Contributeur(s)APADOR-CH (The Helsinki Committee) et Prison Insider

Populations spécifiques

La population carcérale diminue entre 2014 et 2016 passant de 30 156 personnes détenues à 27 600 (au 20.12.16)

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne régulièrement la Roumanie pour le surpeuplement de ses prisons, l’un des problèmes majeurs du système carcéral roumain. Le Comité des ministres confirme l’adoption, en 2012, de mesures visant à résoudre ce problème. Le gouvernement roumain est également aidé, depuis 2014, par des experts internationaux1.

Des réformes, entrées en vigueur le 1er février 2014, établissent un nouveau Code pénal, un nouveau Code de procédure pénale, ainsi que des nouvelles lois concernant les peines de probations, les peines privatives et les peines non privatives de liberté.

Ces réformes contiennent également des mesures visant à augmenter la capacité d’accueil et à améliorer les conditions de détention.

L’APADOR-CH signale, pour autant, en septembre 2015, que les détentions provisoires sont significativement préférées aux autres mesures alternatives à la privation de liberté (7.6% des prisonniers sont des détenus provisoires). La durée moyenne de la détention provisoire serait de 25 mois, pour une moyenne européenne de 9 mois.


  1. Le Fond fiduciaire pour les droits de l’homme (HRTF) finance la mise en œuvre des arrêts pilotes, ‘quasi-pilotes’ ou révélant des problèmes systémiques et structurels dans le domaine de la détention préventive et la mise en place de solutions pour faire face aux mauvaises conditions de détention (Projet n°18 de l’HRTF). 

Prévenus

7,6 %

Le nombre de femmes détenues augmente entre 2010 et 2016, passant de 1 273 à 1 413. Le pays dispose d’une prison pour femmes, à Târsgor et de quartiers réservés dans sept autres établissements.

La prison de Târsgor est éloignée de toute ville et héberge la moitié des prisonnières roumaines (706). De nombreuses femmes ne veulent pas y être envoyées au regard de la difficulté d’y maintenir des liens familiaux. Une visite à la prison requiert un séjour d’une nuit dans un hôtel à Ploiesti, ce que peu de familles peuvent assumer financièrement. Les colis postaux ne sont pas autorisés. Les femmes peuvent recevoir des colis uniquement à l’occasion des visites. Elles peuvent acheter les produits disponibles au « magasin » de la prison.

Les femmes enceintes bénéficient, théoriquement d’un régime alimentaire approprié, tel que recommandé par le médecin de la prison. Elles sont envoyées à l’hôpital pénitentiaire (notamment celui de Rahova) 30 jours avant la date estimée de l’accouchement. Les textes prévoient aussi le droit d’accoucher dans un hôpital général. Une pouponnière, équipée de deux chambres, d’une cuisine, d’une salle de bain et d’une cour existe à la prison de Târsgor. Chaque pièce est spacieuse et dispose de tapis, de lits et de berceaux, de jouets et de tables à langer. Un bouton d’alerte peut être activé en cas d’urgence. Un médecin visite la pouponnière régulièrement.

Les mères peuvent garder leur bébé auprès d’elles dans la prison ou dans l’hôpital pénitentiaire jusqu’à ses 12 mois. Les enfants peuvent ensuite rendre visite à leur mère une fois par semaine. Un parloir spécial pour les enfants est équipé de jeux et de livres. Les mères peuvent être en contact physique avec leur enfant. Ce dispositif est uniquement disponible à la prison de Târsgor.

Une femme dirige l’établissement de Târsgor. Aucun homme n’est employé dans les quartiers pour femmes des autres établissements à des postes en contact direct avec les prisonnières. Un gynécologue exerce dans les locaux médicaux de la prison de Târsgor1.


  1. APADOR-CH, Rapport de visite de la prison de Codlea, 4 mars 2016 (à consulter en anglais ou en roumain) 

Femmes détenues

5 %

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29/02/2016

Le Code pénal fixe à 14 ans l’âge minimum pour encourir une peine d’incarcération. Le manque de discernement est présumé, sans exception, entre 14 et 16 ans.

