Contributeur(s)Observatoire International des Prisons (OIP) - section belge

Le quotidien

Le principe de l’encellulement individuel n’est pas respecté en raison de la surpopulation.

Les détenus, particulièrement les prévenus, partagent une cellule à deux, voire trois dans 9m2. C’est le cas dans plusieurs cellules de la prison de Forest où le “troisième détenu” dort à même le sol sur un matelas entreposé sous le lit superposé pendant la journée.

L’équipement des cellules est généralement calculé pour une personne (une chaise et une table), même si plusieurs détenus y sont logés.

Dans de nombreuses prisons, les toilettes ne sont pas séparées du reste de la cellule par une cloison. Certaines cellules, notamment des prisons de Forest et d’Anvers, ne sont pas équipées de toilettes et d’arrivées d’eau. Les détenus reçoivent un seau hygiénique pour leurs besoins naturels.

Les fenêtres ne s’ouvrent pas dans les établissements les plus récents de Marche, Leuze et Beveren. Aucune d’aération naturelle n’est possible. Dans les autres établissements, l’ouverture peut être totale ou de quelques centimètres seulement.

La Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’arrêt Vasilecu c. Belgique le 25 novembre 2014 pour violation de l’article 3 : non-respect de l’espace personnel minimum de 4m2, toilettes séparées par un simple paravent dans les cellules, matelas posé au sol et tabagisme passif.

La Belgique est condamnée encore une fois par la CEDH, le 16 mai 2017, dans les affaires Sylla et Nollomont c. Belgique pour violation de l’article 3, en raison du manque d’espace personnel en cellule (moins de 3m2).

L’administration pénitentiaire alloue quatre euros par jour et par détenu pour trois repas.

La quantité et la qualité de nourriture varient considérablement d’une prison à l’autre. La quantité est parfois insuffisante dans les prisons surpeuplées car le volume de nourriture est calculé en fonction du nombre de places opérationnelles et non pas du nombre réel de détenus.

Les repas sont généralement préparés par les détenus, encadrés par du personnel de la prison.

Dans les trois dernières prisons construites en partenariat public-privé, Leuze-en-Hainaut, Beveren, et Marche-en-Famenne, la nourriture est préparée par une société privée qui s’est engagée à faire travailler et à former des détenus au métier de la restauration. Les détenus de la prison néerlandaise de Tilburg, louée par l’Etat belge, reçoivent des plats surgelés conformément au système néerlandais.

Les détenus peuvent “cantiner”, c’est à dire acheter de la nourriture sur une liste de produits proposée par la prison. Les prix sont plus élevés qu’à l’extérieur.

Les détenus peuvent cuisiner en cellule seulement dans les prisons qui autorisent à avoir une plaque de cuisson ou qui mettent un espace cuisine à disposition. Lorsqu’il est interdit d’avoir une plaque de cuisson, fabriquer une plaque artisanale est passible d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à 15 jours d’isolement.

Les pratiques culturelles, religieuses, et les besoins médicaux doivent, en principe, être pris en compte dans l’alimentation. Ce n’est pas toujours respecté en pratique. La viande qui n’est pas hallal est souvent remplacée par un fromage, toujours le même, servi semaine après semaine aux musulmans.
Les détenus diabétiques doivent également insister pour bénéficier d’un régime alimentaire adapté.

Les détenus doivent systématiquement faire une demande écrite pour accéder à l’unité de soins.

L’insuffisance de personnel médical est un problème majeur. Un médecin doit parfois examiner entre 20 et 50 détenus en deux heures. La garde médicale est assurée par des infirmiers, généralement uniquement en journée. Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), avait pointé, en 2013, l’absence d’infirmier la nuit et les week-ends à la prison d’Andenne. La présence d’un dentiste dans les prisons est rare. Les dermatologues et kinésithérapeutes sont aussi beaucoup trop peu nombreux par rapport à la demande de soins.

Les maladies de peau restent un problème majeur en prison. D’autres maladies comme le sida, la tuberculose, l’hépatite C, les maladies cardiaques et le diabète touchent les personnes incarcérées. Le nombre de personnes toxicomanes est relativement élevé.

Les médicaments sont en principe distribués par des infirmiers. Il arrive que des agents ou des détenus procèdent à cette distribution. Les médicaments sont généralement gratuits mais certaines opérations sont laissées à la charge des détenus (par exemple, les prothèses dentaires).

La continuité des soins des détenus pose problème : il n’existe aucun protocole permettant de faire le lien entre le suivi médical avant, pendant et après l’incarcération.

Le secret médical est généralement respecté. Certaines atteintes sont cependant rapportées, notamment à la prison de Saint-Gilles, où des agents ont révélé la séropositivité d’un détenu à d’autres (2013).

