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Populations spécifiques

La population carcérale marocaine est en augmentation. Le nombre de personnes détenues est passé de 53580 en 2006 à 76794 au 31 août 2015. Les personnes prévenues sont 31334, soit 41% de la population carcérale1. Les prisons sont surpeuplées. Le dernier taux d’occupation connu est de 157.8% en 2010 (World Prison Brief). La prison de Salé 1 compte 4611 personnes détenues (dont 70 à 80% en détention préventive) pour 3500 places et la prison d’Oukacha 8752 personnes détenues (dont plus de 50% en détention préventive) pour 4500 places en 20142. Les personnes prévenues sont souvent incarcérés avec les personnes condamnées. Elles sont parfois transférées dans des régions autres que celle de leur procès, ralentissant le fonctionnement de la justice et les éloignant de leur famille.

La surpopulation est due à l’utilisation excessive de la détention provisoire et au manque de prononciation de peines non privatives de liberté. Le système de caution existant est sous-employé. Les alternatives à la détention ne sont pas favorisées pour les infractions moins graves. L’usage abusif de la détention provisoire peut conduire à des détentions arbitraires (le délai d’un an est régulièrement dépassé).

Le gouvernement marocain fait part, en octobre 2016, lors de son contrôle sur rapport par le Comité des droits de l’homme, de son intention de construire 45 établissements pénitentiaires d’ici 2020 pour répondre à l’augmentation de la population carcérale.

Prévenus

41 %

i
31/08/2015
/ Human Rights Watch

Les derniers chiffres disponibles montrent que les mineurs représentent en 2014 environ 2% de la population carcérale marocaine.

La loi marocaine exige que les mineurs soient détenus dans un lieu qui leur est réservé. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a constaté, lors de sa visite en décembre 2013, la présence d’enfants âgés de 14 ans et plus dans les prisons ordinaires. Ils partagent leurs cellules avec des adultes, ce qui les rend particulièrement vulnérables selon le rapport1. Leurs conditions de détention sont difficiles. Les mesures de remplacement de la détention prévues par la loi sont rarement employées. Les mineurs ne sont souvent envoyés dans un centre de protection de l’enfance qu’après de longues durées de détention.


  1. Rapport de visite au Maroc du Groupe de travail sur la détention arbitraire à consulter parmi ces rapports 

Mineurs détenus

2 %

i
31/12/2014
/ World Prison Brief

Les prisonniers politiques et les prisonniers d’opinion sont nombreux. Le gouvernement affirme qu’il n’y en a aucun. La loi marocaine ne définit pas ces prisonniers et ne reconnait pas leur situation. Ils ne bénéficient d’aucun régime particulier. Ils sont condamnés pour des infractions pénales, majoritairement sur la base d’aveux obtenus sous la contrainte. Ce sont des cibles privilégiées pour la torture et les mauvais traitements.

De nombreux manifestants font l’objet d’arrestations violentes par les forces de l’ordre. Il s’agit principalement d’étudiants engagés politiquement ou de sahraouis s’affichant en faveur de l’indépendance du Sahara occidental. Amnesty International fait état, en 2015, de nombreux cas d’arrestations et de condamnations de militants, dans son rapport sur la torture et l’impunité au Maroc et au Sahara occidental.

• 25 militants des droits des sahraouis ont été arrêtés et condamnés, en 2013, devant un tribunal militaire à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à la réclusion à perpétuité. Ces arrestations ont eu lieu suite au démantèlement, par la police marocaine, du camp de Gdim Izik en 2010. Les verdicts ont été annulés en 2016, les renvoyant devant un tribunal civil.

• Mohamed El Harrass a été arrêté lors d’une manifestation étudiante en 2013. Il a été passé à tabac dans le fourgon de police, puis menacé de viol avec une bouteille en garde à vue. Son interrogatoire portait particulièrement sur son affiliation au groupe militant de la Voie démocratique basiste (VDB). Il a été condamné à un mois d’emprisonnement sur la base d’aveux qu’il avait été forcé de signer.

• Le journaliste d’investigation Hicham Mansouri, connu pour ses enquêtes sur les affaires de corruption et autres infractions graves commises par des personnalités officielles, est condamné en 2015 à 10 mois de prison pour complicité d’adultère. Libéré début 2016, il risque toujours jusqu’à cinq ans de prison, notamment pour menace envers la sécurité intérieure de l’Etat.