Les enfants âgés de 14 à 18 ans représentent, en 2015, 1.2% de la population carcérale. Les jeunes gens âgés de 18 à 21 ans, au nombre de 826, représentent 4.25% de la population carcérale. Ils sont incarcérés avec les mineurs.

Deux centres de détention (Craiova, Tichilesti) et deux centres scolaires (Buzias, Targu Ocna) hébergent les jeunes détenus âgés de 14 à 21 ans. Les centres de détention sont réservés aux mineurs condamnés à des peines de 2 à 15 ans. Les enfants condamnés à des peines de 1 à 3 ans sont envoyés vers un centre scolaire.

Les enfants ne peuvent pas être condamnés à perpétuité. Ils encourent alors des peines de 5 à 15 ans.

88% des infractions perpétrées par les jeunes détenus âgés de 16 à 18 ans sont liées à des atteintes à la propriété, principalement des vols simples ou des vols à main armée.

Les programmes scolaires sont établis par le ministère de l’Education et sont obligatoires pour les mineurs en détention. Ces derniers ont également accès à des activités telles que l’éducation civique, le sport, le théâtre et l’assistance morale et psychologique (le programme “Vivre derrière les barreaux” à Craiova par exemple). Il y a cependant une pénurie de personnel médical et socio-éducatif.

Le centre scolaire de Buzias dispose de quartiers différents pour les filles, les jeunes souffrant de problèmes comportementaux et ceux dont le comportement ne pose pas de problèmes.

Des bureaux d’information sont accessibles aux enfants. Ils peuvent y vérifier les dates d’audiences, l’état de leurs comptes bancaires, leurs situations légales, etc. Des cabines téléphoniques et des boites aux lettres permettant de maintenir le contact avec les familles et le monde extérieur. Les résidents du centre scolaire de Buzias peuvent recevoir des appels de leurs parents deux jours par semaine, de 7h30 à 19h30.

Les jeunes gens incarcérés dans les centres scolaires peuvent s’adresser à un juge et lui soumettre leurs requêtes pour faire valoir leurs droits (loi n°254/2013 sur l’application des peines privatives de liberté).

L’APADOR-CH visite, le 14 mars 2014, le centre de détention de Craiova et , le 5 juin 2014, le centre scolaire de Buzias.

Mineurs détenus

1,2 %

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29/03/2016
/ ICPR

Le nombre d’étrangers incarcérés en Roumanie augmente entre 2014 et début 2016 passant de 0.6% à 1%. Ils sont principalement de nationalité turque, moldave et italienne.

Les étrangers ne sont pas séparés des autres prisonniers et doivent obéir aux mêmes règles. La majorité des étrangers qui commettent des infractions répondent de la loi sur les étrangers (article 91, amendement 113/2005), selon laquelle ils reçoivent un ordre d’expulsion et sont maintenus en détention par la police roumaine de 30 jours à 2 ans.

Entrer ou sortir du pays en franchissant illégalement la frontière est puni de 3 mois à 2 ans d’emprisonnement1.

Étrangers détenus

1 %

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29/02/2016
/ ICPR

Les Hongrois de Roumanie (une minorité de deux millions d’habitants) et les Roms sont surreprésentés et discriminés dans les prisons roumaines. Des prisonniers, au nombre de 1 031 (3.6%), fin 2014, appartiennent à la population Rom. Les Hongrois représentent plus de 20% de la population carcérale dans les prisons de Târgu Mures, Codlea et Miercura Ciuc.

L’ethnie n’est pas prise en compte pour l’attribution des cellules aux prisonniers1.

La discrimination peut prendre la forme de comportements racistes, de harcèlement ou de restrictions concernant la langue : les prisonniers n’ont pas le droit de parler hongrois. Aucune chaîne de télévision, ni aucune station radiophonique, aucun professeur, prêtre ou assistant psychologique ne sont accessibles en langue hongroise. Les lettres aux familles doivent être écrites en roumain.

