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Burkina Faso : “Des bombes à retardement“ : d’anciens détenus relâchés sans aucun suivi

Il n’existe pas de programme de réinsertion pour les personnes ayant bénéficié d’un non-lieu après avoir passé de longues années en prison.

Guede (prénom modifié) n’a plus de nouvelles de son petit cousin depuis plus d’un an. La dernière fois qu’il a vu Poura*, un berger de 31 ans, c’était le matin du 10 juillet 2020, à la gare routière de Ouagadougou. Au milieu de la foule et des pots d’échappement, le jeune homme lui avait pourtant promis de « revenir bientôt », avant de monter dans le car en direction de Djibo, dans le nord du Burkina Faso. Il venait tout juste de sortir de la prison de haute sécurité (PHS), près de la capitale, où il était détenu depuis plus de trois ans. Le jour de sa libération, la famille ne s’attendait pas à le voir arriver, à pied, devant la porte de leur maison. Poura a été relâché sans un avertissement. Sans argent non plus. Il a dû marcher cinq heures au bord de la route, depuis sa cellule jusqu’au domicile de son oncle, en centre-ville. Il portait un vieux boubou sale et avait l’air perdu. « On ne lui a jamais rendu ses papiers ni son téléphone », assure son cousin.

Avant d’être transféré à la PHS, l’éleveur disait avoir passé quatorze jours à la gendarmerie de Djibo, entassé avec une trentaine de personnes dans une petite cellule. “Ils me frappaient avec une corde pour que je parle et tabassaient les détenus”, affirmait-il, hanté par le souvenir de ses geôliers. “Je vais devoir réapprendre à vivre, mais j’ai peur que les militaires reviennent m’arrêter ou me tuer”, confiait-il, le visage sombre.

Au Burkina, les exactions présumées des forces de sécurité et les abus des milices d’autodéfense s’ajoutent aux attaques djihadistes, alimentant le cycle des représailles. Depuis 2015, les violences de toutes sortes ont fait plus de 3 700 morts dans le pays, selon le dernier décompte de l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled).