Contributeur(s)Jean-Claude Bernheim / Prison Insider

L’intégrité physique

Le parlement abolit, le 14 juillet 1976, la peine de mort pour les civils, par 130 voix contre 124. Le nombre des condamnations à mort s’élève, entre 1867 (année de constitution du Canada) et 1962, à 1481. Celui des exécutions est de 710. La dernière mise à mort date du 11 décembre 1962.

La probabilité d’être exécuté s’élevait, pour un même crime, à 21 % pour un blanc et à 96 % pour un autochtone. Les francophones étaient, au Québec, plus souvent condamnés à la peine capitale que les anglophones.

La Chambre des communes d’Ottawa se prononce, le 30 juin 1987, sur un projet de loi visant à rétablir la peine de mort. Il est rejeté par 148 voix contre 127.

La peine de mort est abolie, le 10 décembre 1998, pour les crimes militaires.

Nombre d’exécutions capitales

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L’administration fédérale (Service correctionnel du Canada - SCC) enregistre, entre 2004 et 2014, 519 décès de prisonniers. Ils sont 380 à décéder, pour la même période, sous la responsabilité des administrations provinciales et territoriales.

Les pénitenciers (établissements relevant du SCC) connaissent, parmi ces décès, 88 suicides et les prisons provinciales 93. Les homicides sont au nombre de 23 dans les établissements du SCC et de cinq dans les prisons provinciales. Les taux de suicide et d’homicide sont nettement plus élevés en milieu correctionnel, particulièrement au sein du SCC, que dans la population en général. Le lien entre les conditions de détention et le taux de suicide est connu : pires sont les conditions de détention, plus le taux de suicide est élevé.

Les autres causes de décès sont les morts naturelles, les décès accidentels, les interventions légales (décès causé par un agent dans le cadre de ses fonctions) et les décès “inexpliqués”.

Les morts naturelles sont, en 2015/2016, au nombre de 63 dans les pénitenciers du SCC. Le vieillissement de la population explique en partie ce nombre.

Nombre de décès

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Les agressions sexuelles augmentent en raison de la surpopulation carcérale. Il est difficile d’en déterminer le nombre.

Les agents correctionnels recourent à la force, en 2015-2016, 1 143 fois dans les établissements du Service correctionnel du Canada (SCC). Ils utilisent principalement des agents inflammatoires organiques et des aérosols poivrés. Un agent poivré est utilisé dans plus de la moitié des 157 cas de recours à la force impliquant un prisonnier s’automutilant.

L’isolement cellulaire est sur la sellette depuis le début des années 1970. C’est à cette période que, pour la première fois, une contestation judiciaire donne lieu à un jugement concluant : “les conditions de détention dans l’aire d’isolement constituent une peine cruelle et inusitée contrevenant ainsi à l’art. 2 de la Déclaration canadienne des droits” (McCann v. The Quenn).

Le lien entre la mise à l’isolement et le suicide est reconnu, dès 1981, par le SCC : “Les taux de suicide sont beaucoup plus élevés dans les secteurs d’isolement que dans les cellules ordinaires”.

L’Enquêteur correctionnel souligne, en 2014, qu’“un nombre disproportionné de détenus s’enlèvent la vie dans une cellule d’isolement, comparativement aux cellules réservées à la population carcérale générale1. Il note, dans un rapport publié en 2015, que la durée moyenne du séjour en isolement, sur l’année 2014-2015, est de 27 jours2. Les hommes connaissent pour 26 % l’isolement, quand plus de 46% des femmes y sont placées au moins une fois.

Le SCC, conscient des effets néfastes de l’isolement sur les prisonniers, ne se prive pas d’en faire usage.

Il y a, en août 2016, 370 personnes à l’isolement. Elles étaient, dans les années précédentes, 700 à 800 en moyenne par jour. 247 prisonniers ont passé, au début de l’année 2015-2016, 120 jours et plus en isolement. Ils étaient 498 l’année précédente. Il y a, le 15 mai 2017, 404 personnes à l’isolement, soit 2,8 % de la population carcérale. Parmi elles, 224 y sont depuis plus de 16 jours et 22 depuis plus de 100 jours.

Ces chiffres montrent un recours un peu moins systématique à l’isolement. Un porte-parole du SCC déclare : “Tous les établissements respectent la loi et les politiques relatives à l’isolement préventif et veillent à ce que toutes les solutions de rechange viables au placement en isolement préventif aient été examinées”.

Un juge de l’Alberta rend, le 9 août 2016, une décision (2016 ABQB 440) se référant aux Règles Mandela, que le gouvernement du Canada n’a toujours pas adoptées. Il ordonne au SCC “la libération immédiate de l’isolement et leur retour dans la population générale” de trois personnes détenues. Il constate que le SCC ne respecte pas la réglementation. Un des prisonniers a passé 822 jours en isolement dont deux périodes de 383 et de 291 jours.

Une prudence commence à se manifester dans les systèmes correctionnels. Elle tient certainement au fait que des recours sont formulés par plusieurs prisonniers. La British Columbia Civil Liberties Association et la Société John Howard du Canada entreprennent conjointement, en janvier 2015, un recours visant au respect de la norme onusienne en matière d’isolement cellulaire par le SCC3.

Des sanctions disciplinaires sont prononcées, durant l’année 2014/2015 dans les prisons provinciales du Québec, contre 12 919 prisonniers. Ils purgent, en totalité, 31 765 jours d’isolement dans leur cellule. 2 740 personnes sont incarcérées dans un quartier d’isolement pour un total de 9 380 jours, dont la durée maximale est de 35 jours.

Quelques 575 prisonniers sont détenus, dans les prisons provinciales de l’Ontario, en isolement chaque jour. Ils représentent 7 % de la population carcérale. Adam Capy, un autochtone, passe 1 591 jours consécutifs “dans une cellule, avec une plaque de Plexiglas sur tout le devant, sous des lumières éblouissantes qui brouillaient sans cesse toute distinction entre nuit et jour4. Un recours collectif contre les services correctionnels est formulé, concernant des milliers de personnes détenues depuis 1985.


  1. Enquêteur correctionnel, Examen triennal des suicides de détenus sous responsabilité fédérale, 2011-2014, p°7 

  2. Enquêteur correctionnel, L’isolement préventif et le système correctionnel fédéral, 2015 

  3. Consultez le texte du recours (en anglais). Un recours collectif est également entamé au Québec, par une femme détenue au pénitencier de Joliette. 

  4. Pour un portrait de la situation dans la province de l’Ontario : Les oubliés de la surveillance, L’isolement en Ontario et Solitary Confinement (en anglais). 

Aucun cas de détention arbitraire ou secrète n’est à signaler.