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France : le casse-tête de l’administration pénitentiaire

Comment rendre l’administration pénitentiaire attractive ? Entre les départs à la retraite et les nouvelles prisons, les besoins de recrutement sont très importants mais le métier de surveillant n’attire pas, au point qu’au dernier concours, seulement 20 % des inscrits ont fait le déplacement.

“Combien d’entre vous veulent devenir surveillant ?”, interroge un agent de la pénitentiaire face à 180 lycéens en bac pro métiers de la sécurité, en immersion à l’École nationale d’administration pénitentiaire (Enap), à Agen. Deux mains se lèvent. Les autres se voient pompiers, policiers, gendarmes. Mais surveillant, non. Un jeune cite la série “Prison Break” et le “maton” ripoux qui fait du trafic. Un autre lâche : “C’est pas intéressant de surveiller des prisonniers”.

Déficit d’image

“Il se passe de belles choses en prison”, tente face aux lycéens Hugues Belliard, directeur adjoint de la direction de la formation à l’Enap. Il faut réussir à rendre “nos métiers attrayants”, dit-il. Le défi est de taille. Au cinéma, dans les séries, la prison n’est souvent qu’un lieu de violence. Dans l’actualité, prison rime avec agression, surpopulation.

On compte 28 500 surveillants de prison. Pour combler les postes non pourvus, les agents doivent faire des heures supplémentaires. C’est bien pour le salaire, mais “un épuisement” s’est installé, entend-on à l’Enap. Or la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) n’a jamais autant embauché.

“L’objectif, c’est 2 400 surveillants par an”, explique Hugues Belliard. Il faut remplacer les départs à la retraite, monter des équipes pour les nouvelles prisons.

Mais les dernières promotions en 2019 n’étaient pas complètes : 496 et 418 au lieu de 600 élèves. L’administration pénitentiaire admet une baisse du niveau. Emmanuel Baudin, du syndicat FO-Pénitentiaire, évoque des stagiaires ayant du mal à compter les détenus sur les coursives.

YouTube à la rescousse

Le niveau brevet est exigé, mais 65 % des nouveaux recrutés ont le bac, lui répond l’Enap. Ils arrivent en moyenne à 29 ans, cherchant surtout la sécurité de l’emploi, après avoir travaillé comme vigile ou comme militaire et policier contractuels. À l’Enap, tout le monde a en tête les publicités de l’armée. “C’est de l’escroquerie ! Ils vendent l’aventure, mais ces jeunes vont se retrouver Sentinelle, à patrouiller dans les rues”, s’emporte un surveillant.

On préfère penser au Youtubeur star Tibo Inshape, venu à l’Enap en septembre. Résultat : une vidéo de 20 minutes où il se glisse dans la peau d’un surveillant. “Trois millions de vues en 72 heures !”, raconte Philippe Claerhout, chef des actions événementielles à l’Enap. “Sur le site Devenirsurveillant, il y a eu 70 % de nouveaux visiteurs”.

Si l’impact sur les inscriptions au concours a été faible, “une graine est plantée”. “Un jour, ils se diront peut-être : pourquoi pas”, espère Philippe Claerhout.

Une bonne alternative

Avoir la vocation de surveillant, Gilles Verplancke, de l’unité de promotion des métiers pénitentiaires à Dijon, n’y croit pas. “Mais s’afficher comme une bonne alternative, oui”.

“Beaucoup entrent dans la pénitentiaire par hasard, puis apprennent à aimer ce métier. Car être surveillant, c’est faire du maintien de l’ordre mais aussi être médiateur, secouriste, psychologue”, vante-t-il. “Si on arrivait à mieux faire connaître le métier, on aurait plus de candidats”.

À l’Enap, on insiste aussi sur les perspectives de carrière. Hugues Belliard a démarré surveillant puis a passé des concours internes jusqu’à devenir directeur. On peut aussi rejoindre le renseignement pénitentiaire ou les Eris, ces équipes de sécurité qui interviennent en cas de tension dans un établissement. Ont-ils convaincu des lycéens ? Parmi eux, Arthur, 17 ans, n’en démord pas : *“Moi je veux être pompier. Mais si ça ne marche pas, alors ça ne me déplairait pas”.

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