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Source : Slate
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Avant de s’évader le 14 juillet, l’intellectuel Sevan Nişanyan a été incarcéré durant trois ans et demi, dans huit geôles turques différentes. Il revient sur son expérience.
Le 14 juillet, un message mystérieux embrase la twittosphère turque.
L’oiseau s’est envolé. Souhaitons la même chose aux 80 millions [de Turcs, ndlr] qui restent.
Kuş uçtu. Darısı geride kalan seksen milyonun başına. — Sevan Nişanyan (@SevanNisanyan) 14 juillet 2017
L’auteur du tweet, Sevan Nişanyan, est un intellectuel turc hors normes. Athée d’origine arménienne, exécrant tout nationalisme, renvoyant dos à dos laïques kémalistes et islamistes, il a été formé à Yale et Columbia. Tout à la fois informaticien, linguiste, auteur de plusieurs guides de voyage, expert en rénovation d’habitat traditionnel et hôtelier, c’est le genre de type hyper doué qui agace pas mal de monde, sans que cela ne lui déplaise forcément. Bref, pas le style à entrer dans le moule. Ce qui lui a valu nombre de procès et l’a conduit à être condamné à 16 ans et demi de prison à partir de janvier 2014.
Enfui de Turquie
Pour ceux qui le connaissent, l’énigmatique tweet est donc limpide: Sevan Nişanyan s’est fait la belle. Enfui de Turquie mais pas pour aller bien loin: en Grèce toute proche, où il a demandé l’asile politique et où je le retrouve deux mois après son évasion.
Bon pied, bon œil, il ressemble à 61 ans à un gamin ravi du bon tour qu’il a joué. Quoique, avertit-il, “je n’ai rien d’un héros. En vérité, le gouvernement ne savait pas trop quoi faire de moi. On pourrait même se demander si finalement ça ne les arrangeait pas que je m’échappe.”
À la suite du tweet libérateur, le ministre turc de la justice émettra toutefois un mandat d’arrêt contre le fugitif et annoncera des mesures disciplinaires à l’égard de l’administration pénitentiaire. Il fallait bien donner le change.
Pour cette interview, en exclusivité française pour Slate.fr, j’ai fixé rendez-vous à Sevan Nişanyan au café du Musée numismatique d’Athènes. Un endroit paisible, caché à l’arrière de l’ancienne maison d’Henrich Schliemann, l’extravagant découvreur de Troie. J’y vois comme un clin d’œil de la Turquie hellénistique à notre fugitif.
“Quoiqu’arménien, mon cœur est de loin plus attaché à une île d’Égée qu’à l’Ararat [montagne hautement symbolique pour les Arméniens, ndlr], m’explique-t-il alors que je lui demande pourquoi être parti en Grèce et non en Arménie. Culturellement, je me sens plus proche de l’esprit grec d’un village, c’est d’ailleurs pourquoi j’ai fait Sirince”.
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