PI. Cette rencontre a-t-elle modifié votre perception de la vie et de la prison ?
PP. D’abord, il y a quelque chose qui n’est pas incorporable : c’est la torture. C’est inouï, je me demande comment elle a pu tenir. Puis il y a sa peur irrationnelle d’être incarcérée dans une prison civile avec "les femmes des livres". Il y a aussi l’humanisation de la prison par la vie commune qui s’y construit et la formation autodidacte des détenues… Cet ensemble de contrastes construit une image particulière de la prison.
Il apparait une autre transformation, plus mentale, plus sensible, voire plus spirituelle dont Hend parle très bien : c’est la manière dont elle se découvre une liberté intérieure. Ce sont des territoires de liberté qui ne sont plus physiques.
Je suppose qu’il y a des gens cassés, détruits, et pour d’autres une découverte d’eux mêmes. Hend le dit : "En prison tu es 24h/24 avec d’autres. Ça demande beaucoup trop d’énergie de se cacher durant des mois, des années. C’est impossible de cacher qui tu es".
C’est une juxtaposition de réalités, avec à la fois la violence extrême de l’enfermement et la capacité de certains à grandir dans cette violence.
PI. Après un tel récit, quel message souhaitez-vous adresser aux auditeurs ?
PP. Je ne peux pas parler de manière générale des prisons. Par contre, je pense qu’elles ont un effet de loupe sur la société. Pour le peu que j’en connais, la surpopulation, les conditions de vie, la gestion froide et technocratique… au regard du témoignage de Hend, ce phénomène me parait encore plus évident. C’est un processus de gestion sociale et politique. Il concourt à la déshumanisation. Ce témoignage est révélateur. Il accroit notre conscience des méfaits de la prison.