Belgique
Capitale — Bruxelles
Taux d'incarcération (pour 100 000 habi…
i01/03/2024Population du pays
i01/01/2023/ Conseil de l'Europe, Rapport SPACE I 2023, tableau 3.Nature du régime
Indice de développement humain
0,937(13/190)
Taux d'homicide (pour 100 000 habitants)
i2020Ministère(s) en charge de l'administrat…
Nombre de personnes incarcérées
i01/03/2024Durée moyenne de détention (en mois)
i2022/ Conseil de l'Europe, Rapport SPACE I 2023, tableau 31.Taux d'occupation
114,6 %La Belgique est l…
i06/2024/ Conseil de l’Europe, SPACE I – Rapport 2023, p. 18.Nombre d'établissements
39La première pierr…
i20/02/2024/ Régie des BâtimentsUn MNP est créé
oui, en 2024Le Parlement fédé…
i04/04/2024/ CCSPFemmes incarcérées
i31/01/2023/ Conseil de l'Europe, Rapport SPACE I 2023, tableau 7a.Mineurs incarcérés
i2021/ Conseil de l’Europe, SPACE I - Rapport 2021, 19 avril 2022, p. 44, table 7.Pourcentage de personnes en détention p…
i31/01/2023/ Conseil de l'Europe, Rapport SPACE I 2023, tableau 8.La peine de mort est abolie
Garanties
Admission et évaluation
Toutes les personnes détenues sont admises en prison avec un ordre d'incarcération valable
Les personnes détenues sont en mesure d’informer sans délai un proche de leur détention
Chaque détenu peut passer sans frais un appel national ou international de trois minutes dans les 24 heures suivant son entrée en prison (Loi de principes, article 64).
Des quartiers arrivants sont présents
dans certaines prisons
Certaines prisons ont des quartiers arrivants avec des cellules ou des salles d’attente. Dans d’autres, le détenu est placé dans le couloir ou dans une salle pendant quelques heures avant d’être placé dans une cellule ordinaire.
Un exemplaire du règlement intérieur est mis à disposition des personnes détenues
oui
Un exemplaire du règlement intérieur doit être mis à la disposition des personnes détenues (Loi de principes, article 16).
“Lors de son accueil, le détenu sera informé de ses droits et de ses devoirs, des règles en vigueur dans la prison ou dans la section, du rôle du personnel ainsi que des possibilités existant sur place ou accessibles à partir de là en matière d’aide médicale, juridique, psychosociale et familiale, en matière de soutien moral, philosophique ou religieux ainsi qu’en matière d’aide sociale” (article 19).
Le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) note qu’aucun système de critères d’affectation en cellule n’est mis en place en raison de la surpopulation. Il indique qu’il s’agit d’un jeu d’équilibre : le placement se fait en fonction des places disponibles et du rapprochement familial. La direction essaie également de prendre en compte certains critères tels que les relations entre codétenus et la séparation des fumeurs et des non-fumeurs.
Ces critères ne sont pas applicables aux personnes détenues considérées comme “radicalisées” (voir section Sécurité, ordre et discipline).
La Loi de principes dispose que la personne condamnée doit avoir la possibilité de réaliser un plan de détention individuel axé sur la réparation et la réinsertion (article 9). Ce plan contient des propositions d’activités auxquelles les personnes détenues pourront participer : travail, éducation ou formation, programmes de soutien psychosocial ou de traitement médical ou psychologique (article 38). Ce plan peut être adapté au cours de la détention (article 39). Chaque personne détenue doit rencontrer un membre du service psychosocial (SPS) dans les quatre jours qui suivent son arrivée. Son rôle est d’expliquer à la personne comment faire appel à une aide sociale, psychosociale, juridique et familiale.
Le CCSP constate que le plan de détention individuel n’est presque jamais élaboré.1 Des organisations de la société civile notent qu’en pratique l’administration n’a pas les moyens de mettre en œuvre ces dispositions. Le personnel du SPS est très souvent débordé, notamment en raison du grand nombre de dossiers à sa charge. Certaines prisons connaissent de longs délais de procédures.2 Le CCSP note que le personnel des prisons de Jamioulx et de Ypres manque d’informations sur les plans de détention individuels. Plusieurs établissements offrent peu d’opportunités de travail et de formation.3
Conseil central de surveillance pénitentiaire, “Rapport annuel 2022 de la Commission de Surveillance de Saint-Hubert”. ↩
Concertation des associations actives en prison, Adeppi, Centre d’action laïque, I.Care, Ligue des familles, Sireas, “La loi de principes : quand la théorie juridique rencontre les réalités carcérales”, 2022, pp. 14-15. ↩
Conseil central de surveillance pénitentiaire, “Rapport annuel 2020”, 2021, pp. 52 et 57. ↩
Accès aux droits
Le recours à un avocat est autorisé à tout moment de la détention
Toute personne détenue a droit à l’aide juridictionnelle. Chaque établissement dispose d’un registre qui lui permet de contacter un avocat (par téléphone, lettre ou visite).
