Les personnes détenues doivent répondre à un questionnaire dans le cadre du “plan national sur les drogues”. Ce recensement, effectué tous les cinq ans, permet d’obtenir des informations quant à la santé psychique des personnes détenues. Presque 30 % d’entre elles déclarent, en 2016, avoir été diagnostiquée comme souffrant d’un trouble psychique.
Les troubles bipolaires et psychotiques sont qualifiés de graves troubles psychiques (TMG) par la Stratégie en matière de santé mentale du système national de santé. Environ 3% de la population carcérale en souffre.
Les personnes détenues atteintes d’un trouble psychique sont généralement placées en détention ordinaire. Elles ne bénéficient d’aucun accompagnement psychique.
Elles sont, dans certaines prisons, accueillies en “unités fermées”. Les contacts avec les autres personnes détenues ou les surveillants y sont très limités. Peu d’activités leur sont proposées. Le CPT recommande aux autorités de prendre toute mesure utile pour garantir le transfert de ces personnes dans un établissement médical.
Les personnes détenues atteintes d’un trouble psychique qui participent au “programme d’attention complète aux malades psychiques” (PAIEM) sont généralement placées dans une unité séparée. Elles sont parfois accueillies à l’infirmerie. C’est le cas à la prison de Mas d’Enric en Catalogne. Le programme vise à favoriser la réinsertion à la sortie de prison. Les détenus ont accès à différentes activités et thérapies comme des cours de maîtrise de soi et d’autonomie personnelle. Des activités artistiques sont également proposées, telles que des ateliers de décoration. Une équipe pluridisciplinaire est en charge du programme. Le CPT en note cependant l’insuffisance : les bénéficiaires ne reçoivent aucun soin psychique et les psychiatres et psychologues ne sont pas présents. Certains rapportent des faits d’intimidation de la part des autres patients.
Les femmes souffrant de troubles psychiques détenues à la prison de Wad Ras sont placées en “unité polyvalente”. Elle est composée de quatre cellules individuelles et d’une salle commune pour les repas. Le CPT constate l’absence de soins et d’accompagnement des patientes dans cette unité. Il la considère inappropriée pour accueillir un tel public.
Les personnes détenues dépendantes aux produits peuvent être placées en “unité thérapeutique et éducationnelle” (UTE). Des “unités sans drogue” sont également présentes dans plus de la moitié des prisons. Elles accueillent, en 2016, plus de 2 900 personnes.
Les personnes sous mesure de sûreté doivent légalement faire l’objet d’un placement en hôpital psychiatrique pénitentiaire. Elles sont incarcérées lorsque ces établissements manquent de places. Elles sont généralement détenues à l’infirmerie ou dans l’unité du PAIEM.
Accès aux soins¶
Un entretien médical est effectué dans les 24 heures après l’admission en détention. Il doit, entre autres, permettre de détecter la présence de troubles psychiques. Le CPT constate que l’examen d’entrée dans les établissements catalans a lieu en présence d’un agent pénitentiaire. Il recommande que les surveillants ne soient présents qu’à la demande du personnel soignant.
Le CPT rapporte la longueur des délais entre les demandes de consultation des personnes détenues et l’accès effectif aux professionnels de santé.
Soins dispensés¶
Des psychologues assurent des consultations ponctuelles en prison. Aucun suivi régulier n’est possible. Les traitements dispensés sont généralement exclusivement médicamenteux.
Les personnes sous mesure de sûreté ne bénéficient pas de soins spécifiques. Le CPT rapporte les visites irrégulières des psychiatres à ces patients.
Il note que les personnes souffrant de troubles psychiques placées dans les “unités fermées” ne reçoivent aucun soin adéquat.
Les personnes dépendantes aux produits placées en UTE ont, en principe, accès à des thérapies de groupes et à quelques ateliers. Le CPT rapporte que, dans les prisons de Puerto III et Séville II, les activités ne sont pas adaptées aux besoins des personnes détenues. L’équipe de prise en charge n’est présente que ponctuellement.
Équipe médicale¶
La gestion des soins de santé en prison est partagée. L’administration pénitentiaire est responsable des soins de base tandis que les psychiatres et professionnels psychiatriques sont sous l’autorité des services de santé régionaux. Environ 600 médecins généralistes, 30 psychiatres et 300 psychologues assurent, en 2015, des soins à temps plein dans les prisons.
