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Source : Libération
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Andrea Giorgetta, responsable de la FIDH à Bangkok, a coordonné un rapport glaçant sur les conditions de vie des femmes détenues en Thaïlande.
En matière de prisons, la Thaïlande cumule les pires statistiques. Avec 290 000 prisonniers pour 67 millions d’habitants, le pays d’Asie du Sud-Est présente un des plus forts taux d’incarcération au monde – en comparaison, la France compte 70 000 détenus pour le même nombre d’habitants. La Thaïlande abrite également le quatrième bataillon de femmes détenues au monde, derrière les Etats-Unis, la Chine et la Russie. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), qui vient de publier un rapport sur les conditions de vie dans les geôles du royaume, a enquêté sur la prison centrale pour femmes de Bangkok, la capitale. Rencontre avec Andrea Giorgetta, responsable de l’Asie du Sud-Est pour la FIDH, coordinateur du rapport.
Quelle est la situation dans les prisons thaïlandaises ?
Tout d’abord, il faut préciser que nous n’avons pas pu faire une enquête générale, l’accès aux prisons thaïlandaises étant quasiment impossible. Nous avons travaillé d’après le témoignage de six anciennes détenues de la prison centrale pour femmes de Bangkok (CWCI). Comme ailleurs, la surpopulation est le problème numéro 1 dans cet établissement de 4 500 détenues, avec un taux d’occupation de 242%. En moyenne, les cellules y mesurent 42 m2, et 70 à 80 femmes s’y entassent. Elles sont si serrées qu’elles sont obligées de dormir sur le côté, parfois les jambes sur celles de leurs voisines. Sur les photos, on dirait des corps sans vie, ou des animaux. Elles ont très peu d’accès à l’eau, entre 5h30 et 7 heures le matin, et une eau de mauvaise qualité. La douche est un tuyau avec des trous, une détenue est chargée de décompter le temps, en comptant jusqu’à 30. Elles manquent de tout, notamment de serviettes hygiéniques. Lorsqu’elles sont punies, elles sont battues à coups de canne. Une femme nous a raconté que trente minutes après avoir accouché à l’hôpital, elle a dû retourner dans sa cellule avec son nouveau-né. Il est resté avec elle durant onze mois. Sur les photos, on voit des nourrissons au milieu de la foule. Certes, nous n’avons eu accès qu’à un minuscule échantillon de témoins. Mais il est difficile de mettre en doute la parole de ces femmes, alors qu’elles ont passé deux ans, voire plus, dans cet endroit.
Pourquoi une telle situation ?
Le fort taux d’incarcération est dû à la législation sur la drogue. 80% des femmes détenues le sont pour des affaires qui y sont liées. Il a toujours été difficile aux ONG d’accéder aux prisons. Mais depuis le coup d’Etat militaire de 2014, tout s’est encore compliqué, l’organisation s’est militarisée. Les prisonniers ont une liste de 10 visiteurs possibles. Faire changer un nom sur la liste est très difficile. La Croix-Rouge internationale peut pénétrer dans les établissements, mais dans ce cas, on ne lui montre que ce qu’on veut bien lui montrer, c’est-à-dire des cellules propres et modernes, très différentes de la réalité. Une ex-détenue nous a raconté comment elle avait dû plusieurs fois jouer la comédie devant les délégations officielles des Nations unies ou des ambassades, que c’était parfois amusant, parfois très triste.
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