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Turquie : dans l’archipel de la torture

Enlevés en Turquie après la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, placés dans une prison secrète, deux anciens prisonniers racontent les sévices qu’ils ont subis.

Tolga est jeune encore, dans la force de l’âge. Il n’a qu’une quarantaine d’années. Seulement, sa main tremble et son regard sombre s’échappe parfois pour tenter de retenir ses larmes. Il a été enlevé, séquestré et torturé en Turquie dans une prison secrète, un “site noir”, pendant plusieurs mois. Il en apporte, pour la première fois, un témoignage pour Le Monde et huit autres médias, associés dans l’opération #blacksitesturkey, coordonnée par le site d’investigation Correctiv. Un récit dans une langue simple et crue, où l’isolement, les passages à tabac, la privation de sommeil et de nourriture, les évanouissements, les piétinements, les électrochocs, les insultes des gardes révèlent une pratique barbare, toujours à l’œuvre, bien que cachée, et rappellent une des pages les plus sombres de la répression des années 1980 et 1990 contre les mouvements kurdes et d’extrême gauche.

Tolga n’est pas son vrai nom. Il refuse de rendre publique sa véritable identité par peur, dit-il. Depuis quelques semaines, il a obtenu un statut de réfugié dans un pays d’Europe de l’Ouest, dont il souhaite taire également le nom. Avec sa famille, il a pu fuir clandestinement la Turquie peu après sa libération, survenue un soir d’été 2017. “Et malgré cela, j’ai peur, une peur omniprésente, terrifiante, comme beaucoup d’autres.”

Au total, une vingtaine de cas d’enlèvements en Turquie ont été recensés à ce jour par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International et Human Rights Watch. Beaucoup plus, selon d’autres sources.

A chaque cas, le même procédé : l’enlèvement brutal par quatre ou cinq hommes en civil, le transfert, puis l’isolement et les interrogatoires par plusieurs équipes de tortionnaires dans des geôles qui n’existent sur aucune carte.

Des hommes, des tortionnaires et des installations qui appartiendraient aux services du renseignement turc, le MIT, d’après plusieurs indices concordants.

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