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États-Unis : vieillir à Guantánamo

Dix-sept ans après son ouverture, le centre de détention américain situé sur l’île de Cuba existe toujours et abrite des prisonniers vieillissants à la santé précaire à cause des tortures qu’ils ont subies. Une enquête de la seule journaliste américaine, Carol Rosenberg, basée à Guantánamo depuis l’ouverture de la prison.

Dans le centre de détention de Guantánamo, personne ne souffre encore de démence sénile, mais les premières prothèses de hanche et de genou devront bientôt être posées. Il en va de même pour les rampes d’accès adaptées aux fauteuils roulants, les masques pour l’apnée du sommeil, les barres d’appui dans les cellules et peut-être la dialyse. Des soins palliatifs sont aussi à prévoir.

En 2002, la base militaire américaine à Cuba a été jugée l’endroit “le moins pire” pour incarcérer les combattants faits prisonniers en Afghanistan. Aujourd’hui, après des années de débats houleux sur les droits des détenus et sur l’éventuelle fermeture du centre de détention, le Pentagone se prépare au vieillissement et au décès des terroristes présumés qui sont toujours emprisonnés là-bas.

Fermeture repoussée

Le Congrès s’est opposé à la fermeture de la prison souhaitée par Obama, le gouvernement Trump veut qu’elle reste ouverte, et les procès militaires progressent à un rythme particulièrement lent, c’est pourquoi des responsables de l’armée américaine ont été informés en 2018 qu’ils devaient réfléchir aux mesures nécessaires pour que la prison reste ouverte vingt-cinq années de plus, c’est-à-dire jusqu’en 2043.

À cette date, le prisonnier le plus âgé (s’il est toujours vivant) aura 96 ans. Le détenu palestinien Abou Zubaydah – qui a été confiné dans une boîte de la taille d’un cercueil dans une prison secrète de la CIA et qui a subi 83 simulations de noyade – aura 72 ans.

Parmi les 40 détenus [toujours emprisonnés dans le centre de détention], un certain nombre vivent déjà, selon leurs avocats, les répercussions physiques et psychologiques de la torture, c’est pourquoi leur état de santé sera particulièrement fragile en vieillissant.

“À moins que la politique américaine ne change, nous allons finir par devoir prodiguer des soins de fin de vie”, a souligné l’ex-responsable de Guantánamo, le contre-amiral John C. Ring, lors d’un récent échange avec des journalistes qui a mis en lumière les questions auxquelles doit répondre le Pentagone.

“Beaucoup de ces hommes sont prédiabétiques, a par exemple expliqué John Ring. Est-ce qu’il va falloir proposer la dialyse ici ? Je l’ignore. Il faut que quelqu’un m’en informe. Est-ce qu’on va dispenser des traitements complexes contre le cancer ? Je l’ignore. Il faut que quelqu’un m’en informe.”

Soins palliatifs

Le centre de détention envisage des installations communes dans le style des maisons de retraite et des centres de soins palliatifs. Certains détenus souffrent déjà de problèmes de santé typiques de la quarantaine : tension, cholestérol, douleurs articulaires, diabète et apnée du sommeil.

Mais l’armée est aux prises avec un éventail de questions : dans quelle mesure faut-il accorder des soins aux détenus ? Comment dispenser ces soins ? Combien d’argent le Congrès versera-t-il à cette fin ?

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