Contributeur(s)Prison Insider

Populations spécifiques

La population carcérale tunisienne compte 23 553 personnes en décembre 2016, pour une population de 11 millions d’habitants. Le taux d’incarcération est de 206. Le nombre de personnes détenues est globalement stable depuis 1996, il varie entre 21 000 et 26 000 personnes, avec un pic à 31 000 au cours du soulèvement de décembre 2010-janvier 2011.

Les autorités tunisiennes n’ont pas communiqué le taux d’occupation de ses prisons depuis novembre 2013. Il s’élevait alors à 138.9%. Il est inférieur à 100% dans les établissements pour femmes.

La surpopulation est calculée en fonction du nombre de lits et non pas en fonction de la superficie allouée à chaque personne. Dans de nombreuses prisons, le nombre de personnes excède du double la capacité prévue en nombre de lits.

Le taux d’occupation de la maison d’arrêt de Mornaguia (Tunis) est par exemple de 125.6%. Elle détient, en 2014, 6 308 personnes pour 5 021 lits1.

La séparation des prévenus et des condamnés est théoriquement prévue. Elle n’est pas appliquée faute d’infrastructures suffisantes.

La maison d’arrêt de Mornag accueille ordinairement 950 prisonniers pour 400 places, presque tous des prévenus. Il n’y a qu’une vingtaine de condamnés, qui travaillent au service général et font la cuisine ou le ménage.

Mornaguia est organisée en différents pavillons. Les prévenus et les condamnés criminels sont séparés des “terroristes”, des “VIP”, des malades et des homosexuels.

Environ un quart des personnes sont condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants (d’après la loi dite “loi 52”), dont la peine plancher est un an de prison pour consommation. Des courtes peines – entre une semaine et six mois – sont prononcées pour des infractions comme chèque sans provision, ivresse sur la voie publique ou vente d’alcool sans licence. Selon Avocats Sans Frontières, “pour trois détenus sur quatre, la raison de la détention est le soupçon ou la condamnation à des délits : le vol (31%), la consommation ou le trafic de stupéfiant (26%) et d’autres délits (17%) notamment les chèques impayés.”.


  1. Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme - Bureau de Tunisie, “La situation des prisons en Tunisie, Entre les standards internationaux et la réalité”, 2014, p.17. 

Prévenus

49,9 %

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30/12/2016
/ World Prison Brief

Les femmes représentent, en décembre 2016, 2.8% de la population incarcérée soit 661 femmes. Les infractions les plus courantes, en mars 2014, sont le vol (22%) ; les infractions relatives à la loi sur les stupéfiants (19%) ; l’adultère et la prostitution (18%).1

La Tunisie est signataire des Règles de Bangkok depuis 2011. Les restrictions d’application sont levées en 2014.

La séparation entre les femmes et les hommes est strictement appliquée. Le personnel des établissements pour femmes est exclusivement féminin.

Un seul établissement est dédié aux femmes : la prison de Manouba, proche de Tunis. Huit autres établissements comptent des quartiers spécifiques pour les femmes.

Les établissements pour femmes ont un taux d’occupation moins élevé que les établissements pour hommes. L’enfermement est également collectif, dans des chambrées d’une quarantaine de personnes. La prison de Manouba compte, en 2015, 416 personnes pour 453 places2.

Une loi de 2008 prévoit que la femme détenue enceinte ou allaitante soit incarcérée dans un espace aménagé. La surveillance doit être assurée par du personnel en tenue civile3. Les enfants accompagnant leur mère ou nés en détention peuvent demeurer dans ce pavillon jusqu’à l’âge de deux ans maximum. La prison de la Manouba est équipée d’un lieu dédié à la prise en charge des jeunes enfants. L’ONG Penal Reform International effectue, en 2016, des travaux de rénovation de cette nurserie.


  1. Penal Reform International, “Who are women prisoners? Survey results from Jordan and Tunisia”, 2014, p. 26. 

  2. OMCT Tunisie, “Rapport relatif à la mise en œuvre d’un dispositif de réclamations dans les prisons de Tunisie”, 2015, p. 7. 

  3. Loi n° 2008-58 du 4 Août 2008, relative à la mère détenue enceinte et allaitante. 

Femmes détenues

2,8 %

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30/12/2016
/ World Prison Brief

La justice des mineurs dépend du ministère de la Justice. Les établissements pour mineurs relèvent de la Direction Générale des Prisons et de la Réhabilitation, qui est également rattachée, depuis 2001, au ministère de la Justice.

