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Sierra Leone : purger sa peine en "enfer"

Un rayon de lumière pénètre l’air vicié par une ouverture de la taille d’un poing. Il révèle des corps nus, en sueur, entassés côte à côte comme des sardines, couchés dans l’obscurité sur un sol en béton gras.

L’odeur d’urine et d’excréments venant d’un seau en plastique qui déborde ? un unique seau pour une cellule contenant peut-être 20 personnes ? prend à la gorge. La scène se déroule au centre correctionnel de Bo, dans le sud de la Sierra Leone.

C’est l’une des huit prisons qu’un journaliste de l’AFP a visitées la semaine dernière pour évaluer l’état des établissements pénitentiaires du pays qui, selon des voix indépendantes, constituent un scandale national.

Le tableau est digne d’un Zola tropical: cellules surpeuplées et mal éclairées, dont les détenus ont dit souffrir de maladies, nourriture pourrie, blattes et punaises de lit, climat de violence…

J’ai été pris avec deux paquets de marijuana. J’ai passé trois ans en détention provisoire ? c’est comme vivre en enfer”, a expliqué un détenu. “Le manque d’espace est tel que les gens doivent se relayer” pour s’allonger tour à tour, a déclaré l’un d’eux, qui, comme beaucoup d’autres, a demandé à ne pas être nommé par crainte de représailles des gardiens.

Les couvertures et les tapis sont un luxe dans notre cellule. Même ce que nous mangeons sent mauvais”, a dit un autre. “La violence entre les détenus pour la nourriture, l’eau et l’espace est courante”, a déclaré un homme soutenu par des béquilles dans la prison de Kenema, la troisième ville de ce pays d’Afrique de l’Ouest. “C’est une jungle, c’est la survie du plus fort.”

En 2016, la Commission des droits de l’homme de Sierra Leone a qualifié d’“inhumains” la misère et le manque de programmes de réhabilitation ou d’éducation dans les prisons du pays.

Walter-Neba Chenwi, spécialiste de l’Etat de droit au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui a un projet d’amélioration des prisons sierra-léonaises, juge les conditions de détention “très inférieures aux normes internationales en matière de droits de l’Homme”.

Entassés

Sur les 4 525 détenus des prisons sierra-léonaises, nous avons 2.659 personnes en trop par rapport à la capacité des établissements et contraintes de trouver une place dans des cellules surpeuplées”, a déclaré Dennis Herman, directeur des ressources humaines du Service correctionnel de Sierra Leone.

La prison de Kenema, en pierre et construite en 1826 sous la domination coloniale britannique, peut en théorie accueillir 75 détenus. Mais ils sont environ 300, d’après son directeur Lamin Sesay.

Au pénitencier de Bo, destiné à 80 détenus mais abritant 300 personnes lui aussi, le gardien Mohamed Opinto Jimmy a déclaré qu’entre 15 et 20 personnes étaient entassées dans des cellules qui, selon la réglementation, devraient avoir un maximum de quatre occupants.

Les maladies et le manque d’accès aux soins sont monnaie courante, selon les agents pénitentiaires. À Bo, il n’y a qu’un seul agent de santé pour 300 détenus, dont beaucoup souffrent de maladies chroniques telles que la tuberculose, le sida et le paludisme.

Certains détenus, anémiques, sont trop faibles pour marcher autour des blocs cellulaires. Ils se glissent dans des coins pour un peu de nourriture, d’eau et d’espace”, raconte l’agent de santé.

Alors que la gale est une maladie de la peau répandue, les détenus ne peuvent rester propres: souvent, ils ne peuvent se doucher qu’une fois par semaine parce que l’eau est rationnée.

Les détenus de Bo sont obligés de parcourir des kilomètres vers des ruisseaux pollués ou à des puits creusés à la main pour remplir des jerricans et les ramener à la prison.

Étant donné le risque d’évasion, nous affectons habituellement de nombreux gardiens pour escorter les détenus”, a déclaré le gardien Jimmy. Mais du coup, “les détenus sont stigmatisés par la population, qui les voit marcher dans la rue en tenue de prisonniers.

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