Contributeur(s)Prison Insider

Populations spécifiques

L’administration pénitentiaire publie des données chiffrées tous les trois ans.

Les personnes détenues sont au nombre de 27 997 personnes en 2016. Le taux d’incarcération est de 115 pour 100 000 habitants (sur une population de 24 millions d’habitants).

Le nombre de personnes détenues augmente depuis 2002. Le taux d’incarcération, au contraire, diminue depuis 2005 car la croissance démographique est supérieure à la croissance du nombre de personnes emprisonnées.

Le taux d’occupation global est, en 2016, de 163.8 %. Il varie, en revanche, d’une prison à l’autre. Certaines prisons affichent des taux d’occupation très élevés. La prison de Douala, prévue pour accueillir 800 personnes, en accueille 5 000, ce qui représente un taux d’occupation de 625 %. Celle de Yaoundé, en 2016, présente un taux d’occupation de 400 %. La prison centrale de Maroua héberge généralement plus de 200 % de sa capacité d’accueil.

Les prisons des régions anglophones (nord ouest) affichaient des taux d’occupation moins élevés, généralement inférieurs à 100 % dans les années 2010.

La surpopulation est plus ou moins forte d’un quartier à l’autre au sein d’une même prison. Les quartiers 8 et 9 de la prison centrale de Yaoundé, par exemple, abritent le plus de détenus.

55,8 % des personnes sont, en janvier 2016, en détention provisoire, notamment à cause de la lenteur du système judiciaire. Les périodes de détention provisoire dépassent souvent la durée légale1. Les prévenus ne sont pas séparés des condamnés. La majorité de la population de nombreux centres de détention, comme celui de Maroua, est en attente de jugement.

Les personnes détenues sont réparties dans les prisons et les quartiers selon plusieurs logiques. A la prison centrale de Douala, par exemple, les personnes sont séparées selon certaines catégories : mineurs ou majeurs, hommes ou femmes, personnes du 3e âge, condamnés à mort, malades contagieux…

Les prisonniers sont pour la plupart issus des couches les plus défavorisées de la société.


  1. rticle 221 du code de procédure pénale : “La durée de la détention provisoire est fixée par le Juge d’Instruction dans le mandat. Elle ne peut excéder six (6) mois. Toutefois, elle peut être prorogée par ordonnance motivée, au plus pour douze (12) mois en cas de crime et six (6) mois en cas de délit.” 

Prévenus

55,8 %

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Janvier 2016 - World Prison Brief

Les femmes détenues sont, au 31 décembre 2015, au nombre de 697 (2.5 % de la population carcérale) . 61 % des femmes sont en attente de jugement1.

La loi prévoit la séparation effective des hommes et des femmes.En pratique, des circulations, des transactions sexuelles et sans doute des violences ont lieu. Deux établissements leur sont exclusivement réservés.

Les femmes détenues peinent à maintenir des liens familiaux. Elles reçoivent généralement moins de visites que les hommes.

Les femmes incarcérées sont majoritairement des mères de famille : 80 % ont au moins un enfant. La plupart d’entre elles sont célibataires. Elles demeurent une source de revenus pour le foyer, malgré leur détention. Un grand nombre de femmes fabrique des objets destinés à la vente. Cela leur permet d’envoyer de l’argent à leur famille.

Les femmes ne bénéficient pas d’un régime de détention en accord avec leurs besoins spécifiques. Gaelle, emprisonnée à la prison centrale de Douala en 2016, raconte qu’en période de règles, elle utilise du papier toilettes en guise de protection hygiénique. Elle est obligée de se changer au moins six fois par jour.

Les autorités pénitentiaires subviennent rarement aux besoins nutritionnels accrus des femmes enceintes et allaitantes. Les nouveau-nés sont parfois mis au monde en prison dans des conditions d’hygiène précaires. Le personnel ne dispose pas toujours des connaissances médicales nécessaires.

Les nourrissons peuvent rester avec leurs mères jusqu’à 18 mois. Ils ont droit à des soins médicaux, à de l’eau et à de la nourriture. Le Relais Enfants-Parents les conduit une fois par mois à l’hôpital pour des soins de santé primaire.

Les mères et enfants doivent, à cause de la surpopulation, partager leur cellule avec d’autres adultes, parfois des hommes. Ils sont plus vulnérables aux mauvais traitements.

Femmes détenues

2,5 %

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31/12/2015
/ Ministère de la Justice

La justice pour mineurs dépend du ministère des Affaires sociales.