Chaque établissement pénitentiaire est tenu d’engager un médecin généraliste avec des connaissances en psychiatrie. Le CPT constate que les visites de psychiatres dans les établissements pénitentiaires sont insuffisantes.
Aucun psychiatre ne s’est rendu à la prison de Texeiro entre 2011 et 2016. Près de 6 % des personnes détenues y reçoivent pourtant un traitement antipsychotique.
Un psychiatre est présent quatre heures par semaine à la prison de Léon, où 25 % des personnes détenues souffrent d’un trouble de la personnalité avéré. Aucun psychologue n’est présent en permanence dans les établissements visités par le CPT en 2016.
La loi prévoit la présence en permanence de médecins généralistes et de psychologues dans l’équipe chargée du PAIEM. Des psychiatres, des personnels spécialisés en santé mentale et d’autres professionnels sont tenus d’intervenir périodiquement. Des associations participent à l’exécution du programme. Le CPT note le manque de professionnels de santé attachés, en réalité, au PAIEM dans les établissements visités. Aucun psychiatre ou psychologue n’y intervient. Certains PAIEM n’ont pas d’équipe permanente. Les professionnels sont, dans ce cas, présents de manière hebdomadaire.
Secret médical¶
Les demandes de consultation se font généralement de manière orale ou écrite aux agents pénitentiaires.
Les psychiatres prescrivent les médications. Le Défenseur du peuple note l’arrêt brutal des prescriptions de psychotropes à la prison de Cordoba. Il rapporte que le psychiatre de l’établissement pénitentiaire de Madrid fournit généralement des traitements de psychotropes à haute dose.
Mesures d’urgence¶
La personne en état de crise psychique peut être transférée en hôpital psychiatrique. Elle peut être placée à l’isolement en attendant le transfert si elle présente un risque d’automutilation.
La contention mécanique à but médical ne doit être utilisée qu’en derniers recours, lorsque la personne détenue se trouve en état de crise psychique. Elle est généralement imposée lorsqu’elle présente un risque d’automutilation ou qu’elle est particulièrement agitée. La personne peut rester plusieurs heures sous contention, jusqu’à ce que son état se stabilise. Le recours à ce moyen de contrainte varie en fonction des établissements.
Le recours à des moyens de contrainte a été utilisé en Catalogne plus de 126 fois au cours des neuf premiers mois de 2018.
La mesure est réalisée dans une cellule spécifique de l’infirmerie. Les médecins et infirmiers visitent le patient à heure régulière. Les prisons de Séville II et Puerto III ne tiennent pas de registres des placements sous contention.
La contention mécanique et la mise à l’isolement sont fréquemment utilisées comme sanctions disciplinaires à l’encontre d’une personne détenue en crise psychique. Le CPT rapporte qu’une femme de l’“unité polyvalente” de Wad Ras a été placée à l’isolement après un acte d’automutilation. Une autre a été menacée d’être placée sous contention en pareil cas. Des femmes détenues à la prison de Brians I dénoncent l’usage excessif de la force par des agents pénitentiaires suite à des tentatives de suicide ou des actes d’automutilation.
Le CPT rapporte des faits de violence de la part des agents de la prison de Puerto III sur un détenu souffrant d’un trouble psychique qui s’était automutilé. Les surveillants l’ont sorti de sa cellule avant de lui infliger de nombreux coups de pied et de poing. Il a ensuite été placé, pendant huit heures, sous contention mécanique sur le ventre. Le médecin aurait refusé de faire un rapport sur ses blessures.
Les soins sans consentement ne sont possibles que s’il existe un danger imminent pour la vie de la personne détenue. Ils doivent faire l’objet d’une autorisation judiciaire et le juge doit être informé dans les 24 heures après le début de la mesure.
Formation des surveillants¶
La formation des surveillants pénitentiaires varie en fonction des communautés autonomes. Le CPT constate que les surveillants de l’“unité polyvalente” de Wad Ras ne reçoivent aucune formation spécifique.
Continuité des soins¶
Les personnes détenues qui suivent le PAIEM peuvent bénéficier du programme “Puente Extendido” à leur sortie de prison. Il est géré par les centres de réinsertion sociale. Une équipe de professionnels pluridisciplinaire coordonne la continuité des soins.