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France : loi de réforme de la justice : principales dispositions pénales

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est enfin promulguée, après de vifs débats parlementaires, de nombreuses inquiétudes parmi les professionnels du droit et un examen par le Conseil constitutionnel. Si la loi concerne l’ensemble du droit processuel, les dispositions pénales en constituent la partie la plus importante : il s’agit des articles 42 à 94, soit cinquante-trois des cent dix articles que contient la loi. Toutes les phases de la procédure pénale sont concernées, mais aussi le droit de la peine et le droit pénitentiaire. S’il n’est pas possible de prétendre à l’exhaustivité dans la présentation de cette loi, tant chaque mesure mériterait une analyse approfondie, nous nous attarderons sur les principales dispositions.

Dispositions relatives aux victimes

L’article 10 du code de procédure pénale, relatif à l’exercice de l’action civile, permet désormais à la juridiction répressive qui a omis de se prononcer sur des demandes de la partie civile régulièrement constituée d’être à nouveau saisie pour qu’il y soit statué. En outre, ce même article prévoit désormais que lorsque l’état mental d’une personne rend durablement impossible sa comparution personnelle, le président du tribunal peut “d’office, ou à la demande du ministère public ou des parties, décider, après avoir ordonné une expertise permettant de constater cette impossibilité, qu’il sera tenu une audience publique pour statuer uniquement sur l’action civile”. Cette disposition intervient en réponse à un arrêt de la Cour de cassation ayant affirmé que la seule solution dans un tel cas était de surseoir à statuer sur l’action publique, ce qui empêchait de statuer sur l’action civile en raison du sursis à statuer obligatoire en la matière.

S’agissant des victimes, une des dispositions qui a été vivement contestée est l’introduction de la plainte électronique à l’article 15-3-1 du code de procédure pénale, qui prend soin de préciser que la plainte électronique ne peut être imposée à la victime. À la suite d’une telle plainte, la victime pourra être auditionnée, mais seulement “si la nature ou la gravité des faits le justifie”. D’autres dispositions relatives aux victimes visent à protéger les victimes dépositaires de l’autorité publique pour les infractions dont elles sont victimes à l’occasion de leurs fonctions. L’article 10-2 du code de procédure pénale leur permettra de ne déclarer qu’une adresse professionnelle de manière simplifiée. En outre, la constitution de partie civile peut désormais se faire par voie électronique, avec le nouvel article 420-1.

Dispositions relatives aux actes d’investigation

S’agissant des actes d’investigation, le législateur avait pour ambition de modifier profondément le champ d’application des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques. Avant la loi, en dehors de l’information judiciaire, les interceptions ne pouvaient être ordonnées durant l’enquête par le juge des libertés et de la détention (JLD) qu’en matière de délinquance et criminalité organisée.

Le législateur a voulu autoriser, de manière générale, cet acte d’investigation durant l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire, sur autorisation du JLD, pour tous les crimes et les délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2019-778 QPC, § 147). La principale difficulté tenait à ce que les infractions visées n’étaient pas d’une particulière complexité et que l’autorisation du JLD, qui ne dispose pas de tout le dossier de la procédure, n’est pas une garantie suffisante.

En revanche, durant l’instruction, l’article 100 du code de procédure pénale dans sa nouvelle rédaction ne les permet plus que pour les crimes et les délits punis de trois ans d’emprisonnement au moins, contre deux ans auparavant, mais les interceptions peuvent, en deçà, être autorisées pour les délits commis par la voie des communications électroniques sur la ligne de la victime. Le législateur aurait pu prendre conscience de la difficulté alors même qu’il a ajouté, par cette loi, un alinéa à l’article préliminaire selon lequel : “Au cours de la procédure pénale, les mesures portant atteinte à la vie privée d’une personne ne peuvent être prises, sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire, que si elles sont, au regard des circonstances de l’espèce, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l’infraction”. Pour ce qui est de la géolocalisation, elle est désormais possible pour tous les crimes et les délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, contre cinq sauf exception auparavant. En contrepartie, la mesure ne peut être autorisée durant l’enquête par le procureur que pour une durée de huit jours lorsqu’il ne s’agit pas d’un crime ou d’une infraction relevant de la criminalité organisée contre quinze auparavant. Au-delà, comme c’était déjà le cas, c’est au juge des libertés et de la détention ou au juge d’instruction d’autoriser la mesure. Une durée maximale de ces opérations est désormais fixée, à un an en droit commun et à deux ans en criminalité organisée. Ces dispositions ne seront applicables qu’à compter du 1er juin 2019.

L’article 230-46 modifie l’enquête sous pseudonyme afin d’échapper à la jurisprudence sur la loyauté de la preuve. Si cet acte sera encadré et limité “aux seules fins de constater les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques”, il permettra, entre autres, d’“acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, ou transmettre une réponse en demande expresse à des contenus illicites”. Ce nouvel article n’entrera en vigueur lui aussi que le 1er juin 2019.

Le législateur a en outre procédé à une refonte des actes d’investigation pouvant être mis en œuvre en matière de criminalité et de délinquance organisée, sous l’appellation de “techniques spéciales d’enquête”. Le législateur a unifié le régime des techniques spéciales d’enquête, avec les nouveaux articles 706-95-11 et suivants. Les modalités d’autorisation, de prolongation et de contrôle de ces mesures, telles que les sonorisations, les intrusions informatiques ou le recours aux IMSI catchers, sont unifiées. Le législateur avait souhaité rendre applicables les techniques spéciales, outre la criminalité et la délinquance organisées, pour tous les crimes, ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel compte tenu du “recours à des techniques d’enquête particulièrement intrusives pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière complexité”, sans l’assortir de garanties suffisantes (Cons. const. 23 mars 2019, préc., § 164). Il a également censuré la possibilité qui avait été prévue de permettre, en cas d’urgence, au procureur de la République d’autoriser pour vingt-quatre heures le recours à ces techniques spéciales d’enquête (§ 166). En revanche, les articles 706-95-1 et 706-95-2 permettent l’interception de correspondances électroniques stockées pour tous les crimes, en plus de la criminalité et de la délinquance organisées. Là encore, l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions est reportée au 1er juin 2019.

S’agissant de la garde à vue, outre la possibilité de la prolonger pour permettre la présentation de la personne devant l’autorité judiciaire, un nouvel article 706-112-1 du code de procédure pénale, applicable à compter du 1er juin 2019, encadre désormais la garde à vue des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle, pour permettre notamment au tuteur ou au curateur d’être avisé et d’exercer certains droits, et ce afin d’apporter une réponse à une déclaration d’inconstitutionnalité.

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