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Russie : la CEDH condamne lourdement la Russie dans l’affaire Magnitski

Près de dix ans après sa mort dans une prison de Moscou, Sergueï Magnitski a remporté à Strasbourg, mardi 27 août, une victoire morale posthume.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a lourdement condamné la Russie pour de multiples violations des droits fondamentaux dans le dossier, qui ont abouti à la mort de cet avocat anticorruption réputé.

Régulièrement frappé pendant ses onze mois de détention préventive, puis laissé sans soins dans sa cellule, il a fini battu à mort. Officiellement, le décès de Sergueï Magnitski, le 16 novembre 2009, est survenu « par négligence ». Une version dénoncée par les défenseurs des droits de l’homme qui en ont fait une cause emblématique.

Dans son arrêt, la CEDH dénonce les mauvais traitements, les conditions d’incarcération inadaptées, le défaut de soins médicaux adéquats et l’excessive durée de détention. Les juges strasbourgeois estiment que Sergueï Magnitski a subi des violences carcérales jusqu’à peu avant sa mort. Et ils reprochent à la justice russe une enquête incomplète sur les circonstances du décès, qualifiant de « superficielle » la décision, en mars 2013, des autorités de la classer sans suite. La CEDH n’a toutefois pas retenu la qualification de « détention arbitraire », ce qui a été immédiatement relevé par Moscou. « La Cour européenne a jugé manifestement infondée la plainte portant sur une détention arbitraire de M. Magnitski, reconnaissant que son arrestation et son placement en détention étaient parfaitement conformes à la Convention », a déclaré le ministère russe de la justice.

« Nos juges ne respectent pas les décisions de Strasbourg »

« Ce jugement confirme clairement que Sergueï Magnitski a été torturé en prison et que ses droits ont été violés », salue Zoïa Svetova, journaliste et militante des droits de l’homme. « C’est aujourd’hui un soulagement pour sa famille qui, à Strasbourg, obtient la justice qu’elle n’a pas pu obtenir en Russie », confie Mme Svetova, qui a beaucoup enquêté sur Sergueï Magnitski et prépare un livre.

« Mais, hélas, les arrêts de la CEDH ont peu d’effet car nos juges ne respectent pas les décisions de Strasbourg », regrette-t-elle. Membre depuis 1996 du Conseil de l’Europe, la Russie n’a exécuté pleinement que 38 % des arrêts de la Cour à son encontre, selon le forum d’ONG russe de défense des droits de l’homme.

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Inculpé par les responsables mêmes qu’il dénonçait

Pour éclaircir ces manœuvres, Bill Browder a embauché des avocats. Mais leurs enquêtes pour corruption se sont retournées contre eux et tous se sont réfugiés à l’étranger. Tous sauf un : Sergueï Magnitski, âgé alors de 36 ans, qui finit par être arrêté en 2008 pour fraude fiscale après avoir dénoncé une vaste machination financière de 130 millions d’euros orchestrée, selon lui, par des responsables de la police et du fisc. Il est inculpé par les responsables mêmes qu’il dénonçait.

C’est alors que commencent les onze mois durant lesquels Sergueï Magnitski est battu en prison.

Dans son journal, il raconte son martyre. Mais plus il se plaint, plus ses conditions de détention se dégradent. L’avocat finit dans des cellules immondes et, à bout de force, il est envoyé dans une antenne médicalisée où il décède à 37 ans.

Il a succombé, selon les services pénitentiaires, à un malaise. Mais une enquête du conseil consultatif pour les droits de l’homme auprès du Kremlin a déjà conclu, en 2011, qu’il avait été victime de coups et privé de soins. Aucune poursuite pénale n’a cependant été engagée.

Avant sa mort, Sergueï Magnitski avait lui-même saisi la CEDH. Une longue procédure poursuivie par son épouse et sa mère. La Cour a condamné la Russie à leur verser 34 000 euros pour dommage moral, une somme inhabituellement importante. Alors qu’en juillet 2013, quatre ans après sa mort, Sergueï Magnitski avait été reconnu coupable d’évasion fiscale, la CEDH a sévèrement jugé cette condamnation posthume d’« intrinsèquement inadéquate ».

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