Garanties

Toutes les personnes détenues sont admises en prison avec un ordre d'incarcération valable

non

Les détentions arbitraires peuvent se produire dans des contextes variés et prendre différentes formes.Les détentions arbitraires massives de membres des communautés paysannes augmentent depuis quelques années. Ils sont accusés d’appartenir à des groupes rebelles ou de collaborer avec eux. Les témoignages utilisés comme preuves aux procès proviennent de personnes recevant des avantages judiciaires ou économiques de la part du gouvernement. Ils effectuent des signalements flous et approximatifs des personnes accusées.

Les membres de groupes insurgés et les paysans incarcérés pour avoir collaboré avec ces mouvements sont considérés comme des prisonniers politiques. C’est également le cas des personnes que la justice poursuit du fait de leur position de leaders au sein de leurs communautés ou pour leurs opinions. Il s’agit notamment de militants pour le droit à la terre ou pour les droits humains et d’étudiants.

Des pratiques militaires telles que le recensement – c’est-à-dire le contrôle et la mise en place de registres écrits et photographiques de la population - précèdent les poursuites judiciaires menées à l’encontre des communautés rurales. Les forces de sécurité de l’État sont accompagnées de personnes masquées qui accusent les paysans de manière arbitraire.

Non-respect des garanties

Les procédures judiciaires ne respectent pas certaines des garanties prévues par le droit colombien :

  • la règle du “non bis in idem” interdit de poursuivre une personne deux fois pour les mêmes faits : certaines personnes sont jugées, en pratique, plusieurs fois pour les mêmes actes ;
  • la présomption d’innocence : les accusés sont présentés comme coupables par les médias, ce qui affecte l’impartialité des juges ;
  • le droit à une justice rapide et de qualité : selon la gravité des charges retenues contre les accusés, les procès peuvent durer deux fois plus longtemps qu’à l’accoutumé - et ce, même sans preuves solides.

Conflit armé et répression politique

Les poursuites judiciaires menées contre les rebelles sont déterminées par une politique pénale influencée par la doctrine de la sécurité nationale. Elle impose des peines lourdes et restreint l’accès aux peines alternatives ou aux mesures de clémence. Nombre de prisonniers politiques sont incarcérés sur la base de peines prononcées en leur absence. Ils ne disposent donc pas de réelle possibilité de se défendre. Le recours aux faux témoins, l’application du droit pénal d’auteur1 et la mise en cause de la responsabilité sans faute sont fréquents dans les procès menés à leur encontre. Les interprétations restrictives de l’accès à des garanties judiciaires sont aujourd’hui mises en évidence à travers l’absence d’application de la Loi d’amnistie et de grâce, promulguée dans le cadre des Accords de paix signés entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaire de Colombie (FARC).

Les arrestations sont très fréquentes dans le cadre des mouvements sociaux. La loi de sécurité citoyenne convertit certaines formes historiques de manifestations, telles que le blocage des routes, en infractions. Elle donne ainsi une légalité apparente à la criminalisation de ce droit fondamental. Ces types d’arrestations sont courants. Elles ont également lieu après la fin des manifestations ou en dehors de l’endroit où elles se déroulent.

Les prisonniers politiques sont soumis à un isolement social et familial punitif. Ils sont ainsi incarcérés loin du lieu de résidence de leurs familles. Les membres des organisations rebelles courent le risque d’être agressés par leurs opposants car il existe peu de mesures de séparation entre les personnes détenues. La militarisation du système pénitentiaire signifie qu’ils sont incarcérés par ceux qui les considèrent comme leurs “ennemis”. Cela a pour conséquence une restriction plus importante de leurs droits fondamentaux tels que le droit d’association ou le droit du libre épanouissement de leur personnalité. Cela mène également à des impossibilités ou à des difficultés pour former des collectifs de prisonniers et de prisonnières politiques, d’accéder à de la lecture ou à la presse alternative ou de constituer des espaces où ils peuvent réaffirmer leur identité en tant qu’êtres politiques.

Pour en savoir plus concernant la situation des prisonniers politiques en Colombie, voir : “Situation de la population carcérale en Colombie : le conflit armé et les prisonniers politiques” de la Fondation Comité de Solidarité avec les prisonniers politiques, août 2014 (en espagnol).

Cette section a été réalisée par l’organisation Equipo Jurídico Pueblos.


  1. Dans la doctrine du droit pénal d’auteur, opposée au droit pénal de fait, le type et la lourdeur de la peine appliquée sont choisis en prenant en considération la dangerosité de l’auteur du crime ou du délit. 

