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Égypte : Le régime de Sissi, si fier de sa jolie nouvelle prison géante

Une chanson accompagnée d’un clip à grand spectacle célèbre une nouvelle prison où tout serait parfait et les prisonniers heureux. C’est une grossière campagne de communication à destination des Américains, dénonce l’auteur égyptien Ahmed Naji dans Al-Modon. La ficelle est tellement grosse qu’elle révèle surtout la bêtise du régime.

C’est par une grosse campagne publicitaire qu’a été annoncée l’ouverture d’un nouveau complexe carcéral [à Ouadi Natroun, au nord-ouest du Caire]. Le plus grand d’Égypte et de tout le Moyen-Orient, voire de l’Afrique, nous dit-on, et qui sait, peut-être même du monde entier. C’est une vidéo [mise en ligne le 28 octobre] qui nous l’apprend, diffusée avec insistance sur les chaînes de télévision sur fond d’un morceau de variété plein de poésie et de bons sentiments sur “la chance pour vivre” [le titre de la chanson]. On y voit la prison filmée par des drones, entourée de parcs et de verdure qu’on chercherait en vain dans les rues des villes. Tout cela ressemble à une publicité pour un luxueux projet immobilier, ou à une maquette de station spatiale dans un film de science-fiction.

Une scène particulièrement parlante montre un prisonnier en train de colorier un portrait d’Abdel Fattah Al-Sissi. Qui plus est, une mention au début de la vidéo affirme : “Tous les détenus ont donné leur consentement pour être filmés.” Devant une telle assertion, on se demande s’il faut crier au scandale ou éclater de rire.

Reste à savoir pourquoi le régime investit dans un tel opus, et le bénéfice qu’il espère en tirer. Espère-t-il que les téléspectateurs se précipitent sur leur téléphone pour réserver une chambre dans ce havre de paix ? Croit-on qu’ils en tireront l’impression que leur vie quotidienne s’est améliorée ? Ou que la situation des droits de l’homme progresse ? Tout cela au moment même où le régime bannit la diffusion de photos prises dans les écoles, des écoles totalement vétustes où les élèves sont assis par terre, entassés les uns sur les autres.