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Argentine : plus de cinq cents prisonniers, en grève de la faim, réclament justice

Aux 500 prisonniers en grève de la faim à la prison argentine de Villa Urquiza (province de Tucumán), se sont ajoutés, mercredi 30 août 2017, 54 nouveaux grévistes de la prison Concepción, située dans le sud de la province. Tout a commencé le mercredi 23 août.

Le mouvement démarre suite à la visite, du 9 au 11 août, d’une délégation du Procureur pénitentiaire de la nation1 (PPN). Son rapport rend compte de la gravité des faits constatés par la délégation : conditions d’hygiène déplorables, absence de ventilation et d’éclairage, surpopulation, accès très problématique aux soins et à la nourriture, au travail et à l’éducation. Le PPN déclare n’avoir jamais observé une situation d’une telle gravité.

La délégation identifie également le cas de Luis Alberto Ibarra, un jeune homme détenu à Villa Urquiza, blessé par le tir de balles en caoutchouc, enchaîné à un mur depuis trois jours et caché à la vue de la délégation. Le jeune homme avait été puni pour avoir grimpé sur le toit de la prison. Il entendait protester contre son maintien en détention préventive au delà de la période légale. La délégation du PPN a obtenu qu’il soit examiné par un médecin légiste. Un recours en habeas corpus2 a été déposé en sa faveur.

Cette série d’événements incite les détenus de l’unité 1 de Villa Urquiza - tous condamnés - à organiser, le 23 août, une grève de la faim pour exiger que leur soient accordés les permis de sortie temporaire auxquels ils peuvent prétendre (loi 24.660). Le lendemain, l’administration pénitentiaire sanctionne les détenus en grève en interdisant l’accès aux visiteurs. La décision provoque des affrontements à l’entrée de la prison. Certains visiteurs sont blessés par le tir de balles en caoutchouc.

Deux cents prisonniers de l’unité 2 se rallient, le 26 août, au mouvement. Trois jours plus tard, en solidarité, plus de 100 détenus les rejoignent également. Certains experts de la question carcérale argentine prédisent, si la crise n’était pas résolue, l’extension du mouvement au niveau national.

Les prisonniers de Tucumán expriment un mécontentement multifactoriel : conditions de vie déplorables et niveaux de corruption et d’impunité dans l’administration très élevés. Roberto Guyot, ancien directeur de Villa Urquiza, est nommé juge de l’exécution des peines de la même province. Cette nomination aggrave considérablement la situation. Le magistrat refuse d’installer ses bureaux dans les locaux de l’établissement qu’il a dirigé précédemment. Face au refus du tribunal de l’accueillir dans ses bureaux du centre-ville, il a cessé, depuis un an, d’honorer ses fonctions.

La situation pénitentiaire à Tucumán se détériore dès lors davantage. La Cour suprême déclare, en février 2017, le système pénitentiaire provincial en crise. L’Observatoire international des prisons – section Argentine (OIP-SA) publie, en avril, une série d’avertissements. Ils pointent tous la crise actuelle. Selon Graciela Dubrez, directrice de l’OIP-SA, “le manque de diligence de Roberto Guyot pour résoudre ce conflit attire l’attention”. Le magistrat n’a ni l’approbation des membres de l’administration pénitentiaire, ni celle des prisonniers. La Cour suprême a récemment entendu les revendications des personnes détenues de Villa Urquiza. Elle devrait rendre sa décision dans les jours à venir. Certains craignent que, sans le renvoi du juge Guyot, il ne soit possible d’apporter une réponse satisfaisante aux troubles des prisons de Tucumán.

  • Les conditions de détention en images.


  1. Le Procureur pénitentiaire de la nation exerce les fonctions d’ombudsman des prisons relevant de la juridiction fédérale. 

  2. La procédure en habeas corpus garantit le respect des libertés individuelles, dont celle de ne pas être emprisonné injustement. L’équivalent français de cette figure est le juge des libertés et de la détention.