Les actions de prévention et de réduction des risques sont quasi inexistantes (y compris pour les risques liés au suicide). En mars 2016, à la prison d’Ittre, la commission de surveillance relevait que 20% des plaintes des détenus concernent les soins de santé.

Les troubles psychologiques sont surreprésentés en prison. Les antidépresseurs sont très utilisés, à défaut d’un réel parcours de soin. La CEDH a condamné la Belgique le 17 novembre 2015 à verser une amende à Mr Farid Bamouhammad pour traitements inhumains et dégradants lors de sa détention. Le requérant souffrait du syndrome de Ganser ou « psychose de prison ». L’administration pénitentiaire a tardé à mettre en place une thérapie et son état de santé s’est détérioré.

Les détenus ont tous droit à une heure de préau par jour minimum, parfois deux dans les maisons de peine. Une activité (cours, formation, travail) remplace d’office l’accès au préau. Ce dernier est une cour entourée de hauts murs et parfois surmontées d’un filet de prévention des évasions.

Toutes les activités sont organisées par des associations extérieures qui sont tributaires du fonctionnement de chaque établissement pénitentiaire. L’offre est limitée.

Les détenus de la prison de Saint-Gilles (environ 800 détenus) n’ont eu accès à aucune activité entre juillet 2015 et mars 2016. La direction a interdit l’accès à tous les services externes estimant qu’elle n’a pas assez d’agents de disponibles pour assurer le service.

Les détenus qui font l’objet de sanction disciplinaire sont souvent privés d’activités bien que cela ne soit pas prévu par la loi.

Le travail des détenus s’exerce principalement de trois manières: tâches pour la Régie du travail pénitentiaire (entretien des établissements, confection de grillages pour les fenêtres des cellules, travaux domestiques (cuisine, buanderie, nettoyage, etc) ; ateliers entrepreneurs (pour des entreprises privées, souvent le plus rémunérateur). Le travail se déroule en atelier, exceptionnellement en cellule. Moins de 50% des détenus ont accès au travail.

Le travail en prison n’est pas soumis à la législation du travail. La rémunération moyenne est d’un euro de l’heure. Elle peut aller jusqu’à trois euros. Les détenus peuvent être payés à la pièce. Ils ne bénéficient pas de couverture sociale, de chômage, d’assurance maladie, de pension, ou de retraite.

L’attribution d’un travail est une manière pour la direction des établissements de récompenser le bon comportement d’un détenu. Son retrait est, par conséquent, une punition fréquente.

L’administration pénitentiaire ne communique pas le nombre de détenus qui bénéficie d’un emploi au sein de la prison. Elle communique en revanche le montant alloué, au total, pour rémunérer les détenus, soit 3.541.514,00 € en 2016.

L’Etat belge n’a jamais mis en place les dispositions de la loi du 12 janvier 2005 qui prévoit une planification de la détention. Les formations ne s’inscrivent donc pas dans un parcours de réinsertion. Elles sont toutes organisées par des associations externes à la prison. L’offre est insuffisante. Les critères d’admissibilité sont fixés par le personnel, parfois arbitrairement, sous forme de récompense. Travail et formation sont souvent mis en concurrence. Le détenu favorise alors le travail qui lui apporte une petite rémunération. Les formations sont tributaires des transferts des détenus d’une prison à l’autre.

Les détenus ont accès à la radio et à la télévision en cellule. Les appareils et l’abonnement à la télédistribution doivent être cantinés. Certains établissements obligent les détenus à louer une télévision même s’ils en possèdent une.

Les détenus peuvent pratiquer leur religion librement. Ils ont accès à des conseillers du culte, rémunérés depuis 2007, par l’Etat. Leur nombre est insuffisant. Les conseillers catholiques reçoivent le plus grand nombre de subsides. Des imams, des aumôniers juifs et des ministres protestants sont également présents. Les raisons de sécurité sont souvent invoquées pour limiter leur accès. Les musulmans en pâtissent depuis les attentats de Charlie Hebdo. Les demandes de visite se font par écrit et sont déposées dans une boîte aux lettres « culte ». Les visites peuvent avoir lieu dans les cellules, même lorsque le détenu est puni.

La présence des conseillers de la Fondation pour l’assistance morale aux détenus varie fortement selon les établissements pour des raisons géographiques ou d’organisation.

En 2017, plusieurs détenus privés d’accès au culte collectif, à la prison d’Ittre, organisent une prière collective au préau. Ils sont sanctionnés disciplinairement par les autorités.

Le Conseil d’Etat a par ailleurs suspendu, par un arrêt rendu en 2017, une sanction disciplinaire prise par la direction de Leuze-en-Hainaut en raison de prières collectives. Le Conseil d’Etat évoque comme raison le fait que la prière collective n’est pas une infraction disciplinaire.