La séparation entre les mineurs et les adultes est strictement appliquée.

Les mineurs sont détenus dans des centres de rééducation de mineurs délinquants. La Tunisie en compte sept en 2017. Les conditions de détention sont moins dramatiques que dans les établissements pour adultes. De graves carences en termes d’hygiène et de confort de base sont signalées.

Des activités de formation professionnelle sont prévues.

Nombre d'établissements pour mineurs

7

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Ministère de la Justice - Septembre 2017

Les étrangers n’ont pas des conditions de détention différentes des nationaux. Ils sont détenus dans les mêmes quartiers.

La condition des étrangers détenus diffère fortement selon qu’ils bénéficient ou non d’un soutien consulaire. Les ressortissants de pays occidentaux (Europe, Etats-Unis…) peuvent bénéficier de visites d’un représentant consulaire, de visiteurs de prison et d’aumônier. Ceux qui ne bénéficient pas de soutien consulaire souffrent fortement d’isolement. Il s’agit souvent de personnes originaires d’Afrique subsaharienne. Les personnes noires, tunisiennes ou étrangères, sont fréquemment victimes de racisme et de discrimination en Tunisie.

La détention des personnes en situation irrégulière en vue de leur expulsion a lieu dans les centres de garde-à-vue sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, ou dans les locaux de police notamment au sein des aéroports.

Les ressortissants binationaux sont considérés comme Tunisiens sur le territoire tunisien.

L’islam est la religion majoritaire en Tunisie. Les détenus chrétiens et juifs peuvent solliciter une assistance spirituelle extérieure pour pratiquer leur culte.

L’article 230 du code pénal criminalise l’homosexualité.

L’homosexualité est fortement stigmatisée en Tunisie. Les personnes identifiées comme homosexuelles, transsexuelles ou transgenres peuvent être regroupées au nom de leur protection. Une chambrée leur est réservée dans la maison d’arrêt de Mornaguia .

Mais cela ne les protège pas toujours des violences physiques et verbales de la part des surveillants ou des codétenus[^LGBTI].

[^LGBTI]:Coalition tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI, “Rapport sur la situation des personnes LGBTQI en Tunisie”, mai 2017, p. 17.

La loi tunisienne ne prévoit pas le statut de prisonnier politique.

L’incrimination d’appartenance à un groupe terroriste est utilisée, ces dernières années, comme motif d’arrestation d’activistes politiques. La référence à certaines infractions du code pénal telles que “l’atteinte aux bonnes mœurs”, à “la morale publique” ou à “la pudeur” sert également lors d’arrestations ciblant notamment les journalistes ou les artistes. Des journalistes sont aussi poursuivis sur la base du code pénal militaire.

Le bloggeur Yassine Ayari est condamné, en 2015, à six mois de prison ferme pour “atteinte à l’honneur de l’armée”.

Les personnes détenues pour des motifs politiques ne sont pas nécessairement séparées des détenus de droit commun.

Les personnes qui ont occupé des fonctions politiques ou d’importantes responsabilités au niveau de l’État sont détenues dans des quartiers dits “VIP”.

Les personnes accusées de terrorisme subissent des conditions de détention particulièrement dures. Elles peuvent être regroupées dans des quartiers spécifiques ou au contraire dispersées parmi les autres détenus. D’après le témoignage d’un ancien détenu : “Les personnes arrêtées pour terrorisme sont dans un coin à part. Le personnel pénitentiaire peut faire ce qu’il veut avec eux. Tout est permis.”1


  1. Crisis Group, “Réforme et stratégie sécuritaire en Tunisie”, 2015, p. 19. 

L’administration pénitentiaire ne sépare pas les personnes détenues en fonction de l’âge. Les personnes malades ou dépendantes bénéficient d’un aménagement des conditions de détention dans certains établissements, par exemple dans la maison d’arrêt de Mornaguia.

L’irresponsabilité pénale pour maladie mentale existe en droit tunisien. Les personnes reconnues pénalement irresponsables sont placées dans l’unité médico-légale de l’hôpital de Mannouba.

La présence de malades mentaux dans les prisons tunisiennes n’est pas un problème public reconnu. Les gardiens reconnaissent des problèmes relatifs à la santé mentale : suicides et tentatives de suicide, grèves de la faim et automutilations. Les soins psychiatriques sont très insuffisants. D’après une étude de 2012 d’Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM), la prise en charge dans les couloirs de la mort se limitent à une “camisole chimique” avec des produits psychotropes.