Contributeur(s)Observatoire marocain des prisons (OMP) / experts indépendants

Sécurité, ordre et discipline

Les fonctions de sécurité sont dévolues à

l’administration pénitentiaire

Le parc pénitentiaire dispose d’établissements, de quartiers ou de cellules dotés de dispositifs sécuritaires renforcés

oui

Les personnes classés A sont détenues dans des cellules ou quartiers à sécurité renforcée.

Voir rubrique Parc immobilier pour plus d’informations sur les types d’établissement.

Les personnes détenues sont classées selon leur niveau supposé de dangerosité

oui

Le niveau de dangerosité supposé fait partie des critères de classement aux niveaux A, B ou C.

Voir rubrique Organisation pour plus d’informations.

La classification des détenus est révisée

tous les trois mois

La révision est effectuée par la commission de classification de chaque établissement.

L’administration pénitentiaire n’est pas formée au concept de sécurité dynamique.

La loi pénitentiaire détermine que les personnes détenues peuvent être fouillées “fréquemment et aussi souvent que le directeur de l’établissement l’estime nécessaire” (loi pénitentiaire, article 68).
Un surveillant du même sexe procède à la fouille corporelle du détenu.

Toutes les fouilles sont consignées sur un registre

oui

L’examen des cavités corporelles est effectué par un médecin

oui

Les proches sont soumis, à leur entrée en prison, à un contrôle par

appareil électronique

Les professionnels sont soumis, à leur entrée en prison, à un contrôle par

appareil électronique

Des menottes, des entraves et des camisoles de force sont fréquemment utilisés comme moyens de coercition.
Les menottes sont utilisées à chaque transport ou extraction de l’établissement. L’article 69 de la loi pénitentiaire autorise leur usage à “chaque fois que les circonstances ne permettent pas d’assurer autrement et de manière suffisante la surveillance” des détenus.
Le même article prévoit que le recours aux moyens de coercition doit être autorisé par le chef d’établissement ou par prescription médicale “s’il n’y a pas d’autres moyens de maîtriser un détenu, de l’empêcher de causer des dommages ou de porter atteinte à lui-même ou à autrui”.
Un médecin doit être consulté pendant l’usage de ces moyens. Le chef d’établissement est tenu d’en rendre compte au directeur de l’administration pénitentiaire.
L’usage de moyens de coercition à titre de punition est interdit (article 62 de la loi pénitentiaire).

Le recours aux moyens de contrainte doit faire l’objet de l’autorisation du chef d’établissement.

Le personnel de surveillance dispose

  • d’armes à feu
  • d’armes non létales

Le chef d’établissement est l’autorité responsable de l’emploi des armes et munitions (règle 3 du Référentiel pénitentiaire marocain).
Le personnel pénitentiaire est autorisé à faire usage d’armes à feu lorsqu’il fait l’objet de violences ou menaces graves, que la sécurité de l’établissement est menacée ou en cas de refus d’obtempérer (loi pénitentiaire, article 65).

Un corps d'intervention spécialisé est constitué pour le maintien de l’ordre

oui

Des politiques de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent sont mises en œuvre. Ces politiques entraînent la création, en 2017, du programme Moussalaha, lancé conjointement par la DGAPR, la Rabita Mohammadia des Oulémas1, le CNDH et la Fondation Mohammed VI. Des détenus condamnés pour des faits de terrorisme et d’extrémisme violent participent à ce programme. Ils sont au nombre de 50 en 2018.2

L’administration pénitentiaire met en place également un programme de sensibilisation et de diffusion “de la culture de la tolérance et d’ouverture à l’autre”.


  1. Fondation créée par le roi Mohammed VI pour la promotion des études islamiques et pour contribuer à l’enseignement de la fois. 

  2. Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, “Rapport d’activités 2018”, 2019, p. 59 (en arabe). 

  • Le programme “Musalaha” (Réconciliation) vise à déradicaliser et à réhabiliter les détenus extrémistes. Lors de la 10ème édition, 239 détenus extrémistes en avaient bénéficié et 180 ont été libérés. Aucun cas de récidive n’a été constaté. Le programme a été étendu aux femmes détenues depuis la 5ème édition du programme. Ce programme n’est ouvert qu’aux détenus candidats qui ont montré une volonté de reconsidérer leurs idées radicales et qui ont exprimé leur souhait sur la base d’une demande écrite et motivée. Ces demandes sont examinées afin de s’assurer qu’elles ne sont pas dictées par des considérations opportunistes dans le seul but de bénéficier d’une procédure de grâce. Le programme comporte plusieurs volets : éducation religieuse, aux droits de l’homme, et prise en charge psychologique avec enregistrements vidéo de témoignages de parents et d’amis victimes du terrorisme.