Un point d’accès au droit est à disposition des personnes détenues
dans certains établissements
Des organisations sont présentes, dans certaines prisons, pour aider les détenus à résoudre leurs problèmes juridiques. Il s’agit d’une compétence des Communautés et l’offre peut varier d’un établissement à l’autre.
La Loi de principes indique que l’assistance et l’aide juridique doivent être fournies dans des conditions matérielles qui garantissent la confidentialité de l’entretien. Une salle doit être mise à disposition à cette fin. La durée est déterminée après concertation avec la direction de l’établissement (article 104). Seule une surveillance visuelle peut être exercée pendant l’entretien. La direction doit informer immédiatement le bâtonnier de l’Ordre des avocats de l’arrondissement où la prison est située si elle considère que la visite de l’avocat pourrait compromettre gravement la sécurité. Elle peut interdire provisoirement à l’avocat d’accéder à l’établissement dans l’attente d’une décision du bâtonnier (article 67).
Certaines commissions de surveillance font état de manquements. La Commission centrale de Louvain relève que le manque d’installations pour les entretiens individuels empêche le respect de la confidentialité entre les personnes détenues et leurs avocats.1
Conseil Central de Surveillance Pénitentiaire, “Rapport annuel 2020”, 2021, p. 36. ↩
-
Les avocats et services externes rendent visite aux personnes détenues à la prison de Haren dans des pièces séparées, au nombre de trente. Le temps d’attente entre l’arrivée des avocats et services externes et celle de la personne détenue au parloir est important.
Intégrité physique
Les décès en détention sont consignés sur un registre
Nombre de décès en détention
50
Évolution du nombre de décès
augmentation
Le nombre de décès augmente de 163,16 % entre 2021 (19)1 et 2022 (50).
Conseil de l’Europe, Rapport SPACE I 2022, table 28. ↩
Nombre de décès attribués à un suicide
16
Le groupe de Concertation des associations actives en détention (CAAP) s’intéresse aux suicides dans les prisons du pays entre 2000 et 2016. Il constate que le taux de suicide en prison est huit fois plus élevé que dans le reste de la population belge. Parmi les personnes détenues décédées de suicide, 87 % connaissaient des problèmes psychologiques. Plus de la moitié avait déjà fait une tentative de suicide. Un suicide sur cinq a eu lieu au cours du premier mois de détention, et un sur deux au cours des six premiers mois. La moitié ont eu lieu entre 21 heures et 6 heures du matin, quand la présence du personnel est réduite. La grande majorité des suicides (90 %) se fait par pendaison, soit la méthode dite la plus “accessible”.1
Concertation des associations actives en prison, “Suicide et détention”, 2019, pp. 8 et 13. ↩
Évolution du nombre de décès attribués à un suicide
augmentation
Le nombre de décès attribués à un suicide augmente de 60 % entre 2021 (10)1 et 2022 (16).
Conseil de l’Europe, Rapport SPACE I 2022, table 28. ↩
Taux de mortalité en détention (pour 10 000 prisonniers)
44,7
Taux de suicide en détention (pour 10 000 prisonniers)
14,3
Taux de suicide dans la population nationale (pour 10 000 habitants)
1,8
L'administration est tenue d’informer l’autorité judiciaire
-
Des observateurs font état de cas fréquents de décès suspects. Les proches intentent rarement des poursuites judiciaires contre l’administration.
La direction de l’établissement est tenue de veiller à ce que la personne désignée par le détenu (ou ses proches, son tuteur ou son administrateur) soit immédiatement informée lorsque le détenu décède ou est en danger de mort (Loi de principes, article 95).
La dépouille d’une personne détenue décédée doit être remise dans les plus brefs délais à sa famille. Le délai peut être rallongé en cas de mort suspecte afin de réaliser une autopsie. La Ligue des droits humains (LDH) est informée que la dépouille est parfois placée dans une pièce neutre et équipée pour recevoir la famille.
