savon et de nécessaire de toilette n’est plus effective depuis 2014.

Une déchetterie est installée au milieu de la cour des prisons de Porto-Novo et Cotonou. Les poubelles sont enfouies à l’extérieur de la prison.

Les produits d’entretien ne sont pas été livrés depuis 2015. Cela contribue à la prolifération des parasites, puces, punaises et rats qui sont les vecteurs de maladies parasitaires et infectieuses.

Le ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme (MJLDH) est chargé de la gestion et du financement du système de santé dans les prisons. Le financement est insuffisant : le taux d’exécution du budget global alloué aux prisons en 2015 est de 26,1 %. Le ministère de la Santé peut intervenir sur autorisation du MJLDH.

Un médecin, chef de la circonscription médicale, doit :

  • surveiller les prisons de son ressort,
  • les visiter au moins une fois tous les quinze jours
  • proposer des mesures d’assainissement si nécessaire.

Les prisons disposent chacune d’une infirmerie. Elles manquent des produits de première nécessité et ne répondent pas aux standards internationaux. Les infirmiers sont recrutés par le MJLDH. Ils ne reçoivent pas de formation adaptée à leur cadre de travail. Ils ne sont pas inclus dans les formations du ministère de la Santé. Les infirmiers sont assistés par des prisonniers dans leur travail.

Les prisonniers doivent s’inscrire auprès du secrétaire de bâtiment un à deux jours en avance pour une consultation à l’infirmerie, sauf en cas d’extrême urgence. Des jours de consultation sont fixés par catégorie de prisonniers. Il n’y a pas de service de garde la nuit. Le personnel infirmier n’exerce pas de surveillance médicale sur les prisonniers placés en cellule disciplinaire.

Seules trois infirmeries sur dix utilisent les outils recommandés par le Système national d’informations et de gestion sanitaire pour la collecte des données (registres, dossiers de malades souvent inexistants, fiches de rapport etc.). Les infirmiers ne sont pas formés à leur utilisation.

Les soins de santé dans les prisons sont en principe dispensés gratuitement lorsqu’ils sont accessibles. Lorsque les détenus sont transférés à l’hôpital, ils doivent payer les médicaments qui leur sont prescrits.

Le taux de prisonniers déclarant ne pas faire usage de leur droit d’accès à la santé s’élève à 94,3 %. Les raisons principales sont les difficultés d’accès aux services, le manque de disponibilité des infirmiers et les ruptures de stock des médicaments essentiels. Il arrive que des médicaments périmés soient livrés.

Compte tenu de la difficulté d’accès aux soins de santé, une économie parallèle s’institue. Une redevance financière pour l’accès au premier rendez-vous à l’infirmerie, et une organisation au sein et avec l’extérieur de la prison pour l’accès aux médicaments existe également (médicaments apportés par la famille, vente en interne entre prisonniers). La médecine à base de plantes est parfois employée.

Aucun psychologue n’intervient dans les prisons.

Seule la prison d’Akpro-Missérété dispose d’un transport sanitaire qui sert également au transfèrement des prisonniers.

Les prisons d’Abomey-Calavi, Cotonou, Kandi, Natitingou et Parakou font passer une visite de contrôle à tous les nouveaux prisonniers.

Il existe, en 2016, deux programmes de santé en cours dans les prisons : le Programme national de lutte contre le Sida et le Programme de national de lutte contre la tuberculose. Il n’y a cependant pas de dépistage systématique de la tuberculose, du virus de l’hépatite B et/ou du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) que ce soit à l’arrivée, au cours de l’emprisonnement ou à la sortie de prison. Des ONG interviennent semestriellement dans les dix prisons pour effectuer des tests de dépistage du VIH dans le cadre du Programme de lutte contre le Sida.

Les travaux forcés sont prévus comme sanction dans le code pénal[^travaux]. Les condamnés purgent en pratique leur peine dans une prison. [^travaux]: Article 15 du code pénal de 1954.

L’administration pénitentiaire autorise l’intervention d’ONG pour aider à la réinsertion sociale des prisonniers, dont notamment :

  • Le Centres Don Bosco
  • La Fraternité des Prisons
  • Prisonniers sans frontières
  • L’Institut des filles de Marie auxiliatrice
  • Les Sœurs salésiennes de Don Bosco

La Ligue béninoise des droits de l’Homme, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Amnesty International Bénin et l’Association des victimes de la torture travaillent à dénoncer les violations des droits humains relatives aux conditions de détention et de garde à vue. Elles mettent en œuvre des campagnes de sensibilisation, des actions au sein des centres de détention et visitent les prisons.

Le médiateur de la République, institué par la loi du 11 aout 2009, est saisi de plusieurs plaintes de détenus concernant les conditions carcérales et les dysfonctionnements judiciaires. Il a visité toutes les prisons en 2010 et 2012.

Trente militaires sont détachés, dans la prison de Cotonou, pour assurer la sécurité autour de l’établissement. Ils renforcent le personnel de la prison pour les transports de détenus (pour les soins à l’hôpital ou pour se rendre au tribunal) et apportent leur concours en cas de fouilles approfondies.