Contributeur(s)Esther Pascual - ICAM | Monica Aranda - OSPDH

Le quotidien

Les cellules sont situées dans les quartiers d’hébergement. Elles disposent normalement d’une couchette, d’une table, d’une armoire et d’un coin toilette avec douche. Deux détenus au maximum peuvent partager une cellule, sous réserve que chacun d’eux dispose d’un espace minimum de 9,71 m2 en moyenne. Ce principe n’est pas respecté dans la pratique. Les prisons construites récemment sont conçues pour accueillir plus de deux détenus par cellule. Les détenus se plaignent du manque d’eau chaude en hiver et de la petite taille des fenêtres dans les cellules.

Le régime ordinaire (deuxième degré) prévoit des éléments obligatoires (toilette, entretien de la cellule). Il existe un programme de base que chacun doit respecter. Jusqu’à 8 heures, les personnes peuvent faire leur toilette puis le premier comptage a lieu. À 8 h 30, le petit déjeuner a lieu dans le réfectoire. Jusqu’à 13 h 30, des activités sont proposées et les détenus peuvent se promener dans la cour. À 13 h 30, ils déjeunent. À partir de 14 h 30, ils retournent dans leur cellule et sont comptés. Les détenus restent dans leurs cellules jusqu’à 16 h 30, heure à laquelle ils peuvent sortir à nouveau dans la cour ou participer à des activités. À 19 h 30, ils retournent au réfectoire pour le dîner. Les détenus peuvent ensuite rester dans la cour jusqu’à 21h avant de regagner leur cellule. À 21 h 30, ils sont à nouveau comptés et à minuit, c’est l’extinction des feux.

Des entreprises privées fournissent la nourriture, et celle-ci est préparée par les détenus employés dans les cuisines. Le régime alimentaire tient compte d’un certain nombre de critères tels que l’âge, l’état de santé, les convictions religieuses ou personnelles. Trois repas sont servis chaque jour et l’eau est en accès libre.

Les organisations de défense des droits humains estiment que les conditions d’hygiène dans les prisons espagnoles sont satisfaisantes et se situent au-dessus de la moyenne européenne.

L’administration pénitentiaire distribue chaque mois une trousse de toilette contenant du savon, du dentifrice, des préservatifs, du lubrifiant, des rasoirs, de la mousse à raser entre autres. Elle fournit également des draps et des vêtements propres (il est possible de porter ses propres vêtements). Le nombre de douches par semaine n’est pas limité. Les centres disposent d’un service de blanchisserie où les vêtements sont lavés une fois par semaine.

La santé en milieu pénitentiaire en Espagne relève de la responsabilité du ministère de l’Intérieur.

Une équipe de soins primaires assure des soins ambulatoires dans les prisons. La présence du corps médical est souvent insuffisante (1 seul médecin pour 1 200 détenus).

Chaque établissement pénitentiaire est rattaché à un hôpital de référence qui doit disposer d’une unité hospitalière sécurisée pour accueillir les patients.

Le nombre de détenus toxicomanes est le deuxième le plus élevé d’Europe. Selon le rapport de 2014 du SGIP, 76 % des détenus incarcérés cette année ont consommé de la drogue le mois précédent. Dans le cadre des programmes de réduction de risques, 6,9 % de la population carcérale a reçu de la méthadone en 2014 et des seringues et des préservatifs ont été distribués pour éviter la contagion du VIH.

Les unités thérapeutiques, présentes dans 42 centres pénitentiaires offrent un soutien psychosocial aux détenus toxicomanes. Cependant, l’accès à ces ressources thérapeutiques est limité. L’aide aux toxicomanes est envisagée principalement comme une alternative à la prison ou comme un atelier de suivi une fois que la personne est libérée, mais pas comme un dispositif thérapeutique et/ou médical susceptible d’être proposé en prison.

La Société espagnole de santé pénitentiaire (SESP) plaide pour le rattachement de la santé en milieu pénitentiaire au ministère de la Santé. Cela faciliterait le transfert des dossiers médicaux et la coordination des programmes de santé. En Catalogne et au Pays basque, les compétences de ce service ont été transférées au ministère de la Santé. Dans ces deux communautés, le nombre d’hospitalisations a diminué.

D’après le rapport de 2014 du SGIP, les activités sportives sont les plus répandues : 29 429 détenus pratiquent un sport (ping-pong, basketball, football) et 4 834 ont participé à des championnats interpénitentiaires ou organisés entre détenus d’un même établissement.