Des politiques de prévention du suicide sont mises en œuvre
non
Certaines mesures sont néanmoins mises en place. Les personnes détenues souffrant de troubles psychiques en crise aiguë et/ou présentant un risque sérieux de suicide peuvent être placées :
- en cellule d’isolement
- en cellule sécurisée
- en contention mécanique
- sous médication obligatoire, avec l’accord de deux médecins, suivi d’un examen médical, généralement par un psychiatre, toutes les 24 heures.1
La Belgique est condamnée par la Cour européenne de droits de l’Homme (CEDH) en 2020 (Jeanty c. Belgique). L’affaire concerne une personne atteinte de troubles psychiques qui avait tenté de se suicider à plusieurs reprises à la prison d’Arlon. La Cour juge que M. Jeanty a été soumis à une détresse ou à des épreuves d’une intensité dépassant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Elle évoque les raisons suivantes : le manque d’encadrement, le manque de suivi médical pendant ses deux périodes de détention et le placement en cellule d’isolement pendant trois jours après plusieurs tentatives de suicide.
Comité européen pour la prévention de la torture des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), “Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le CPT du 27 mars au 6 avril 2017”, 8 mars 2018, no 86, p. 41. ↩
Des allégations de violences sont signalées. Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) souligne, en 2017, des allégations de mauvais traitements physiques sur des hommes détenus à Leuze-en-Hainaut et à Saint-Gilles. Il est fait état de coups de poing, de pied et/ou de genou, notamment lors de fouilles de cellules ou de fouilles à corps lors d’un placement en cellule disciplinaire. Ces violences auraient été infligées de manière injustifiée par certains agents pénitentiaires, selon les témoins. Certaines de ces allégations sont corroborées par des examens médicaux. La délégation du CPT évoque un enregistrement vidéo, à la prison de Saint-Gilles : un agent pénitentiaire donne un coup de pied violent à une personne détenue n’offrant aucune résistance. Ces allégations concernent des agents pénitentiaires en contact direct avec les détenus, dont un chef d’équipe. Les témoins soulignent que d’autres agents présents au moment des faits sont intervenus pour faire cesser les violences. Aucun signalement aux autorités compétentes n’aurait eu lieu. Un certain nombre de personnes détenues à Bruges, Lantin, Leuze-en-Hainaut et Saint-Gilles, signalent des remarques provocantes et des insultes de la part d’agents. Certaines d’entre elles auraient eu une connotation raciste.1
La justice condamne, en mars 2019, 14 surveillants de la prison de Forest (fermée depuis novembre 2022) pour avoir infligé des traitements inhumains et dégradants à des personnes détenues. Les faits ont eu lieu entre 2014 et 2015. Certaines victimes étaient atteintes de troubles psychiques. Elles ont été victimes de coups, blessures, harcèlement et mauvais traitements.
Le CPT visite à nouveau la Belgique en 2021 et rapporte n’avoir reçut aucune allégation de mauvais traitements physiques. Sa délégation prend connaissance, néanmoins, d’un incident à la prison d’Anvers : un surveillant aurait physiquement agressé un détenu à la suite d’une altercation verbale pendant la distribution des repas. La victime a subi plusieurs blessures, dont une commotion et des hématomes autour des deux yeux. Les faits se sont produits le 19 mars 2021. Une plainte est déposée le 27 avril 2021. Une procédure disciplinaire est engagée immédiatement à l’encontre du surveillant, mais elle est suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure pénale engagée. Le surveillant accusé est, entre-temps, muté dans une autre aile de la même prison.2
Salah Abdeslam, écroué en Belgique pour les attentats de 2016 et l’un des auteurs des attentats en France en 2015, refuse, en septembre 2022, de comparaître. Il donne pour justification les traitements inhumains que lui et ses coaccusés subissent. Entre autres, l’utilisation de boxes individuels ou de cages. Il dénonce aussi les fouilles à nu intégrales pratiquées quotidiennement sur les accusés.
Comité européen pour la prévention de la torture des peines ou traitements inhumains ou dégradants, “Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le CPT du 27 mars au 6 avril 2017”, 8 mars 2018, pp. 26-27. ↩
Comité européen pour la prévention de la torture des peines ou traitements inhumains ou dégradants, “Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le CPT du 2 au 9 novembre 2021”, 29 novembre 2022, pp. 12-13. ↩
La prohibition de la torture est inscrite dans la Constitution et dans la loi
uniquement dans le Code pénal
-
La Chambre des représentants adopte, le 22 février 2024, le nouveau Code pénal. L’ancien code datait de 1867. Le nouveau code introduit notamment huit niveaux de peines allant des peines alternatives à l’emprisonnement au niveau 1, jusqu’à la peine à perpétuité au niveau 8. Plusieurs changements accompagnent ce code, dont : un meilleur suivi des auteurs souffrant de troubles psychiatriques, un plus grand nombre d’options permettant de prononcer des peines sur mesure, un renforcement des peines pour violences sexuelles, violences intrafamiliales ou terrorisme, ainsi que la suppression de certaines infractions.
