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France : pourquoi les femmes incarcérées sont les grandes oubliées

Un an après les révélations de l’affaire Weinstein et la dénonciation massive des agressions faites aux femmes, pourquoi la parole des femmes incarcérées, dont le parcours est marqué par les violences conjugales, est-elle restée confinée dans l’enceinte des centres de détention ?

Tant que les femmes ne seront pas soutenues par un personnel qualifié capable de prendre en considération le contexte social qui les a conduites devant le juge, “beaucoup trop d’entre-elles continueront de souffrir derrière des barbelés et ne seront pas aidées par le mouvement #MeToo.” C’est le cri de détresse d’un aumônier de prison américain dans une lettre publiée par le New York Times le 8 octobre dernier.

Un manque de moyen humain et matériel qui réapparaît dans le paysage français. Moins nombreuses que leurs homologues masculins, les femmes emprisonnées sont le plus souvent incarcérées loin de leur domicile ou enclavées dans des prisons pour hommes. Une situation qui rend l’accès aux soins et aux activités pénitentiaires complexe et se répercute sur le travail de réinsertion. De fait, dans un univers sexuellement normé, la minorité féminine devient-elle encore plus marginalisée ?

Les femmes beaucoup plus victimes de “discrimination géographique”

Si les femmes ne représentent que 3,7 % de la population carcérale au 1er janvier 2018 selon les chiffres de l’Observatoire international des prisons (OIP), soit un peu moins de 3000 détenues, ce faible taux d’emprisonnement a pour contrepartie une absence d’infrastructures adaptées. Seuls six établissements en France sont prévus pour accueillir des femmes condamnées à de longues peines. Cinq d’entre eux se situent dans la moitié nord de la France. Une situation taxée de “discrimination géographique” par François Bes, coordinateur du pôle enquête de l’OIP.

En majorité, elles sont ainsi confinées dans des “quartiers pour femmes” au sein de prisons initialement prévues pour des hommes. L’accès au service médical s’en trouve nécessairement impacté. Souvent situé dans la partie réservée aux hommes, l’accès n’ y est possible, pour les détenues, qu’en fin de journée, après la fermeture des locaux, sauf en cas d’urgence. Dans ces zones où la mixité est proscrite, il faudrait, en effet, vider les coursives pour laisser passer les malades ce qui reviendrait à “paralyser la prison et est très difficile à mettre en place”, précise François Bes.

Par ailleurs, si les maisons d’arrêt pâtissent d’un déficit global de médecins spécialistes, le suivi gynécologique des détenues s’avère d’autant plus difficile à réaliser. Dans le cas où aucun gynécologue ne serait affecté à l’établissement, les soins préventifs doivent être réalisés dans un hôpital de proximité où la prisonnière est conduite sous escorte policière.

Manque de personnels

Ce manque de personnel réapparaît à chaque niveau de la vie carcérale. D’une part, les activités proposées sont moins nombreuses, notamment dans les petits établissements dont certains s’en tiennent à une vision extrêmement genrée, selon François Bes :

“On a encore des prisons où cela ressemble un peu au XIXe siècle : couture, cuisine puis maquillage pour la restauration de l’image de soi.”

Un constat qui tend doucement à s’améliorer dans les centres plus importants, tels que la maison d’arrêt pour femmes de Fleury-Mérogis où elles sont plus de 200 détenues.

Cette situation entrave a fortiori le déroulement de la réinsertion. Moins formées durant leur détention, les femmes sont par ailleurs confrontées à un problème d’hébergement à leur sortie : dans les structures associatives qui peuvent accueillir des sortants de prison, les places réservées aux femmes se font rares. D’autant plus pour les détenues étrangères ou en situation irrégulière qui trouvent déjà peu d’aide du fait d’une présence moins importante des associations au sein des centres pénitenciers.

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