A l’échelle du pays, la principale minorité religieuse est le catholicisme rom (4.5%). Seuls les prêtres orthodoxes reçoivent des subventions pour officier en prison. Les représentants d’autres confessions peuvent intervenir, sans soutien financier particulier. Les catholiques ou autres minorités religieuses telles que les protestants, les musulmans, les Témoins de Jehova ou les juifs, incarcérés dans les prisons de Arard, Timiora et Craiova, ne peuvent pas bénéficier de services religieux2.


  1. Le Comité contre la torture examine le rapport de la Roumanie, 24 avril 2015 

  2. APADOR-CH, Rapport de visite de la prison de Timioara, 6 novembre 2013 (à consulter en anglais ou en roumain) 

Être une personne lesbienne, gaie, bisexuelle, transexuelle ou intersexe (LGBTI) est légal mais les discriminations demeurent problématiques. Un sondage commandé par le Conseil national contre la discrimination (CNCD) révèle, en septembre 2015, que les personnes LGBTI sont le quatrième groupe le plus discriminé dans le pays.

L’association ACCEPT transmet, le 18 janvier 2015, un rapport intitulé “Le traitement des personnes LGBT privées de liberté : les risques de mauvais traitement” au Sous-comité pour la prévention de la torture. ACCEPT indique que “les enjeux concernent le manque de suivi et de prélèvement de données (dernier suivi en 2007), les trous dans le système législatif (principalement concernant le lien entre genre et expression), la faible proportion des victimes se déclarant et les enquêtes inadéquates des plaintes, le manque de formation des acteurs étatiques, l’incapacité des personnes transsexuelles à choisir avec quelle population carcérale elles seront détenues et le refus d’accès aux traitements hormonaux pour les personnes transsexuelles”.

Le Code éthique du personnel carcéral interdit toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle. En pratique, les gardiens ignorent souvent les abus sexuels.

Les personnes âgées ne bénéficient pas de programmes spécifiques. Elles ne sont pas détenues dans des quartiers dédiés.

Deux articles du Nouveau code pénal concernent les prisonniers âgés. Ceux-ci peuvent bénéficier d’une remise de peine ou d’une exemption de perpétuité.

  • Si le prévenu est âgé de 65 ans ou plus à la date du jugement, la réclusion criminelle à perpétuité sera remplacée par une peine de prison de 30 ans et la perte de certains droits pour la durée maximum de la peine.

  • Si le prévenu atteint ses 65 ans durant sa peine à perpétuité, la peine sera remplacée par 30 ans de prison et la perte de certains droits pour la durée maximum de la peine (article 57) s’il a fait preuve d’un bon comportement et s’est plié à toutes ses obligations civiles.

Il existe six hôpitaux pénitentiaires et cinq ailes psychiatriques présentes en détention. L’hôpital pénitentiaire de Jilava possède un service réservé aux maladies graves. L’hôpital pénitentiaire de Colibaşi dispose d’un quartier pour les patients souffrants de maladies chroniques et celui de Rahova d’un quartier dédié à la désintoxication. L’hôpital pénitentiaire de Portua Alba possède un service pour les maladies graves et un autre pour les patients souffrants de maladies chroniques.

Le nombre de prisonniers souffrant de troubles mentaux est élevé. Ils ne sont pas diagnostiqués, sauf en cas de troubles mentaux sévères. Le code pénal ne prévoit pas le prononcé de peines de prison pour ces personnes et recommande l’hospitalisation dans des hôpitaux psychiatriques externes.

85 des 390 lits de l’hôpital de Jilava sont réservés aux personnes souffrant de maladie mentale. La loi interdit les traitements réalisés contre la volonté du patient. La personne détenue n’est pas prise en charge quand elle refuse le traitement proposé en prison. Le suivi psychiatrique après la libération est inexistant.

Aucun équipement particulier n’est conçu pour les personnes détenues handicapées physiques.

Dix-huit prisonniers ont été dispensées de peine, en 2015, pour des raisons médicales, selon l’Administration pénitentiaire nationale (APN).