  • Selon l’INPEC, une personne peut être détenue pour délit d’émeute. On comptabilise aujourd’hui 788 citoyens poursuivis en justice pour violence contre un fonctionnaire. 446 d’entre eux dont 150 syndicalistes sont détenus ; 187 sont en résidence surveillée ; 139 sont assignés à domicile ; 16 dont trois syndicalistes sont sous surveillance électronique ; et deux syndicalistes sont également détenus pour blocage de voies publiques. 28 personnes sont jugées pour avoir entravé le fonctionnement du service de transports collectifs - neuf d’entre elles dont six syndicalistes sont détenues, et 19 d’entre elles dont 17 syndicalistes sont en résidence surveillée.1


    1. “[L’État colombien évalué devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies] (https://derechodelpueblo.blogspot.fr/2016/10/estado-colombiano-evaludado-ante-el.html)”, Droits des peuples, septembre 2016 

Nombre de décès en détention

1 255

i
2015
/ Centre stratégique d’information pénitentiaire (CEDIP)

Il n’est pas précisé si les causes de certains de ces décès relèvent d’un manque de soins médicaux ou d’actes de torture.

La Colombie informe le Comité contre la torture des Nations unies de son enquête concernant 53 décès qui auraient été causés par des actes de négligence du personnel pénitentiaire. Trois affaires ont abouti à des sanctions. Les autres sont toujours en cours d’enquête ou ont été classées.

Taux de suicide en détention (pour 10 000 prisonniers)

-

Le taux de suicide dans les prisons est, selon les établissements, de quatre à dix fois plus élevé que dans le reste du pays.

La prohibition de la torture est inscrite dans la Constitution et dans la loi

seulement dans la loi

Les articles 137 et 178 du Code pénal colombien qualifient la torture de crime. Une peine plus lourde est créée pour les cas de torture perpétrés dans le cadre du conflit armé (article 137).

Le Code pénal établit une différence entre les actes de torture et les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants uniquement dans le cadre du conflit armé. Cela signifie qu’il n’existe pas de réglementation qui établisse et définisse des peines pour les actes cruels, inhumains ou dégradants commis hors du conflit armé. “Cet état de fait génère une absence de protection légale pour les personnes qui ont subi de grandes souffrances en marge du conflit. Ces actes ne sont pas condamnés car ils ne rentrent pas dans le cadre de la définition de la torture. Il s’agit d’un vide juridique” indique la Coalition colombienne contre la torture (CCCT)1.

La Cour constitutionnelle considère que certaines pratiques perpétrées au sein d’établissements pénitentiaires s’apparentent à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. C’est le cas de l’isolement punitif ou sécuritaire et des fouilles intégrales où la personne est entièrement déshabillée avec inspection des parties génitales et l’obligation de se faire raser la tête.


  1. Coalition colombienne contre la torture,“Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en Colombie“, mars 2015, p.23 (en espagnol) 

La Convention contre la torture des Nations unies (CAT) est

oui, en 1987

Les violences entre personnes détenues font l’objet, par établissement, d’un registre tenu à jour

non

L’Institut national de médecine légale et de science médico-légale (INMLCF) comptabilise, entre 2010 et 2014, 2 425 personnes privées de liberté présentant des lésions corporelles.

Ce chiffre inclut 187 femmes et sept personnes appartenant à la communauté LGBTI1.


  1. Coalition colombienne contre la torture, “Rapport Alternatif Présenté au Comité Contre la Torture de l’ONU”, mars 2015, p. 54 (en espagnol). 

Les violences entre personnes détenues font l'objet d'une enquête

non

Le procureur général de la nation (FGN) indique 750 procès en cours contre des fonctionnaires de l’Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC). Seuls 226 d’entre eux font suite à des lésions corporelles.

Nombre de plaintes déposées contre l'administration par des personnes détenues

750

i
2015
/ Procureur général de la nation (FGN) et Coalition colombienne contre la torture (rapport mars 2015)

Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture des Nations unies (OPCAT) est

non

Le gouvernement colombien refuse de ratifier le Protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT). Il prétexte que les institutions nationales sont en mesure d’opérer contre ces phénomènes.

Un MNP est créé

non

Les établissements pénitentiaires sont soumis au contrôle des Comités des droits de l’Homme. Ils sont constitués par le Défenseur du peuple et les représentants de la population carcérale. Il existe aussi, dans tous les établissements pénitentiaires, des Comités de consultation et participation directe. Ils sont composés de personnes détenues. Les centres pénitentiaires sont contrôlés par la Commission de suivi de l’application de la décision T-388, composée d’experts issus de la société civile. (ci-après nommée “Commission de suivi”). Elle fournit des rapports concernant l’application de la décision T-833 à la Cour Suprême. La Commission de suivi rappelle à l’État, dans un rapport publié en février 2017, que son rôle n’est pas d’éviter la torture dans les centres pénitenciers. Sa mission est en réalité de contrôler et servir d’organe consultatif au Conseil supérieur de politique criminelle. La Coalition colombienne contre la torture considère que “l’État colombien [a] une interprétation inexacte et limitée de la portée de l’OPCAT, étant donné que son refus semble entrainer la crainte que l’État puisse être jugé pour la situation carcérale que subissent actuellement les prisonniers.1


  1. Coalition colombienne contre la torture, “Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en Colombie”, mars 2015, p.60 (en espagnol).