Le Code pénal entrera en vigueur deux ans après sa publication au Moniteur belge.
La Convention contre la torture des Nations unies (CAT) est
ratifiée en 1999
Les réglementations existantes à l’extérieur relatives à la protection contre les violences physiques ou verbales et contre le harcèlement sexuel, tel que le Code pénal, sont applicables en détention.
La Loi de principes, le statut juridique des détenus et les règlements d’ordre intérieur prévoient également une série de sanctions disciplinaires pour les faits de violence.
Les violences physiques et psychologiques existent sous différentes formes au sein des établissements. Les fouilles sont des moments particulièrement délicats et propices aux incidents, notamment les fouilles à corps.
Les violences sexuelles sont rarement dénoncées en raison de la honte qu’elles suscitent et de la peur de représailles.
Des abus sexuels répétés sont signalés en 2020 à la prison de Lantin1. Des faits individuels ou collectifs de violence physique sont rapportés auprès des commissions de surveillance. Les personnes détenues rencontrent parfois des difficultés pour dénoncer ces abus. Elles ne connaissent pas toujours le nom des agents, car les personnels ont pour habitude de dissimuler leur badge d’identification sous leurs épaulettes. La circulaire sur le port de badges est modifiée en septembre 2017. Elle rappelle son caractère obligatoire, mais est encore largement ignorée.
Des sanctions, suite au dépôt de plaintes, sont signalées.
Conseil central de surveillance pénitentiaire, “Rapport annuel 2020”, 2021, p. 55. ↩
Toute allégation ou tout soupçon de mauvais traitement infligé à un détenu est enregistré
La direction des établissements connaît généralement l’identité des membres du personnel qui font preuve de violence envers les détenus. Ces derniers ne sont pas, ou tardivement, sanctionnés par crainte de grèves. Les agents sont, le plus souvent, transférés dans une autre aile de la prison, voire mutés dans un autre établissement. Le CPT note, en 2021, que les questions relatives à l’enregistrement et le signalement des blessures (à l’arrivé ou au cours de la détention) n’ont pas connu d’améliorations depuis sa dernière visite en 2017. Les établissements visités ne disposent pas de registre dédié. Tout cas de blessure est consigné, souvent de manière superficielle, dans les dossiers médicaux individuels des personnes détenues. Les informations sur les blessures ne sont généralement pas signalées au procureur compétent.1
Comité européen pour la prévention de la torture des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), “Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le CPT du 2 au 9 novembre 2021”, 29 novembre 2022, p. 18. ↩
Si oui, l'administration est tenue de saisir l’autorité judiciaire
Le Code d’instruction criminelle impose à l’administration pénitentiaire de rapporter toute infraction au parquet du Procureur du Roi. Celui-ci est chargé de la poursuite de l’enquête.
La Ligue des droits humains (LDH) note que la surpopulation carcérale, les mauvaises conditions de détention et l’absence de soins médicaux adéquats entrainent des faits de traitement inhumain et dégradant quotidiens. Ceux-ci ne font généralement pas l’objet d’un suivi administratif ou judiciaire.
Aucune politique de prévention de la torture n’est mise en œuvre.
Les médecins sont tenus de renseigner les lésions traumatiques dans le dossier médical. En pratique, le CPT constate que les informations figurent rarement, ou manquent de précision. Les médecins n’envoient pas systématiquement un certificat médical avec les rapports de lésions à la personne détenue, son avocat et aux autorités compétentes.1
Comité européen pour la prévention de la torture des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), “Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le CPT du 27 mars au 6 avril 2017”, 8 mars 2018, p. 40. ↩
Nombre de faits violents recensés entre détenus
Non communiqué
Des incidents entre détenus sont fréquemment observés, mais difficiles à quantifier. Ils sont rarement dénoncés par crainte de représailles. La violence entre détenus est signalée dans tous les établissements.1 La délégation du CPT est informée, lors de sa visite en 2021, de l’homicide d’un détenu par son codétenu dans l’annexe psychiatrique de la prison de Saint-Gilles. Les faits ont lieu le 30 mars 2020. Une procédure judiciaire est en cours. La direction de la prison et d’autres membres du personnel sont accusés de négligence coupable.2
Pour en savoir plus, consultez la notice 2016 de l’Observatoire international des prisons 2016 - section belge, pages 147-150. ↩
Comité européen pour la prévention de la torture des peines ou traitements inhumains ou dégradants, “Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le CPT du 2 au 9 novembre 2021”, 29 novembre 2022, pp. 12-13. ↩
-
Plusieurs épisodes de violences entre personnes détenues sont signalés à la prison de Haren, incluant des attouchements sexuels, des violences physiques (coups, passage à tabac), du racket ou des menaces de mort. Divers propos et insultes racistes sont rapportés en 2023. Un homme détenu d’origine africaine demande à changer d’unité de vie en raison des propos racistes répétés de ses codétenus. Une femme détenue se plaint à de nombreuses reprises de remarques antisémites sans réaction du personnel. Une femme transgenre incarcérée à l’unité Forest House (unité des femmes) est victime de propos et comportements discriminatoires. Une autre femme détenue indique avoir été victime de propos sexistes de la part des hommes détenus lorsqu’elle a travaillé à la cuisine. Elle demande à changer de travail.