Viennent ensuite les ateliers culturels (théâtre, musique, cinéma) auxquels participent 20 810 personnes, les ateliers professionnels qui proposent des cours de peinture, de photographie, de sculpture, de céramique (19 347 personnes), et enfin les activités de motivation culturelle (2 531 inscrits) centrées sur la lecture (1 693 participants), les concours de poésie, le théâtre, la presse, les contes, etc.

L’organisme gouvernemental responsable du travail pénitentiaire en Espagne est le TPFE (Organisme autonome pour le travail pénitentiaire et formation pour l’emploi).

Selon le SGIP, le nombre de détenus qui travaillent était de 12 269 en 2014, soit environ 20 % de la population carcérale. Les prévenus n’ont pas le droit de travailler. Les détenus classés en catégorie de deuxième degré peuvent travailler à l’intérieur de la prison et ceux classés en catégorie de troisième degré, à l’extérieur (Cf. Population carcérale).

Les détenus travaillent dans différents ateliers. Les personnes affectées au service général s’occupent des tâches quotidiennes au sein des établissements. En 2014, 1 763 détenus étaient employés dans la cuisine, 1 566 à la cantine et 805 étaient chargés de l’entretien des installations.
Les ateliers de production sont gérés par le TPFE. Leurs activités couvrent le domaine des arts graphiques, de la menuiserie et de l’artisanat.

En 2014, 3 310 détenus étaient employés par des entreprises privées. Les accords que celles-ci concluent avec le Secrétariat général des institutions pénitentiaires sont opaques. Les établissements pénitentiaires fournissent les services (eau, électricité) et les installations dans des complexes quasi industriels.

Les détenus n’ont pas le droit de se syndiquer et ne bénéficient pas de la protection du travail légale. Le salaire moyen est de 200 à 300 euros par mois. L’allocation chômage est en général très faible. En outre, elle annule l’allocation de sortie de prison qui est plus élevée et dure plus longtemps (426 euros par mois pendant un maximum de cinq mois). Le travail effectué en prison est qualifié comme exécuté en “centre public” (nom donné au travail en milieu pénitentiaire). Cette dénomination n’est utilisée que par l’administration pénitentiaire et peut être à l’origine de discriminations.

Détenus travaillant

20 %

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31/12/2014
/ sans compter la Catalogne - SGIP

Selon les derniers chiffres du SGIP (2014), 36.7 % de la population carcérale participe à un programme de formation ou d’orientation professionnelle (dans un centre pénitentiaire ou dans un service extérieur).
32 % des personnes suivent un programme d’enseignement primaire : celui-ci est obligatoire si elles n’ont pas terminé ce cycle. 12 % d’entre elles participent à un programme d’alphabétisation (11.9 % d’hommes et 17,9 % de femmes).

Les femmes détenues ont beaucoup plus de difficultés que les hommes à accéder à des formations car l’offre est moindre.

Les études universitaires à distance se font avec l’Université nationale d’éducation à distance (UNED). 17 établissements pénitentiaires proposent une aide pour les cours. Les prisons Madrid V et Madrid VI disposent d’une unité destinée aux élèves de l’UNED. 2.1 % de la population détenue (1 042 personnes) suivaient des études universitaires en 2014.

Les détenus ont accès à la télévision dans une salle commune. Les journaux et la télévision en cellule sont payants.

Pour les détenus classés en catégorie de premier degré, l’accès aux médias est limité.

Tous les centres disposent d’une bibliothèque, mais pas toujours d’une salle de lecture.

Un accès à Internet est possible pendant les cours d’informatique, mais l’accès à certains sites est restreint.

L’État a signé, en 2007, des accords avec les organisations de différentes religions pour faciliter l’assistance religieuse.

Les religions les plus représentées sont les Témoins de Jéhovah, le protestantisme évangélique, le catholicisme, l’islam et le christianisme orthodoxe.

Dans son rapport de 2014, le SGIP indique accorder une subvention de 309 500 € à la Conférence épiscopale espagnole pour son assistance auprès des détenus catholiques. La Commission islamique d’Espagne a reçu 3 930 €. 10 % des détenus sont musulmans.

Le personnel pénitentiaire a l’ordre d’observer avec attention les pratiques religieuses des détenus avec une fiche IR (Internos Radicalizados en espagnol) : que mangent-ils ? Jeûnent-ils pendant le ramadan ? Quels livres lisent-ils ? Suivent-ils rigoureusement les rites ? Comment se rasent-ils ou s’habillent-ils ? Cessent-ils de fumer et d’écouter de la musique ?

En 2014, le SGIP faisait état de 9 293 interventions extérieures par des ONG, des professionnels ou des bénévoles. Elles concernaient l’insertion sociale et professionnelle, la dépendance aux drogues, l’éducation, la prise en considération de catégories spécifiques de détenus et la sensibilisation à la société civile.

