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France : surveillants de prison, un week-end de mobilisations

Des primes alignées sur celles de la police nationaleManque de personnels, de reconnaissance et conditions de travail des surveillants pénitentiaires dégradées : six syndicats appellent à des actions devant tous les établissements pénitentiaires samedi. Les blocages ont déjà commencé jeudi à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis et se poursuivaient vendredi soir à Fresnes.

Rien n’a changé aux yeux des syndicats, depuis la dernière mobilisation des surveillants pénitentiaires il y a un an. C’est pourquoi une entente intersyndicale composée de six organisations (SNP-FO personnels de surveillance, CGT pénitentiaire, CFDT-Interco justice, Snepap-FSU, CFTC Syndicat libre justice et Horizon justice) ont appelé à bloquer l’accès aux prisons de Fleury-Mérogis jeudi soir, de Fresnes vendredi et de tous les établissements pénitentiaires de province samedi. Concrètement: ils prévoient de bloquer le retour des détenus après une audience au tribunal.

Les syndicats aimeraient voir la Chancellerie prendre conscience des multiples évolutions du métier. L’intersyndicale a été reçue par la ministre de la Justice mardi 29 janvier. Après près de 3 heures de discussion, «comme si la décision avait déjà été prise», raconte Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO-Pénitentiaire, Nicole Belloubet a refusé leur principale revendication: le passage des surveillants pénitentiaires de la catégorie C de la fonction publique à la catégorie B, avec l’augmentation de salaire qui va de pair. Cette évolution statutaire «serait une reconnaissance de la pluridisciplinarité de nos missions», explique Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT-Pénitentiaire. Les personnels pénitentiaires ont en effet hérité de tâches autrefois dévolues à d’autres corps de métier, comme «la gestion des détenus radicalisés, les extractions judiciaires (réalisées auparavant par la police) ou la pose et le suivi des bracelets électroniques (PSE, placement de surveillance électronique). «Toutes ces évolutions motivent, pour nous le passage en catégorie B», affirme Christopher Dorangeville. Pour une meilleure attractivité du métier, «cela nous paraît essentiel» affirme le secrétaire général de la CGT.

Place Vendôme, on «ne souhaite pas renoncer au recrutement des surveillants en catégorie C, c’est à-dire non bacheliers. Actuellement, 36% des surveillants recrutés n’ont pas le bac. Il n’est pas possible de renoncer à un tiers du vivier de recrutement dans une période où il faut recruter massivement» peut-on lire dans un communiqué daté du 30 janvier. Pour l’intersyndicale, la solution est pourtant toute trouvée puisqu’elle existe déjà dans la fonction publique: un concours dit «3e voie» ouvert aux candidats justifiant une expérience professionnelle de deux ans dans des domaines de la sécurité, de l’associatif, du sport ou de l’insertion. L’administration pénitentiaire manque de personnels ayant «d’autres connaissances que celles du milieu carcéral» avance Christopher Dorangeville.

Des primes alignées sur celles de la police nationale

Par ailleurs, sur le plan salarial, l’intersyndicale conteste la Chancellerie: «Quand la ministre dit qu’un surveillant touche environ 1900 euros de salaire, elle oublie de dire que les heures supplémentaires sont comptabilisées. Un surveillant pénitentiaire en début de carrière touche plutôt «entre 1450 et 1490 euros par mois», avance Emmanuel Baudin de Force ouvrière. Et de compléter: «Les surveillants préféreraient être avec leur famille le week-end plutôt qu’accumuler 30 à 50 heures supplémentaires par mois», conséquence directe du manque de surveillants pénitentiaires dans les prisons.

D’autres revalorisations salariales sont demandées. À commencer par une augmentation de l’indemnité de sujétion sociale (ISS). Les syndicats demandent à ce qu’elle soit portée dès aujourd’hui à 28%, contre 27% actuellement. L’idée est d’atteindre en 2021 le même seuil que celui fixé pour les fonctionnaires de police, soit 30%. L’autre prime qui cristallise les tensions est l’indemnité pour charge pénitentiaire (ICP). D’un montant d’environ «100 euros par mois pour un surveillant pénitentiaire», précise Emmanuel Baudin, l’intersyndicale souhaiterait qu’elle soit alignée sur l’allocation de maîtrise perçue par la police nationale, qui s’élève à «219 euros par mois pour un policier (avant la nouvelle prime annoncée par Emmanuel Macron en décembre 2018, ndlr)».

La mobilisation reprenait donc ce vendredi soir au centre pénitentiaire de Fresnes. Pour les établissements de province, plusieurs actions sont prévues à Bordeaux, Lyon, Strasbourg ou Toulouse. «Nous leur avons donné la possibilité de définir leurs propres modalités d’action pour ce week-end, car il faut prendre en compte qu’en 2018 à la fin du conflit, l’administration pénitentiaire a sanctionné lourdement les agents et d’une manière assez habile: certains ont eu des jours de suspension fermes mais également des jours de sursis. Si ces personnels-là étaient sur un nouveau mouvement de blocage, le sursis tomberait directement. C’est une épée de Damoclès au-dessus de leur tête», affirme Christopher Dorangeville. Il l’assure: les syndicats n’avaient pas lancé d’actions de protestation avant les négociations, souhaitant «jouer le jeu, dialoguer en toute responsabilité sans mettre de pression supplémentaire» sur le gouvernement. Désormais pour le syndicaliste, le sentiment de «tourner en rond» a assez duré.

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