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France : le ministère de la Justice coupe les ponts avec le Genepi

La chancellerie a entériné, ce lundi, la décision de la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) de stopper les subventions de l’association d’aide aux détenus. La fin de quarante-deux ans de partenariat.

C’est une rupture historique : l’administration pénitentiaire a décidé de mettre fin à la subvention qu’elle accordait depuis 1976 au Genepi, l’association étudiante d’aide aux détenus. D’après le Monde, qui a révélé l’information, il s’agit de stopper la contribution de 50 000 euros par an. Pour justifier cette décision datant du mois de septembre, le ministère de la Justice, contacté par Libération, avance notamment deux raisons. D’abord, il déplore un «désengagement du Genepi» qui se manifeste par «une baisse de plus de 80% de l’activité» dans les prisons, soit le passage de 12 474 heures de cours en 2014-2015 à 2276 heures en 2017-2018. Ensuite, il souligne «un désaccord important sur l’évolution des missions que se donne le Genepi». L’association a en effet modifié son objet social en 2011 : il ne s’agit plus de favoriser la réinsertion des détenus mais d’œuvrer «en faveur du décloisonnement des institutions carcérales par la circulation des savoirs entre les personnes incarcérées, le public et ses bénévoles». En 2014, l’article prévoyant «l’enseignement aux personnes incarcérées» a ainsi été remplacé par un autre, que le ministère considère comme «flou» : «le décloisonnement des institutions carcérales par la circulation des savoirs».

«Sanction politique»
Sur son site, l’association explique ce choix: “Le terme “enseignement” ne correspondait plus aux activités que nous voulions proposer au sein des lieux d’enfermement.” Chargée de communication au Genepi, Eloïse Broc’h souligne que les chiffres avancés par la chancellerie ne sont pas exacts, dans la mesure où ils ne prennent pas en compte les diverses activités de l’association : “Depuis 2014, on est passé à des ateliers socioculturels comme des revues de presse, du théâtre, des ciné-débats, des jeux de société…” L’association qui emploie 4 personnes et 900 bénévoles perçoit surtout cette coupe de financements comme “une sanction politique”, une tentative de museler la liberté associative. “Nous avons eu des positions radicales mais elles étaient nécessaires par rapport aux conditions carcérales qui se détériorent, à la dégradation des droits humains, poursuit Eloïse Broc’h. Nous mettons en lumière le nombre de suicides, ce qui est à chaque fois mal perçu même si on ne vise jamais les surveillants. On dénonce la prison mortifère, et c’est ça qui dérange.

“Dénigrement permanent”

Côté chancellerie, les textes critiques sur l’enfermement publiés dans la revue de l’association, le Passe-Murailles, restent en travers de la gorge. Sans compter un communiqué de février 2017 intitulé “l’Etat enferme, la prison assassine” ou une campagne de 2016 autour du slogan “La prison nuit gravement à la société”. “C’est le modèle même de la détention qui est ici attaqué. Cette position peut être exprimée, en revanche il n’est pas cohérent pour nous de subventionner une association qui s’attaque aux fondements mêmes de notre institution”, explique-t-on au ministère de la Justice. Et d’insister : “La posture de dénigrement permanent du Genepi est très mal perçue par les personnels.” Au printemps 2017, la DAP avait tenté un premier coup de canif budgétaire en réduisant la subvention de 42%. Néanmoins, l’ancien garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, s’y était opposé. Cette fois, Nicole Belloubet semble bien décider à entériner la décision de l’administration pénitentiaire. C’est en tout cas ce qu’a confirmé, ce lundi après-midi, son conseiller au dialogue social et à la modernisation aux membres de l’association reçus Place Vendôme.

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