Des visiteurs interviennent dans les prisons. Ce sont souvent des personnes retraitées et bénévoles.

Les détenus ont accès à un compte qui leur servira à cantiner des produits ou à téléphoner. Il peut être alimenté par la rémunération du travail, par les proches ou par la moitié de la pension d’invalidité perçue à l’extérieur.

Le chômage ou les aides sociales (CPAS ou RIS) ne peuvent pas continuer à être perçues en prison.

Les prix de la cantine sont majorés de 10 %. Cette cotisation de solidarité est imposée et sert à la constitution d’une caisse d’entraide pour les détenus sans ressources. Les détenus indigents perçoivent, en principe, une aide minimale sous forme de crédit téléphone, de tabac et d’accessoires d’hygiène (rasoir, savon, papier hygiénique, etc.). A la prison de Saint-Gilles, cela représente un euro de crédit d’appel par semaine et cinq euros de cantine sociale par mois.

Une procédure légale spécifique pour porter plainte existe pour les détenus depuis 2005. Elle n’est toujours pas mise en œuvre.

Les détenus ont recours à la Commission de Surveillance pour se plaindre. Cet organe a pour mission la surveillance indépendante de l’établissement, la rédaction d’un rapport annuel, la rédaction de recommandations et la médiation entre l’administration et les détenus. Ces commissions doivent, en principe, être instituées dans chaque prison. Ce n’est pas toujours le cas. Le nombre de commissaires est souvent insuffisant.

Des organes de concertation dans lequel des détenus référents font remonter les plaintes et les requêtes de leurs codétenus existent dans certains établissements comme à Andenne, Ittre, Jamioulx. Ces détenus peuvent servir de médiateurs.

Des détenus animent une émission de radio dans quelques rares prisons (ex : prison de Lantin).

L’évasion en tant que telle n’est pas sanctionnée pénalement : seules les infractions éventuellement commises à cette occasion peuvent être punies (menaces, violence, destruction, etc.). Les non-réintégrations de la prison après une permission de sortie ou un congé sont comptabilisées comme des évasions. Le ministère de la Justice comptabilise 15 évasions en 2015. Dans 14 cas, les détenus se sont enfuis d’établissements ouverts.

Certaines prisons connaissent des mouvements collectifs de protestation, qui s’expriment souvent par des refus de rentrer en cellule à l’issue d’un préau.

Les détenus de la prison de Saint Gilles ont protesté, en février 2016, contre l’absence d’activité depuis plusieurs mois. Ils ont refusé, pacifiquement, de réintégrer leur cellule pendant 30 minutes, et ont remis un texte à la direction. Une sanction collective a été imposée par l’administration et suspendue par le Conseil d’Etat.

Plusieurs prisons (dont la prison de Saint-Gilles) continuent néanmoins de pratiquer les sanctions collectives systématiques après les mouvements même pacifiques des détenus.

La Cour constitutionnelle a, en 2014, annulé une modification de la loi prévoyant la possibilité de fouilles à nu systématiques après les visites et les permissions de sortie. De nombreuses fouilles abusives non individualisées ont lieu malgré cette décision.

La sanction disciplinaire la plus utilisée est la mise à l’isolement (de 1 à 30 jours maximum). Le détenu est privé d’activité collective, reçoit des visites derrière une vitre de séparation, ne peut joindre son avocat que de manière restreinte, et sort dans un préau individuel.

La sanction la plus sévère est la mise au cachot pour une durée de 14 jours.

Certains détenus sont mis sous un régime de sécurité particulier. Il s’agit d’une mise à l’isolement d’une durée de deux mois renouvelable indéfiniment. Les visites des proches sont encore plus restreintes. Les détenus ne bénéficient quasiment jamais d’accompagnement médical et psychologique lors de telles périodes d’isolement. Ceci est contraire aux règles internationales.

Les détenus suspectés de faits de terrorisme ou de radicalisation sont, depuis le mois de janvier 2015, systématiquement placés à l’isolement. Les mesures prises contre eux ne sont pas les mesures prévues par la loi (et assorties de certaines garanties) mais des mesures prises par la direction générale de l’administration pénitentiaire de manière arbitraire, non-contradictoire et susceptibles d’aucun recours.

Deux nouvelles sections de 20 places ont été aménagées dans les prisons d’Hasselt et d’Ittre pour accueillir les détenus les plus “radicalisés”. Ces sections sont appelées D-RAD :EX. Il n’y a pas de programme de “déradicalisation” associé. Le régime des détenus qui y sont incarcérés est largement modifié : ils n’ont pas d’activités, pas de travail, les visites et l’accès au téléphone sont drastiquement limités.

Enfin, la Belgique compte un quartier de très haute sécurité de 10 places à la prison de Bruges.