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France : à Fleury-Mérogis, huit détenus formés pour empêcher les suicides en prison

Le choc est parfois trop dur à supporter. Enfermé, entouré d’inconnus jusque parfois dans l’intimité : certains détenus préfèrent en finir. Si en 2019, aucun suicide n’est à déplorer, ils sont 14 à s’être donnés la mort en 2018 au sein de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe. Pour lutter contre ce fléau, un plan national de prévention suicide a été lancé par l’administration pénitentiaire.

Après Villepinte (Seine-Saint-Denis) en 2010 - le site précurseur - Poissy (Les Yvelines) ou encore Fresnes (Val-de-Marne), Fleury vient de mettre en place un dispositif de codétenus de soutien.

Formés par la Croix rouge durant tout le mois de juillet, ces huit volontaires du bâtiment D1, sélectionnés parmi 23 candidats, ont appris à prodiguer les gestes de premiers secours. Mais aussi à détecter, écouter, épauler les personnes les plus fragiles. Des oreilles bienveillantes qui ont reçu, ce mardi, leur diplôme, valorisant leur formation.

“Il a fallu se battre pour accueillir ce dispositif qui fait encore aujourd’hui débat, reconnaît Laurent Ridel, le directeur interrégional des services pénitentiaires. Le suicide est un phénomène difficile à combattre. Ceux qui ont eu un parcours difficile à l’extérieur ont encore plus de chance de passer à l’acte lors de leur incarcération. La douleur est si intense qu’ils ne voient plus que la mort pour l’atténuer. C’est pourquoi nous devons détacher des personnes pour les empêcher de passer à l’acte.”

Des jeux de rôles pour apprendre à trouver les mots

D’ici les prochaines semaines, deux des huit codétenus de soutien iront par roulement se présenter aux arrivants.

“C’est le moment le plus difficile à vivre, avance l’un d’eux. On se retrouve isolé de tout, on ne sait pas comment cela va se passer. On perd tout, notre travail, notre confort, parfois notre compagne. Je suis passé par là. Savoir que l’on a une personne qui est là pour nous écouter, qui peut devenir son confident, ça peut faire du bien.”

Pour trouver les mots justes, les codétenus ont passé beaucoup de temps à faire des simulations, des jeux de rôles. “Nous avons appris à poser des questions et à en taire d’autres”, détaille Kevin, qui, en s’investissant dans ce projet, avait envie d’aider. “Je suis chargé de distribuer ce que les détenus commandent. Du coup, je vois beaucoup de monde, poursuit l’homme aux très longues dreadlocks.”

“Quand on se retrouve isolé, enfermé dans 9 m2, on a beaucoup de temps pour se tourmenter. Jamais personne ne nous dira je vais passer à l’acte. Il faut savoir les mettre en confiance, et les écouter.”

Fort de cette première expérience, le dispositif devrait être prochainement étendu au bâtiment D2, le plus touché par des suicides en 2018. Avant d’être généralisé sur l’ensemble de la prison.

Qui mieux qu’un détenu peut comprendre la détresse d’un autre?

“ J’ai senti qu’il allait mal, qu’il n’en pouvait plus, se souvient Christian, désarmé face à une telle détresse. Mais que pouvais-je faire?“ Quelques jours plus tard, l’homme tente de se suicider en mettant le feu à sa cellule.

“Des suicidés en détention, j’en ai connu. J’en ai vu de mes propres yeux. J’avais envie de leur apporter mon aide.”

Devenir codétenu de soutien était une des solutions. “On nous a appris à détecter les premiers signes, indique-t-il. Les surveillants n’ont pas toujours le temps de repérer les personnes en détresse. Dorénavant, ce sera notre boulot. Je vois ça comme une vraie mission, un devoir même. Qui mieux qu’un détenu pour comprendre la détresse d’un autre ?”

Un “boulot” qui aimerait bien poursuivre une fois à l’extérieur. “Je suis sûr que cette formation me servira.” À tel point qu’il l’a déjà mentionné sur son CV.

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