-
Un homme de 41 ans en détention provisoire à la prison d’Anvers est torturé, maltraité et agressé sexuellement par cinq codétenus, pendant au moins trois jours, sans que le personnel ne s’en aperçoive. La victime est hospitalisée le 12 mars 2024 dans un état critique et présente de graves brûlures. Le parquet d’Anvers ouvre une enquête le 13 mars pour tentative de meurtre, viol et torture. L’administration pénitentiaire ouvre également une enquête interne.
Les syndicats blâment la surpopulation et le sous-effectif de personnel, qui n’ont pas permis aux surveillants de se rendre compte plus tôt de cette situation. Le ministre de la Justice déclare que le nombre de personnel était insuffisant pour maintenir la sécurité en raison d’une grève des personnels lors des faits.
Les violences entre personnes détenues font l’objet, par établissement, d’un registre tenu à jour
Le Code d’instruction criminelle prévoit que la direction doit reporter toutes les infractions au Procureur du Roi. Les faits de violence ayant fait l’objet de sanctions disciplinaires sont retranscris dans un registre dédié.
Plaintes
Nombre de plaintes déposées contre l'administration par des personnes détenues
2 394
Ce chiffre correspond au nombre total de plaintes reçues par le CCSP en 2022, soit un tiers de plus qu’en 2021 (1794). Ces plaintes proviennent des prisons flamandes pour 63,7 % (1 526 plaintes), des prisons wallonnes pour 25,3 % (605 plaintes) et des prisons bruxelloises pour 11 % (263 plaintes). À la fin de l’année, 12 % des dossiers ouverts ne sont pas traités et 43 % des dossiers traités sont irrecevables.1.
Central Prison Monitoring Council, “Rapport annuel 2022“, 2023, p. 36 (in French). ↩
-
Des personnes détenues à la prison de Haren rapportent des situations de favoritisme et des comportements irrespectueux, notamment moqueries, insultes, menaces, humiliations ou encore rapports disciplinaires abusifs de la part de certains membres du personnel. Plusieurs femmes détenues dénoncent des comportements sexistes et déplacés de la part d’un agent, notamment lors des fouilles. Elles portent plainte contre lui le 11 décembre 2023.
Les personnes détenues ont la possibilité de porter plainte contre l’administration pénitentiaire. La plainte doit être déposée dans les sept jours suivant les faits (article 150). Elle doit être rédigée en français ou en néerlandais.1 Elle peut être envoyée par courrier ou par e-mail à une commission des plaintes, ou être remise directement à une commission de surveillance lors d’une de ses visites.2 Un “bureau des plaintes” est institué dans chaque prison avec une boîte aux lettres. Certaines nouvelles prisons disposent d’une plateforme numérique, le Prison Cloud3, qui permet aux personnes détenues de contacter la Commission via un ordinateur dans la cellule.4 La Commission des plaintes rend sa décision dans les quatorze jours suivant la plainte (article 157). La direction de la prison et le plaignant peuvent faire appel de la décision auprès de la Commission d’appel du Conseil central, au plus tard sept jours suivant la réception de la décision (article 159). La Commission d’appel statue sur le recours dans un délai de quatorze jours (article 162).
Les délais de traitement sont parfois plus longs pour différentes raisons. La charge de travail des commissions des plaintes est considérable dans certains établissements. Des délais sont observés, souvent liés à la préparation de la défense de la direction, à l’accompagnement du plaignant par un avocat, ou à la demande d’informations complémentaires. Il est également fait état d’annulations d’audience à la demande de la direction en raison d’un manque de personnel. Le transfert d’un plaignant vers un autre établissement peut aussi perturber la poursuite normale de la procédure.