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    11/08/2022
    / L'Opinion

L'administration consigne les incidents

oui
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Nombre d’évasions

5

Le nombre d’évasions était de 15 en 2017.

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DGAPR, "Rapport d'activités 2018", p. 154.

Nombre d’agressions envers les personnels

254

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DGAPR, "Rapport d'activités 2018", p. 153.

Les actes individuels de protestation sont recensés

oui, les grèves de la faim

Toute grève de la faim doit être signalée au directeur de l’administration pénitentiaire, à la famille du détenu et, pour les prévenus, à l’autorité judiciaire (loi pénitentiaire, article 131).

  • Les cas de grèves de la faim sont au nombre de 1158 sur l’année 2021, selon l’Observatoire marocain des prisons (OMP). Ce chiffre est en augmentation par rapport aux années précédentes. Les principaux motifs de ces grèves sont la protestation contre les jugements et verdicts (79 % des cas), et la contestation des conditions de détention (16 %).

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    09/08/2022
    / Telquel
  • Reporters sans frontières dénonce, le 22 décembre 2022, les conditions de détention du journaliste marocain Omar Radi à la prison de Tiflet.

    Omar Radi envisage une grève de la faim symbolique à l’occasion de la Journée internationale des droits humains. Il informe la direction, par lettre, qu’il prévoit de mener cette grève pour une période de 24 heures à partir du 9 décembre à 18 heures. La direction de l’établissement l’aurait privé de nourriture bien avant le début de sa grève. Il aurait également été agressé par un agent pénitentiaire dans sa cellule. Celui-ci aurait utilisé un langage violent et confisqué toutes ses provisions alimentaires, qui lui auraient été rendues deux jours plus tard, infestées de vermine.

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    22/12/2022
    / Reporters sans frontières

Les infractions à la discipline sont définies par les textes

oui

Les infractions à la discipline sont définies par l’article 54 de la loi pénitentiaire.

La loi établit que les sanctions disciplinaires doivent correspondre à la nature de la faute commise, être proportionnelles à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur. Les sanctions disciplinaires encourues sont :1

  • l’avertissement avec inscription au dossier individuel 

  • la privation de cantiner autres que les produits ou objets de toilette, ainsi que la réception des subsides de l’extérieur

  • la privation de radio individuelle, de télévision ou de tout autre appareil autorisé (45 jours maximum)

  • la suppression de l’accès au parloir sans dispositif de séparation (trois mois maximum)

  • l’obligation d’effectuer des travaux de nettoyage dans les locaux de détention (sept jours maximum)

  • l’obligation d’exécuter des travaux de réparation des dommages ou dégradations causés par le détenu

  • le placement en cellule disciplinaire, selon les conditions fixées à l’article 6 (45 jours maximum). Cette mesure n’est pas applicable aux mineurs.

Aucune amende ne peut être infligée.
Cependant toute mesure disciplinaire est cumulable avec l’obligation d’exécuter des travaux de réparation des dommages ou dégradations causés.

Une mesure disciplinaire peut être prononcée avec sursis.
Celui-ci est révoqué si, au cours d’un délai de six mois de suspension, le détenu commet une nouvelle faute. Les deux mesures sont alors exécutées cumulativement (loi pénitentiaire, article 56).

Le cumul de mesures disciplinaires n’implique pas une extension de la durée maximale de la sanction prévue par la loi.
La mesure assortie du sursis est réputée non avenue si au cours du délai du sursis le détenu n’a commis aucune faute.

Les mesures disciplinaires peuvent être levées ou suspendues en raison de :

  • fêtes religieuses ou nationales

  • bonne conduite du détenu

  • traitement médical

  • suivi d’une formation

Les infractions à la discipline font l’objet d’une enquête

oui

La loi prévoit que l’agent présent lors de l’incident, ou informé de celui-ci, est tenu d’établir un compte-rendu dans les plus brefs délais. Le chef de détention dresse, ensuite, un rapport présentant les versions du détenu impliqué, celles des témoins, les circonstances des faits rapprochés et des informations sur la personnalité du détenu. Le chef d’établissement prend connaissance du rapport et décide des investigations complémentaires. Il apprécie si une poursuite disciplinaire aura lieu.

Le chef d’établissement est tenu d’aviser mensuellement le directeur de l’administration pénitentiaire, ou l’autorité judiciaire compétente le cas échéant, des mesures disciplinaires appliquées. Celles-ci sont inscrites dans un registre et consignées dans le dossier du détenu. Le registre des sanctions disciplinaires est présenté aux autorités administratives et judiciaires lors de visites à l’établissement.1

Le prononcé d'une sanction disciplinaire fait l'objet d'un débat contradictoire

oui

Le détenu comparait devant la commission de discipline. La commission est composée de deux membres, dont un choisi parmi le personnel pénitentiaire exerçant dans les lieux de détention. Les deux membres sont choisis par le directeur de l’administration pénitentiaire. Ils ont voix consultative (loi pénitentiaire, article 53).

