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France : justice pour mineurs, quand le gouvernement court-circuite le Parlement

La révision de la justice pour mineurs par ordonnances, annoncée par la garde des Sceaux, est un bricolage sans précédent inquiétant à la veille de la reprise de la réforme constitutionnelle.

La nécessité d’une réforme de la justice des mineurs est avérée. Par exemple, l’idée d’une procédure accélérée pour un jugement rapide sur la culpabilité, suivie d’une césure pour laisser le temps d’évaluation avant le prononcé de la peine est une revendication de longue date de nombreux juges des enfants.

Cependant, l’annonce pendant l’examen du projet de loi sur la Justice, par la garde des Sceaux, du dépôt par le gouvernement d’un amendement visant à se faire habiliter à légiférer par ordonnances pour réformer la Justice des Mineurs, a été une grande surprise. Voici le Parlement en passe d’être dessaisi de ce sujet avant même d’en avoir été saisi…

Pourtant une telle réforme appellerait un débat public pluraliste et transparent que seul le Parlement peut offrir à notre société.

De la nécessité d’un débat public

Un débat public est nécessaire pour garantir la qualité de la loi. Un projet de loi est accompagné d’une étude d’impact qui examine l’état de l’existant et qui précise les raisons pour lesquelles il faut changer la loi et au-delà les pratiques. Le débat parlementaire permet à des avis autres que ceux du gouvernement de s’exprimer. Un projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances est accompagné d’une étude d’impact réduite, quant à un simple amendement comme celui du gouvernement il en est totalement dépourvu. Le gouvernement fait le choix de priver la société des garanties de qualité de la nouvelle loi, de transparence dans son élaboration et de pluralisme dans sa discussion.

Un débat public est ensuite nécessaire pour construire un compromis autour de la future loi et donc des futures pratiques qu’elle induira. C’est d’autant plus nécessaire que la justice des mineurs est souvent incomprise. La délinquance des mineurs est très visible alors que la réponse judiciaire est invisible pour les victimes, les policiers, les élus locaux et les citoyens, hors les cas d’incarcération ou de placement du mineur. Cette invisibilité de la réponse judiciaire est justifiée par la nécessité de protéger l’anonymat du mineur poursuivi. Mais cette invisibilité nuit à la crédibilité de cette justice. Il faut se souvenir que la justice est destinée aux coupables et aux victimes mais qu’elle doit être vue par l’ensemble des citoyens. Un débat aurait permis d’expliciter le fonctionnement de cette justice et lui aurait peut-être permis de trouver le moyen de rendre compte de son travail.

Un débat public aurait par ailleurs permis de rappeler que les mineurs délinquants sont aussi des mineurs en danger.

Nous aurions pu alors nous interroger sur le bilan des prises en charge séparées des jeunes délinquants (par la Protection Judiciaire de la Jeunesse) et des jeunes en danger (par l’Aide Sociale à l’Enfance dépendant des conseils départementaux). La prise en charge des adolescents en difficulté postule l’articulation de nombreuses politiques publiques (éducation et santé notamment). Or, dans la manière dont ces institutions s’articulent, coopèrent, mettent ou non leurs professionnels en cohérence, se joue une part essentielle de la capacité à construire une autorité contenante mais bienveillante à l’égard des adolescents et non pas une simple autorité sur le modèle classique de l’autoritarisme.

Un peu gênée par cette absence de débat, la garde des Sceaux a imaginé une méthode ad hoc en demandant à ce que soit constitué un «groupe de liaison» de parlementaires pouvant être associé à l’élaboration de l’ordonnance, faisant ainsi de la représentation nationale non plus un Parlement de plein exercice mais un corps intermédiaire que le pouvoir exécutif accepte d’auditionner à l’occasion.

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