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France : une unité où les détenus soignent leurs addictions

C’est une expérience unique en France. Au sein du centre de détention de Neuvic (Dordogne), une petite structure de seize places accueille des détenus souffrant d’addictions, pour suivre un programme adapté. “On se lève à 7 heures, on fait notre lit, on gère nous-mêmes la distribution des repas, le ménage”, énumère un prisonnier arrivé à l’Unité de réhabilitation pour usagers de drogues (Urud) il y a un mois, à sa demande. Son rendez-vous préféré reste “le morning”. “La réunion du matin, où l’on peut exprimer nos émotions, dire comment on se sent”, précise-t-il.

“Que ce soit la toxicomanie, l’alcoolisme ou l’addiction aux jeux, ces problématiques étaient surreprésentées, il fallait trouver une solution adaptée. On s’est inspiré des communautés thérapeutiques qui existent à l’extérieur pour proposer un nouveau modèle de prise en charge”, explique Hélène Chevalet, responsable de l’unité exécution des peines à la Direction interrégionale des services pénitentiaires.

La solidarité entre détenus est au cœur du programme. “Les jours où ça ne va pas, on se soutient, pour pas qu’un maillon de la chaîne casse, parce qu’on avance ensemble”, ajoute un autre pensionnaire de l’Urud, qui travaille dans un atelier rémunéré au sein de la prison.

Pas une agression depuis onze mois

Dans la petite pièce, les règles sont inscrites en feutres de couleur. “Pas de trafic, ne pas consommer, respecter le temps de parole de l’autre”. L’espace collectif de médiation accueille des ateliers d’écriture, d’improvisation, de lecture. C’est aussi là que se réunit l’équipe pluridisciplinaire, composée d’un médecin, d’une psychologue, d’éducateurs et d’agents pénitentiaires.

C’est elle qui évaluera la progression du prévenu. “Lors de son passage à l’Urud, il devra franchir trois phases pour **soigner son addiction, se responsabiliser, puis préparer sa sortie”**, détaille Virginie Durant, conseillère en insertion et probation et référente de cette structure inédite.

Lorsque la durée d’incarcération se poursuit, les détenus peuvent partir dans le bâtiment C, celui du module respect. Ils y signent un contrat : plus de responsabilités contre une plus grande liberté. “C’est la suite logique de leur parcours, car on leur demande, là aussi de s’impliquer davantage”, complète Virginie Durant.

Pour elle, ces deux unités ont apporté une cohésion au sein de la prison. Gregory Dapvril, responsable du module respect, confirme.

“Dans ces deux unités, les agents sont volontaires, on y a un rôle d’éducateurs en plus d’être surveillants, c’est beaucoup plus gratifiant, on découvre les détenus autrement”, souligne-t-il.

“Tandis que certains détenus les surnommaient les porte-clés, leur regard a changé”, ajoute la conseillère en insertion et probation.

Depuis son lancement en septembre 2017, 74 détenus sont déjà passés par l’Urud. À l’occasion de sa visite à Neuvic, mercredi, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé vouloir adapter les modes de détention au profil des personnes et à leur parcours de peine.

“Il serait temps, pointe Thierry Dumonteil, représentant FO au centre de détention de Neuvic. Il n’y a pas eu d’agression verbale ou physique dans le bâtiment C depuis onze mois et l’absentéisme des personnels a considérablement diminué.” Pour lui, la généralisation de ces modules adaptés apporterait une lueur d’espoir dans un contexte de sous-effectif .

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