Le détenu peut demander d’être assisté par la personne de son choix. Il présente sa version des faits par oral ou par écrit. Le chef d’établissement préside la commission de discipline. Il peut décider de faire entendre, en qualité de témoin, toute personne dont l’audition lui paraît utile.

La commission fait appel, “dans la mesure du possible”, à un traducteur ou toute autre personne désignée par le président si le détenu ne comprend pas la langue arabe, ou n’est pas en mesure de s’exprimer.1

La personne détenue peut être assistée d’un avocat

non

Le prononcé d’une sanction est décidé par la commission de discipline, présidée par le chef d’établissement.

La personne détenue peut faire appel d’une sanction disciplinaire

oui

La décision concernant la sanction disciplinaire est prononcée et notifiée par écrit au détenu dans un délai de cinq jours. Elle doit comporter l’indication de ses motifs et la possibilité de faire appel auprès de la direction de l’administration pénitentiaire.

Le détenu peut faire appel de la décision dans un délai de cinq jours, à compter du jour de la notification. Le directeur de l’administration pénitentiaire rend sa décision dans un délai d’un mois, à compter de la réception du recours. L’absence de réponse dans le délai établi vaut décision de rejet.1

Les sanctions disciplinaires peuvent être collectives

non

La loi pénitentiaire interdit les sanctions disciplinaires collectives. Des observateurs rapportent que, dans la pratique, des transferts collectifs sont effectués en guise de mesures sécuritaires et disciplinaires.

Le placement à l'isolement est utilisé à des fins de

  • sanction
  • protection de la personne
  • sécurité

Le placement à l'isolement se fait sur

décision du chef d’établissement

Le chef d’établissement doit notifier à l’administration pénitentiaire toute décision de placement à l’isolement.

La durée du placement à l’isolement est limitée

oui, 45 jours

L’isolement en cellule disciplinaire ne peut pas dépasser 45 jours (loi pénitentiaire, article 54).

Toute décision de prolongement de l’isolement au-delà d’un mois relève du directeur de l’administration pénitentiaire. L’avis du chef et du médecin de l’établissement sont pris en compte (loi pénitentiaire, article 32).

Le président de la commission de discipline peut décider d’un placement à l’isolement à titre préventif. Celui-ci ne peut pas dépasser 48 heures. Il est autorisé “à condition que cette mesure soit l’unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l’ordre à l’intérieur de l’établissement” (loi pénitentiaire, article 58).

L’isolement en cellule disciplinaire ne s’applique pas aux mineurs.

La personne à l'isolement fait l'objet d'un suivi médical régulier

oui

Un médecin est tenu de rendre visite au détenu isolé dès le début du placement ou “dans les délais les plus proches”. Il visite ensuite le détenu isolé au moins deux fois par semaine (loi pénitentiaire, article 61).
Il fait part de son avis sur la poursuite de l’isolement après chaque visite médicale. Il peut décider de mettre fin à la mesure (loi pénitentiaire, article 32).

L’isolement disciplinaire se déroule dans une cellule individuelle aménagée à cet effet. L’administration ne communique pas sur les conditions matérielles de ces cellules.

La loi pénitentiaire dispose que le détenu placé en cellule disciplinaire doit faire une promenade journalière individuelle d’une heure (loi pénitentiaire, article 61).

La mesure d’isolement peut entraîner la privation de travail (loi pénitentiaire, article 39).

Le maintien des liens familiaux n’est pas assuré lors du placement en cellule disciplinaire. Les détenus isolés sont privés de visite. La correspondance est autorisée uniquement avec la famille. Les détenus en cellule disciplinaire conservent le droit de communiquer librement avec leur avocat.

  • Ali Aarrass est maintenu en isolement, malgré la décision du 27 mars 2017 du Comité des Nations unies contre la torture ordonnant au Maroc de mettre fin à ce régime. Le Belgo-Marocain est arrêté pour la première fois en 2006 en Espagne sur demande du Maroc. Il est soupçonné de terrorisme. Il est extradé, en 2010, vers le Maroc où il exécute une peine de douze ans. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire réclame, en vain, sa libération en 2013 suite à des tortures subies dans les prisons marocaines.

    La sœur de Ali, Farida Aarraas, raconte une visite à son frère en 2017, à la prison de Tiflet 2.

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    10/04/2017
    / Prison Insider