L’âge de responsabilité pénale est fixée à 12 ans. La majorité pénale est atteinte à 18 ans. Des enfants de moins de douze ans sont régulièrement placés en détention. Des cas de détention de mineurs âgés de cinq ans sont signalés (voir rubrique “Détention Arbitraire.

Les mineurs en détention sont, au 31 décembre 2015, au nombre de 823. 82.4 % d’entre eux sont en attente de jugement. La durée moyenne de détention provisoire est de 199,2 jours et peut aller jusqu’à deux ans.

Les mineurs et les adultes sont le plus souvent séparés, conformément au code pénal. Quelques établissements leur sont exclusivement dédiés. Ils peuvent également être placés dans des quartiers pour mineurs, à l’intérieur d’établissements pour adultes. Ils interagissent avec les adultes, notamment dans les couloirs. Les cas d’abus physiques ou sexuels ou le trafic sont rendus possibles par cette porosité.

Le code de procédure pénale ne prévoit aucune mesure alternative à la privation de liberté pour les mineurs en conflit avec la loi. Ils ne bénéficient pas d’accompagnement une fois libérés. Leur régime de détention s’apparente à celui des adultes. Ils sont retirés du système scolaire. Des intervenants extérieurs assurent, dans certaines prisons, des formations académiques pour pallier à ce retrait. A la prison centrale de Yaoundé, des ONG organisent des sorties et fournissent un accompagnement social ou administratif.

Mineurs détenus

2,9 %

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31/12/2015
/ Ministère de la Justice

Les étrangers représentent 3.1% de la population carcérale en 2014. Ils sont au nombre de 1 511 (5,4%) au 31 décembre 2015. Ils viennent des pays voisins (par exemple du Tchad, République centrafricaine). Ils sont donc souvent coupés de leurs proche. Dans l’extrême nord, les étrangers peuvent être assimilés à des combattants de Boko Haram.

Étrangers détenus

5,4 %

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31/12/2015
/ Ministère de la Justice

Le code pénal sanctionne les rapports sexuels entre personnes de même sexe de six mois à cinq ans de prison et d’une amende de 20 000 à 200 000 francs CFA (30 à 300 euros)1. La transsexualité et l’intersexualité sont également non reconnues et réprimées.

Un homme est condamné, en septembre 2014, pour homosexualité. Les motifs retenus sont sa profession, coiffeur pour hommes, et son penchant pour le Baileys, une “boisson pour filles”.

Les menaces à l’encontre personnes identifiées comme LGBTI se sont multipliées depuis 2010.

Les défenseurs des droits des personnes LGBTI sont régulièrement victimes d’entraves à leur action, de chantages et de persécutions pouvant aller jusqu’à la détention arbitraire et à la mort violente.


  1. Le salaire moyen mensuel au Cameroun est d’environ 80€. 

Des journalistes sont régulièrement détenus au nom de la lutte contre Boko Haram.

Simon Ateba, un journaliste camerounais, est arrêté, le 28 août 2015, dans le camp de réfugiés de Minawao, dans le nord du pays. Il est détenu pendant quatre jours par les gendarmes. Le journaliste, venu enquêter sur les conditions de vie des réfugiés nigérians, est accusé d’espionnage pour le compte du groupe Boko Haram.

Ahmed Abba, un correspondant de Radio France Internationale, est arrêté à Maroua le 30 juillet 2015. Il est maintenu en détention au secret pendant plus de trois mois. Il est condamné à dix ans de prison par le tribunal militaire de Yaoundé pour non-dénonciation et blanchiment du produit d’un acte terroriste.

L’opération “Epervier” est mise en place, depuis 2006, pour lutter contre les cas de corruption. Elle conduit à l’incarcération de nombreux dirigeants et hommes politiques. Certains d’entre eux dénoncent une instrumentalisation de la lutte contre la corruption pour les tenir à l’écart des élections notamment présidentielles.

Les personnes âgées ne bénéficient pas d’un régime de détention particulier.

Elles sont parfois séparées du reste de la population carcérale ou placées dans un local spécifique, au milieu d’un quartier surpeuplé.

Les personnes handicapées mentales sont le plus souvent séparées des autres détenus. Elles ne sont pas toujours placées dans des établissements dédiés par manque de place. A la prison centrale de Yaoundé, une ancienne buanderie est reconvertie en quartier pour les personnes dites “folles”.

Les prisons ne sont pas adaptées aux handicaps physiques.