MA. Cette étude a été conçue comme la base d’un programme ; elle a donc permis le développement d’une politique nationale de prévention du suicide et de l’automutilation en prison correctement informée. Le Maroc est le premier pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, sinon le seul, à avoir mis en place un cadre de principes sur le suicide et l’automutilation en prison. Si cela s’est avéré possible, c’est parce que les recommandations faites aux autorités pénitentiaires l’ont été sur la base de preuves émanant directement de leur pays.
Un programme de formation complet et un manuel de procédures ont été tirés de nos recherches. La formation est destinée aux personnels de santé, mais aussi aux personnels de sécurité et des services sociaux. Nous nous sommes assurés que ce ne serait pas nous, de Copenhague, qui assurerions cette formation ; c’est un groupe constitué de membres du personnel sur place qui en est responsable. Cette équipe a déjà formé plus de 2000 personnes, comprenant l’ensemble du personnel médical et des postes à responsabilité de tous les établissements du pays. La formation a lieu tous les ans : ainsi, tout nouveau membre du personnel arrivant à un poste clé est formé à la politique de prise en charge et au manuel.
Un système de contrôle a également été mis en place. Pour chaque acte d’automutilation et chaque suicide, des données sont désormais collectées de tous les services, sans plus se limiter à la seule santé. À la fin de l’année, il est possible d’identifier des tendances et de comparer avec les années précédentes, par exemple sur les objets utilisés pour se mutiler.
Un comité pluridisciplinaire interne, réunissant différents services de l’administration pénitentiaire, a été mis en place. C’est une autre conséquence de nos recherches. Ce comité doit se réunir annuellement pour examiner les tendances actuelles et y adapter les politiques. Il est coordonné par le service de santé et associe à la réflexion les services de sécurité, les services sociaux, les ressources humaines, etc. Son objectif principal est de permettre aux autorités pénitentiaires de savoir ce qu’il se passe au sein de leurs établissements. Plutôt que de se concentrer sur des affaires particulières, il leur dresse le tableau d’ensemble des tendances et en propose une interprétation. À titre d’exemple, le problème des rasoirs a été abordé au cours de la dernière réunion. S’agissant de déterminer quand une personne détenue peut obtenir un rasoir et le rendre, l’administration pénitentiaire a prévu des politiques très complètes et rigoureuses. Nous en avons discuté lors de la dernière réunion, en essayant de montrer à l’administration que, peut-être, la question méritait d’être réexaminée. L’isolement et les mesures alternatives à l’isolement ont également été abordés, mais il est évident que le changement demande des efforts et de la patience. Le comité permet d’avoir un certain nombre d’échanges, certains très pratiques, d’autres plus tournés vers les politiques.
Il faut tout de même le dire : des politiques et des mesures de réduction du nombre de suicides et d’actes d’automutilation dans les prisons marocaines sont certes mises en place, mais les problèmes de santé psychique dans les prisons marocaines restent un sujet très préoccupant en raison du manque d’effectifs et de la surpopulation chronique.
Nous continuons à apporter notre soutien à l’administration pénitentiaire. En particulier, nous mènerons, au cours des années à venir, une étude sur les facteurs de risque d’automutilation dans les prisons marocaines, qui ira au-delà de l’étude de cas propre à l’étude dont nous venons de parler. Il s’agira cette fois d’une étude de cas-témoins : nous procéderons à la comparaison des personnes qui pratiquent l’automutilation et de celles qui ne le font pas pour identifier les facteurs de risque. Nous pourrons de la sorte mieux identifier les personnes à risque et, partant, mieux cibler les mesures de prévention.