Ces longs délais de traitement signifient souvent que la décision disciplinaire contestée a déjà été exécutée au moment où la plainte est traitée.5
La Ligue des droits humains (LDH) indique par ailleurs que la formation des commissions ne serait pas assez poussée en matière de droit administratif et de droit pénitentiaire.6 Des organisations de la société civile signalent que, dans certains établissements, la confidentialité des plaintes est compromise. Les boîtes aux lettres des commissions ne sont pas systématiquement situées au sein des quartiers de détention et les formulaires de plainte doivent être demandés aux agents. En conséquence, certaines personnes détenues craignent des représailles du personnel et renoncent à exercer ce droit.7 Les commissions des plaintes estiment qu’il est difficile d’évaluer correctement les plaintes en l’absence de réponse de la part de la direction. Plusieurs commissions relèvent un nombre important de plaintes irrecevables dû à une connaissance insuffisante de la portée du droit de plainte. Des séances d’information pour les personnes détenues sont dispensées par les commissions dans les établissements d’Anvers, Berkendael, Beveren, Dinant, Hasselt, Jamioulx, Paifve.8
Concertation des associations actives en prison, Adeppi, Centre d’action laïque, I.Care, Ligue des familles, Sireas, “La loi de principes : quand la théorie juridique rencontre les réalités carcérales”, 2022, p. 27. ↩
Conseil central de surveillance pénitentiaire, “Rapport annuel 2021”, 2022, p. 42. ↩
Certains établissements sont équipés d’un Prison Cloud, une plateforme numérique reliée par câblage. Un ordinateur de bureau, installé dans chaque cellule, permet aux prisonniers de téléphoner, passer leur commande de cantine, envoyer des demandes à la direction ou au service psychosocial. Ce dispositif vise à favoriser l’autonomie des personnes détenues. ↩
Ligue des droits humains, “État des Droits Humains en Belgique - Rapport 2021”, janvier 2022, pp. 33-36. ↩
CCSP, “Rapport annuel 2021”, 2022, p. 42. ↩
LDH, “État des Droits Humains en Belgique - Rapport 2021”, janvier 2022, pp. 33-36. ↩
CAAP, “La loi de principes : quand la théorie juridique rencontre les réalités carcérales“, 2022, p. 27. ↩
CCSP, “Rapport annuel 2021”, 2022, p. 42. ↩
-
Les commissions des plaintes ouvrent, en 2023, 4164 dossiers. Cela représente une augmentation de 75 % par rapport à l’année précédente. Un plus grand nombre de formulaires de plainte sont déposés, en proportion, dans les établissement flamands que dans les établissements wallons. Les commissions d’appel ouvrent, en 2023, 653 dossiers. Cela représente une augmentation d’environ 17 % par rapport à 2022 (556 dossiers). Douze décisions de la commission d’appel néerlandophone rendues en 2023 font l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
Les commissions des plaintes (CdP) et la Commission d’Appel sont les instances, indépendantes de l’administration pénitentiaire, responsables de traiter les plaintes des personnes détenues contre toute décision prise à leur égard par la direction de l’établissement (Loi de principes, article 148). Les commissions des plaintes sont issues des commissions de surveillance (CdS). Il existe une Commission de plainte pour chaque prison. La Commission d’appel est issue du Conseil central et est composée de deux chambres, une néerlandophone et une francophone.1 Elles ont pour mission de traiter les décisions prises par les Commissions des plaintes ainsi que certaines décisions prises par le directeur général (Loi de principes, articles 148-167). Les activités de ces commissions sont mises en place le 1er octobre 2020, 15 ans après avoir été prévues dans la loi de principes. La loi prévoit que chaque Commission de surveillance désigne trois de ses membres pour composer la Commission des plaintes.2
Le CCSP rapporte qu’en 2022, aucune session d’information sur le droit de plainte n’est organisée pour le personnel des prisons de Louvain central et de Marneffe. Les membres du personnel interrogés n’ont pas une bonne compréhension du mécanisme de plainte, ni de ses tenants et aboutissants. Le personnel le perçoit comme un système pour s’opposer à leur travail et à leurs rapports.3
Ligue des droits humains, “État des Droits Humains en Belgique - Rapport 2021”, janvier 2022, pp. 33-34. ↩
Conseil central de surveillance pénitentiaire, “Rapport annuel 2020”, 2021, p. 64. ↩
Conseil central de surveillance pénitentiaire, “Visite des établissements pénitentiaires de Louvain central et de Marneffe”, 2023, p. 9. ↩
Mécanisme national de prévention (MNP) et autres organes de contrôles externes
Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture des Nations unies (OPCAT) est
signé en 2005
Le Protocole n’est pas ratifié.
