Contributeur(s)Observatoire International des Prisons (OIP) - section belge

Populations spécifiques

La population carcérale n’a cessé d’augmenter entre 1980 et 2014, passant de 5 677 à 11 769 détenus sans pour autant que la délinquance se soit accrue. On comptait, au 31 décembre 2015, 11 040 détenus.

Cette baisse, non constante, s’explique essentiellement par l’ouverture d’un hôpital en partenariat public/privé pour détenus “internés”[^interné] d’environ 200 places et par l’accroissement du nombre de personnes placées sous surveillance électronique. En 2001,142 personnes portaient un bracelet électronique. Elles sont 1981 en 2015.

La population carcérale est composée de 58,5% de condamnés, 31,2% de prévenus et 10% d’internés.

Le nombre élevé de prévenus questionne le principe de la présomption d’innocence.

[^interné]:Les internés sont des personnes ayant commis une infraction mais reconnues irresponsables de leurs actes par la justice.

Prévenus

33,5 %

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World Prison Brief - 2016

Les femmes représentent 4% de la population carcérale en moyenne. Elles sont accueillies dans huit prisons, six IPPJ (mineures) et deux EDS ainsi que dans des ailes spéciales de prison pour hommes.

Elles étaient 443 en 2012, 502 en 2014, 462 en 2015 et 569 en mars 2016. Les mineures et les internées ne sont pas incluses dans ces chiffres. L’augmentation du nombre de femmes détenues a justifié l’ouverture d’une nouvelle section en Flandres.

La séparation entre hommes et femmes est stricte, ils ne se croisent que rarement. La mixité du personnel surveillant se met progressivement en place.

Le régime pénitentiaire des femmes est, en pratique, moins strict que celui des détenus masculins. A l’exception de la prison pour femmes de Berkendael à Bruxelles, il est toutefois fréquent qu’elles soient discriminées dans l’accès au travail, aux loisirs, aux activités et à la détention semi-ouverte. L’établissement de Marneffe par exemple, qui propose un régime ouvert, n’accueille pas de femmes.

Des femmes enceintes sont régulièrement écrouées. Leur état de grossesse est rarement pris en considération. Il n’est pas rare, par exemple, qu’une détenue enceinte doive partager une cellule avec une codétenue fumeuse. Un examen gynécologique ne leur est pas systématiquement proposé, sauf à la prison de Forest.

A six mois de grossesse, toutes les femmes détenues sont transférées à la prison de Bruges qui possède un équipement médical plus adapté. Elles accouchent dans un hôpital civil. Les menottes leur sont, depuis 2005, enlevés pendant le travail.
Claude LELIEVRE, ancien Délégué général aux droits de l’enfant, était intervenu à ce sujet.
Aucune présence familiale n’est tolérée lors de l’accouchement. Le père est avisé par téléphone ou par courrier.

Le retour en cellule est rapide après la naissance et le suivi post-accouchement n’est pas systématique. Les détenues sont généralement envoyées à l’hôpital en cas d’urgence.
Celles qui allaitent sont transférées au palais de justice pour comparaître sans leurs enfants.

Les enfants nés en détention peuvent être laissés à la garde de leur mère jusqu’à l’âge de trois ans. Dans les faits, la plupart ont moins d’un an. Lorsque la limite d’âge est atteinte, l’enfant est recueilli chez un membre de la famille ou placé dans une famille d’accueil ou en institution.

Les prisons de Berkendael, Lantin et Bruges disposent de cellules spécialement prévues pour accueillir les nourrissons et leur mère. Lorsque ces cellules sont occupées, l’enfant et la mère en « surnombre » occupent une cellule normale qui peut être partagée avec d’autres détenues. Des jouets et des vêtements pour l’enfant sont mis à disposition par l’administration et par des associations. Les établissements de Namur et de Mons n’ont, en revanche, pas de lieu dédié bien qu’ils aient déjà accueilli des nourrissons. Le Relais Enfant-Parents (association indépendante de l’administration pénitentiaire qui a pour objectif de favoriser le maintien de la relation entre un enfant et son parent détenu) suivait, en 2014, sept enfants vivant en détention et 3 début 2016, uniquement à Lantin.

Le bénéfice de droits sociaux dont la prime de naissance ou les allocations familiales n’est pas clair pour les mères qui donnent naissance en détention. L’accès à l’information est difficile. La répartition des compétences entre l’état fédéral et des entités fédérés est source de confusion

Nombre d'établissements pour femmes

8

Femmes détenues

4,6 %

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World Prison Brief - 2016

Les mineurs incarcérés comprennent : les mineurs dits “dessaisis” pour qui le code pénal s’applique, les mineurs relevant de la protection de la jeunesse et les mineurs étrangers non accompagnés (MENA).

Les mineurs dessaisis sont des jeunes de 16 ans ou plus pour lesquels le juge de la jeunesse estime qu’il convient d’appliquer la législation des majeurs. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies considère que le dessaisissement est une mesure contraire aux droits de l’enfant. Un avant-projet de décret du Ministre francophone de l’aide à la jeunesse propose d’en l’imiter l’usage. Il n’y a pas d’avancée pour l’instant. Les mineurs dessaisis sont, depuis juin 2010, incarcérés dans une section spéciale au centre fermé de Saint-Hubert (13 détenus maximum).