L’argent des détenus est déposé sur un compte par la famille, des organisations caritatives ou l’avocat du détenu. L’argent liquide est interdit. Il est fait usage de cartes électroniques dans une limite de 80 € par semaine. Il est possible d’acheter des timbres, des cartes téléphoniques, des produits de toilette et de la nourriture. D’autres articles comme des livres ou des téléviseurs peuvent être achetés à l’extérieur, par l’intermédiaire d’un “mandataire”.

Les détenus désignent les personnes autorisées à déposer de l’argent sur leur compte.
Un système informatique, installé en 2015, permet de vérifier, dans les 68 prisons du pays, si une personne est autorisée à verser de l’argent à plusieurs détenus. Le système émet automatiquement un rapport s’il détecte qu’une même personne fait des virements sur le compte de trois détenus ou plus. La mesure a été adoptée pour surveiller plus particulièrement les détenus avec une fiche IR.

Les personnes sans ressources ne peuvent pas avoir accès au téléphone ni à aucun autre service payant à l’intérieur des prisons.

En février, José Antúnez Becerra, détenu dans la prison Brians (Barcelone), commence une grève de la faim pour protester contre ce qu’il considère être une condamnation à perpétuité déguisée. M. Antúnez Becerra est détenu depuis 40 ans. Il a été incarcéré pour vol et condamné en 2004 à 19 années supplémentaires pour avoir participé à une émeute dans la prison La Modelo (Barcelone). En 2014, il avait fait une première grève de la faim pour demander la révision de sa situation. L’administration avait accepté de lui accorder des permissions de sortie. Cette promesse n’étant pas tenue, il commence une nouvelle grève de la faim en 2015. M. Antúnez Becerra reste deux mois sans manger, au prix de graves répercussions sur sa santé ; il doit être admis à l’hôpital et perd pratiquement la vue. Pendant toute la durée de sa grève de la faim, les défenseurs des droits humains n’ont pas été autorisés à entrer dans la prison. Le juge de surveillance pénitentiaire révoque finalement cette interdiction une fois sa grève de la faim terminée1.

Quand un détenu est admis pour la première fois dans un établissement, il est soumis à une fouille et les objets interdits tels que les téléphones portables, les montres, l’argent lui sont confisqués. Ils sont remis à sa famille ou lui sont rendus à sa sortie de prison.

Les fouilles intégrales ou les fouilles des cellules sont autorisées si le personnel soupçonne le détenu de posséder des objets interdits comme des armes blanches ou de la drogue. Si des objets interdits sont découverts pendant une fouille, le détenu peut être envoyé en cellule d’isolement. Cette mesure peut être appliquée également en cas de rixe entre détenus. Dans les quartiers d’isolement, des comptages sont réalisés pendant la nuit. Il consiste à frapper sur les barreaux ou les fenêtres, à réveiller les détenus et ensuite éclairer la cellule au moyen d’une torche. Les détenus soumis au régime d’isolement parlent de l’anxiété ressentie alors qu’ils attendent le comptage qui peut avoir lieu entre deux et quatre heures du matin. Ils disent aussi se sentir humiliés et avoir des difficultés pour retrouver ensuite le sommeil. Le CPT a condamné à plusieurs reprises (la dernière fois en 2011) le régime d’isolement qu’il considère comme une sanction inutilement sévère.

D’autres moyens de contrainte sont admis par la loi : la force physique, l’utilisation de matraques en caoutchouc, d’aérosols ou de sprays et de menottes. Ce matériel est normalement entreposé dans les services de direction et son usage est contrôlé au moyen d’un registre où sont portées plusieurs annotations : date de début et de fin d’utilisation, moyen utilisé, rapport succinct des faits, autres mesures adoptées. Le personnel n’est autorisé à utiliser des armes à feu qu’en cas de danger imminent pour les personnes et les installations.

En 2009, le régime FIES (fichier répertoriant les détenus devant faire l’objet d’une surveillance spéciale) a été déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême, mais il a de nouveau été légalisé en 2011 par le Décret royal 419-2011. Ce régime FIES est appliqué à différentes catégories de détenus, notamment les membres de bandes armées, de groupes terroristes et les personnes ayant appartenu aux forces de sécurité. Il est appliqué de facto à tous les détenus avec une fiche IR (Internos Radicalizados en espagnol). Le FIES implique une étroite surveillance de la vie quotidienne de la personne : interception de toutes les communications, y compris avec les avocats, interdiction de participer à des activités, fouilles fréquentes des cellules.