Un MNP est créé
non
-
oui, en 2024
Le Parlement fédéral adopte, le 4 avril 2024, une loi créant un mécanisme de prévention chargé de surveiller le traitement des personnes privées de liberté. Le mécanisme dépend de l’Institut fédéral des droits humains (IFDH), en collaboration avec le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP), le centre fédéral Migration Myria et le Comité P. Ceux-ci visiteront régulièrement, à titre préventif, les lieux de privation de liberté qui relèvent de leurs compétences.
Une instance régionale contrôle les lieux de privation de liberté
oui
le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT)
Ses rapports sont rendus publics
Les rapports de visite et les réponses du gouvernement belge sont disponibles sur le site web du CPT. Sa dernière visite a lieu du 2 au 9 novembre 2021 dans quatre établissements pénitentiaires : Anvers, Lantin, Saint-Gilles et Ypres.
Les établissements pénitentiaires sont soumis à des visites de monitoring du Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP), un organisme indépendant. Le CCSP émet des avis et recommandations au Parlement et aux ministres concernés. Le Conseil central est composé de 12 membres nommés par la Chambre des représentants pour une période de cinq ans, renouvelable deux fois (Loi de principes, article 24). Il existe une Commission de surveillance pour chaque prison. L’ensemble des commissions est coordonné par le Conseil central. Chaque commission réalise des visites au moins une fois par semaine. Ses membres ont libre accès à toutes les parties de la prison et peuvent correspondre avec les détenus sans être contrôlés ou surveillés (article 23). Chaque commission soumet des avis au Conseil central et publie un rapport annuel sur les conditions dans la prison qu’elle couvre. Les informations issues des visites servent de base pour les avis et pour le rapport annuel du Conseil central. Les membres de la Chambre des représentants du Parlement flamand, de la Communauté française, de la Région wallonne, de la Communauté germanophone et de la Région de Bruxelles-Capitale ont accès aux prisons. Ils ont besoin d’une autorisation spéciale du ministre pour entrer dans une cellule occupée ou s’entretenir avec des détenus spécifiques (article 33).
Aménagements de peine
La loi prévoit un dispositif d’aménagement de peine
-
Des personnes détenues à la prison de Haren, condamnées à des peines inférieures à trois ans et pouvant encore bénéficier du placement sous surveillance électronique ou d’une libération provisoire sont placées sous surveillance électronique sans pleinement répondre aux conditions. Cette mesure s’explique par la nécessité de libérer des places.
L’octroi d’un aménagement de peine relève, en général, de la compétence du Tribunal de l’application des peines (TAP). La décision d’octroi d’une surveillance électronique est prise par la direction de l’établissement pénitentiaire. Celle d’une libération provisoire ou d’une surveillance électronique pour les personnes condamnées pour faits de terrorisme ou certains faits de mœurs relève de la Direction gestion de la détention (DGD).1
Centre d’action laïque, “Guide de la personne détenue”, novembre 2019, pp. 23-25. ↩
La peine peut être aménagée dès son prononcé
Les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement principales inférieures à quatre mois ou à des peines d’emprisonnement subsidiaire à une amende sont immédiatement mises en liberté dès le prononcé de la peine. Ces personnes sont tenues de se rendre à la prison, mais bénéficient ensuite d’une libération provisoire (Instructions temporaires du 16 mai 2017).
La peine peut être aménagée en cours d'exécution
Les personnes condamnées à une peine de prison égale ou inférieure à trois ans peuvent demander une libération provisoire ou la surveillance électronique sous certaines conditions : avoir la nationalité belge ou un titre de séjour valable, avoir une résidence en Belgique et disposer d’un téléphone.
Les personnes condamnées à une ou plusieurs peines de prison supérieures à trois ans peuvent demander :
- la détention limitée (DL) : elle permet de quitter de manière régulière la prison pour une durée déterminée, de maximum 16 heures par jour. Elle peut être accordée à la personne condamnée pour des raisons professionnelles, de formation ou familiales qui requièrent sa présence hors de la prison.
- la surveillance électronique (SE) : elle permet de purger l’ensemble ou une partie de sa peine privative de liberté en dehors de la prison selon un plan d’exécution déterminé dont le respect est contrôlé.
- la libération conditionnelle (LC) : elle permet de purger la peine en dehors de la prison moyennant le respect des conditions qui lui sont imposées pendant un délai d’épreuve déterminé. Toutes les personnes condamnées peuvent bénéficier des aménagements suivants :
- interruption de l’exécution de la peine (IP) : il s’agit d’une suspension de la peine pour raisons exceptionnelles (motifs graves ou exceptionnels à caractère familial). Sa durée est de trois mois renouvelables, octroyée par le Service public fédéral Justice (SPF Justice).
