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Uruguay : Punta de Rieles, la prison des hommes libres

Une prison et ses barbelés. Des gardiens et leurs miradors. Des prisonniers qui purgent leur peine. Mais une prison d’hommes debout… Un documentaire présenté ce week-end à Albertville au festival du Grand bivouac.

C’est une prison qui ne ressemble pas aux autres. Et un film qui vous cueille comme un joli direct au ventre. Bien sûr, il y a des barbelés en pagaille, des miradors en nombre, des gardiens armes au poing. C’est en Uruguay, en Amérique latine, que se déroule «Portes ouvertes», un nom qui sonne comme un drôle de clin d’œil à l’activité carcérale.

Ce sont donc des hommes «debout», 600 au total y purgent leur peine, «reconnus comme des humains», comme l’annonce tranquillement le directeur de ce centre pénitentiaire pas comme les autres. Les détenus y exercent des activités, qui leur permettront de se préparer un jour à leur sortie. Il y a là une briqueterie, des potagers, un salon de coiffure et de tatouage – pour des prisonniers, c’est bien le moins- une scierie…il y a de l’air et du soleil, bon, d’accord, ce n’est pas le paradis. «Portes ouvertes» (1h40 minutes), de Lola Fourt, Lorie Guilbert, Victor Goffinet et Victor Perilhou raconte donc une singulière histoire. On y voit des détenus parler avec confiance de leur expérience à «Punta de Rieles», le nom de la prison. Ils ont pu filmer comme bon leur semblait, avec l’aval du directeur, sans passer par la frilosité et la toute-puissance d’une administration pénitentiaire et tatillonne qui choisit qui filme et quoi filmer, comme souvent ailleurs.

«La vérité en France n’est pas la même que celle qu’il y a ici», explique une réalisatrice. Des détenus d’une prison hexagonale qui découvraient le documentaire expliquaient leur étonnement de voir «quelque chose qu’on ne voit jamais en France, même si chez nous il y a des activités sportives et culturelles, mais pas assez. Chez nous, on est plus sur la répression que sur la réinsertion qui est par ailleurs surtout… verbale».

En Uruguay, les auteurs du documentaire ont d’abord noué des liens avec les détenus via le cours de yoga. Ils disent en chœur : «on a été très très bien accueilli par les détenus et les “opératrices”», ces femmes qui encadrent et aident les détenus.

L’occasion de comparer les systèmes pénitentiaires lors d’un débat avec le public du Grand Bivouac qui projetait le documentaire.

«En France, le travail est très difficile en prison, très mal payé, on ne travaille pas pour soi. Là ce n’est pas le cas, les détenus créent leur propre business, cela les responsabilise. Il n’y a aucune obligation d’étudier ou de travailler dans cette prison. Cela favorise l’estime de soi», explique ainsi une documentariste. «Moi, j’ai des difficultés à lire et écrire, j’ai appris tout cela en prison en France. On a tout de même la chance de participer à des activités que je n’aurais pas eues le temps ni l’envie de faire à l’extérieur. Il y a des bonnes et des mauvaises choses, c’est à nous de faire le nécessaire, de choisir, que cela se passe bien, pour qu’on puisse sortir un jour et travailler. Ça pourrait être pire», poursuit un détenu invité à la projection.

Un autre nuance: «cet exemple en Uruguay montre qu’il est possible de ne pas se sentir sous pression, avec les surveillants, comme cela arrive parfois chez nous, cela permet aux détenus d’être plus relax».

Un réalisateur tempère, après une question du public, sur le côté angélique de l’établissement: «Pour certains prisonniers, ce n’est pas tout rose. Certains détenus ne font rien, d’autres attendent des mois pour en sortir, il y a eu aussi des morts dans cette prison…» Une réalisatrice complète: «Deux jours de travail ou deux jours d’étude correspondent à une journée de prison en moins, c’est la politique de la carotte et pas celle du bâton».

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