Tribune

France : déchirer le silence, interpeller l’arbitraire

Une tribune d'Antoine Lazarus, président de la troisième édition de Concertina

Antoine Lazarus est leader étudiant en mai 1968, médecin pénitentiaire de 1970 à 1974, professeur de santé publique et co-fondateur du Groupe multiprofessionnel des prisons (GMP), qu’il anime depuis 1973. Ses engagements pour les droits des personnes détenues, leurs proches, une justice plus équitable sont innombrables. Il endosse, cet été, un nouveau costume : il présidera l’édition 2023 de Concertina, Rencontres estivales autour des enfermements, du 29 juin au 2 juillet à Dieulefit (Drôme, France). Cette troisième édition se construit autour du thème “Silences”, dans toutes leurs dimensions.

Nous échangeons avec Antoine Lazarus sur son parcours de médecin, de militant, et de briseur de silences. Découvrez sa tribune.

< dessin © Ernest Pignon-Ernest - Courtesy Galerie Lelong & Co

Les hommes et les femmes qui sont coupés de l’information ne peuvent ni se faire entendre, ni se défendre.

Les voix laissent percevoir, entre les mots, ce que les images ne montrent pas.

Continuité implicite

Pourquoi tenir si longtemps ?

Presque 50 ans après mon expérience de médecin pénitentiaire et la création du GMP, que j’ai porté avec un entêtement interrogatif pendant un demi-siècle, en plus d’une vie professionnelle très dense et de nombreux autres engagements associatifs, je découvre les lettres écrites en 1943 par mon père à destination de ma mère. Il est arrêté comme résistant et incarcéré huit mois dans différentes prisons françaises, dont celle de Montluc à Lyon et celle de Fresnes, près de Paris. Sa dernière lettre date de 1943. Je sais, depuis l’enfance, qu’il est mort en déportation à Buchenwald mais j’apprends récemment qu’il fut, avant cela, déporté à Auschwitz. Il a vécu la lugubre marche de la mort pour arriver à Buchenwald où il meurt en 1945, juste avant l’arrivée des Américains. J’ai 20 mois quand il part. Je n’ai connu ni mon père ni mes grands-pères mais je prends connaissance, à l’âge adulte, de leurs engagements multiples. Mon grand-père maternel, Albert Chenevier, est un juriste engagé très tôt pour Alfred Dreyfus, dirigeant, réformateur de l’Assistance Publique de Paris. Il compte parmi les premiers membres de la Ligue des Droits de l’Homme. Les causes qu’ils ont défendues, les positions qu’ils ont prises semblent préfigurer beaucoup de mes propres engagements. Ces transmissions implicites que parfois l’on découvre plus tard dans sa vie interrogent sur la racine des militances et rendent modeste.

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Concertina

Rencontres estivales autour des enfermements

Concertina prend la forme de Rencontres estivales d’une durée de trois jours autour des enfermements. Cette troisième édition abordera le sujet des silences à travers ateliers, témoignages et performances artistiques diverses.