- libération provisoire pour raisons médicales (LPRM) : elle peut être octroyée par le juge de l’application des peines, en cas de phase terminale d’une maladie incurable.1
Centre d’action laïque, “Guide de la personne détenue”, novembre 2019, pp. 22-25. ↩
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Les peines de certaines personnes détenues sont allégées pour remédier à la surpopulation. 594 personnes détenues font l’objet d’une libération anticipée entre janvier et septembre 2024. Cette mesure ne peut s’appliquer qu’aux personnes n’ayant plus que six mois de peine à purger, disposant d’un endroit où dormir et n’ayant pas été condamnées pour un délit ou un crime sexuel.
En cas de refus d'aménagement de peine, la personne détenue peut contester cette décision
Les décisions du Tribunal de l’application des peines (TAP) ne sont pas susceptibles d’appel. Certaines de ses décisions peuvent faire l’objet d’un recours en cassation.1
Centre d’action laïque, “Guide de la personne détenue”, novembre 2019, p. 23. ↩
Certaines catégories de condamnés ne peuvent pas prétendre à des aménagements de peine
La CEDH condamne la Belgique dans l’affaire Horion c. Belgique. Les demandes d’aménagements de peine auxquelles aurait droit, depuis trente ans, Freddy André Horion, sont systématiquement refusées. Les experts souhaitent son intégration dans une unité de psychiatrie légale comme étape intermédiaire, mais il ne peut bénéficier de ce traitement car il a été jugé responsable des actes qu’il a commis. La CEDH estime que l’”absence de perspective réaliste d’élargissement” constitue une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La loi prévoit un dispositif de permission de sortir
Les modalités en sont (Loi relative au statut juridique externe) :
- les permissions de sortie (PS) : elles permettent de quitter l’établissement pénitentiaire pour une durée maximale de 16 heures sous certaines conditions (article 4) et peuvent être occasionnelles (à tout moment) ou périodiques (pour préparer la sortie)
- les congés pénitentiaires (CP) : ils permettent de quitter, chaque trimestre, la prison pendant 36 heures sous certaines conditions (article 6)
Les demandes pour ces deux permissions de sortir sont soumises à la direction de l’établissement via le greffe. La direction transmet ensuite le dossier à la Direction gestion de la détention (DGD), avec son avis et celui du Service psychosocial (SPS). Les éventuelles contre-indications à la sortie peuvent être, par exemple, le risque de ne pas retourner en prison, de commettre une infraction grave ou d’importuner les victimes. La personne détenue peut, en cas de refus, s’adresser au tribunal de l’application des peines (TAP) ou saisir le juge des référés via son avocat.1
Centre d’action laïque, “Guide de la personne détenue”, novembre 2019, p. 20. ↩
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Une mesure de peine alternée entre en vigueur, le 7 mars 2024, afin de lutter contre la surpopulation. Les personnes condamnées à des peines maximales de 10 ans d’emprisonnement et ayant déjà bénéficié d’un congé réussi pourraient rester un mois sur deux en prison. Certaines personnes, telles que celles condamnées pour terrorisme ou agression sexuelle, ne peuvent pas y prétendre. La Fédération bruxelloise des Institutions pour Détenus et Ex-Détenus (Fidex) et la Ligue des droits humains (LDH) critiquent “l’expansion continue et totalement inefficace du parc carcéral” et le caractère “fallacieux” des congés pénitentiaires prolongés (CPP). Elles expliquent notamment que les personnes concernées finiront par purger leur peine plus longtemps, chaque congé mettant son exécution en pause. Elles s’inquiètent également de la répercussion de ces congés alternés en matière d’accès au logement, d’accès à la formation et de continuité des soins.
La loi prévoit un dispositif d'aménagement de peine pour raisons médicales
La libération provisoire pour raison médicale (LPRM) peut être octroyée en cas de phase terminale d’une maladie incurable.1 La demande doit être adressée au Tribunal de l’application des peines pour les personnes condamnées, et aux juridictions d’instruction pour les personnes en détention provisoire.2
Centre d’action laïque, “Guide de la personne détenue”, novembre 2019, p. 20. ↩
Lacroix, Thomas, “Comment les professionnels des établissements pénitentiaires se représentent-ils la présence et les conditions de vie des personnes âgées en prison ?”, UCLouvain, 2022, pp. 23-24. ↩
Nombre des personnes détenues ayant bénéficié d’une grâce présidentielle ou d’une amnistie
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La demande de clémence/grâce doit être faite par écrit au Cabinet du Roi.1
Foreign & Commonwealth Office, Foreign, Commonwealth & Development Office, “Belgium: in prison abroad”, 3 septembre 2020, p.15, (en anglais). ↩