Les autres mineurs incarcérés font l’objet d’un placement, par le tribunal de la Jeunesse, dans un établissement spécial pour mineur à Wauthier-Braine, Braine-le-Château, Fraipont, Tongres ou Everberg.

A leur majorité, ils doivent, en principe, rester dans cet établissement.

Pendant longtemps, ces mineurs étaient dans l’impossibilité de poursuivre leur scolarité. Ils subissaient un fonctionnement carcéral classique, cellulaire, sans projet pédagogique. Le recours aux sanctions disciplinaires y était nettement supérieur aux autres prisons. La compétence sur les lieux de détention pour mineurs a été transférée du Fédéral aux communautés linguistiques en 2015. La communauté française a proposé un projet pédagogique qui n’est pas encore mis en œuvre.

Les MENA sont incarcérés suite à un test osseux qui les déclarent majeurs. La fiabilité de ces tests est très contestée.

L’obligation de séparer les mineurs des majeurs n’est, en Belgique, vraiment respectée que depuis 2011.

Nombre d'établissements pour mineurs

1

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2016

Les étrangers sont surreprésentés dans les prisons belges. Ils représentent presque la moitié des détenus. Les marocains (10,5%), les algériens (6,6%), les roumains (3,4%), les néerlandais, (2,2%) et les français (2,1%) sont les plus nombreux.

Les détenus étrangers bénéficient d’un interprète devant la police et devant les juges mais rarement au sein de la prison. De nombreux manquements sont signalés lors des entretiens avec le service psycho-social.

Le séjour illégal est, en Belgique, puni de trois mois d’emprisonnement et six mois en cas de récidive. La Cour de Cassation interdit cependant de prononcer une peine d’emprisonnement sur la seule base du séjour illégal. Une loi du 5 février 2016 dispose que les étrangers en séjour illégal ne peuvent, en principe, être libérés que pour être remis à l’Office des Etrangers en vue de leur expulsion.

Les autorités belges peuvent prononcer une peine d’interdiction du territoire de dix ans pour atteinte à l’ordre public à un étranger, en séjour régulier, qui purge sa peine en Belgique. La double peine (ou bannissement) est donc encore appliquée.

Une loi facilitant très largement le retrait de séjour de toute personne condamnée pénalement entre en vigueur en février 2017. L’Office des Etrangers obtient de l’administration pénitentiaire la liste de tous les détenus en séjour légal et procède, pour chacun d’eux, à une réévaluation de leur situation pouvant mener à une déchéance du droit de séjour. L’Observatoire international des prisons – section belge (OIP-SB) craint que cette déchéance devient systématique. L’OIP-SB a reçu, par exemple, une décision de retrait de permis de séjour un jeune de 23 ans, atteint de troubles mentaux. Il est arrivé en Belgique avec sa famille à l’âge de cinq ans. Le jeune est marié et a des enfants ressortissants européens.

Étrangers détenus

44,3 %

Les minorités ethniques ou religieuses ne sont pas séparées des autres détenus, à l’exception des détenus « radicalisés ».

L’OIP-SB recense, en 2014, un cas d’abus à une personne LGBTI en prison.

Une femme transgenre, détenue dans une maison d’arrêt pour hommes, est autorisé à porter des vêtements féminins uniquement dans sa cellule.

Les opinions politiques ne constituent pas, en Belgique, un motif d’incarcération.

L’incitation à la commission d’infractions terroristes est depuis février 2013, devenue pénalement répressible. Son champ d’application est large et peut potentiellement engendrer des dérives.

Il n’y a pas de quartiers ou établissements spécifiques pour les personnes âgées. Celles-ci peuvent bénéficier d’une libération anticipée, uniquement pour raison de santé.

Certains établissements sont dotés d’un centre médico-chirurgical dans lesquels des examens et des interventions sont effectués. Les détenus qui ne peuvent recevoir de soins adaptés dans ces centres sont transférés dans des hôpitaux civils. Des mesures de sécurité doivent alors être mises en œuvre, ce qui retarde souvent l’accès aux soins.

Les détenus malades (ex : hépatite C) peuvent se voir exclus de leur travail en prison sans qu’il n’y ait de risque objectif de contamination.

Les internés (personnes ayant commis une infraction mais reconnues irresponsables de leurs actes par la justice) doivent, en principe, séjourner dans l’un des trois établissements spécialisés de défense sociale (EDS) de Wallonie. Ils attendent, en réalité, entre deux et quatre ans dans les annexes psychiatriques des prisons qu’une place se libère, sans soins adéquats. Cette situation est dénoncée par le Comité de prévention contre la torture (CPT) du Conseil de l’Europe.

Le CPT publie, le 13 juillet 2017, une déclaration publique relative à la Belgique. Il dénonce la situation dans les prisons belges lors des grèves du personnel pénitentiaire. Le CPT sollicite de l’Etat belge, depuis de nombreuses années, qu’il mette en place un service de relais en cas de grève des agents. Le CPT pointe, en particulier, la situation des internés lors de ces mouvements sociaux, ceux-ci étant « encore plus vulnérables » que les autres détenus.

Deux centres de psychiatrie légale ont été construits en Flandre en partenariat public-privé. Un à Gand et un à Anvers.