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Source : OIP-SF
Lire la fiche-paysRoyaume-Uni : une prison œuvre pour et avec les familles
Depuis une dizaine d’années, la prison privée de Parc, au Pays de Galles, a entièrement repensé son organisation en matière de relations entre les détenus et leurs proches. Au point de devenir un “modèle” qui suscite de l’intérêt au-delà des frontières du pays. Parmi ses innovations, un projet qui prévoit l’accompagnement des détenus, mais aussi de leurs familles.
“On parle tout le temps de réformer les prisons mais je pense qu’une chose échappe souvent aux responsables politiques qui veulent réformer : c’est que si vous ne vous intéressez qu’à ceux qui sont en prison maintenant, vous n’avez fait que 50 % du boulot.” Corin Morgan Armstrong, responsable des relations avec les familles pour les services de détention du groupe G4S, qui gère la prison, en est tellement persuadé qu’il a piloté un projet inédit consistant à travailler avec les prisonniers mais aussi avec leurs familles et proches.
Il s’agit de réparer les dommages causés par l’incarcération d’une personne sur son entourage mais aussi de travailler avec l’ensemble des membres de la famille autour des différentes problématiques qu’ils rencontrent. À l’origine du projet, un triple objectif :
- améliorer le bien-être des familles de détenus, leur qualité de vie et leur insertion sociale ;
- réduire les risques de récidive des personnes détenues ;
- réduire les risques de “délinquance intergénérationnelle”.
Selon une étude britannique en effet, 65 % des garçons dont un père est incarcéré seront amenés à commettre des actes délinquants. En cause notamment, selon une autre étude, les conséquences du traumatisme de la séparation, la pression économique et sociale et la stigmatisation.
À l’inverse, relève Corin Morgan Armstrong, “on ne peut continuer à ignorer les résultats de nombreux travaux de recherche qui mettent en avant le lien de causalité entre le maintien des relations avec les proches et la réduction de la délinquance et des risques de transmission entre générations”.
Accompagner dedans et dehors
Grâce à un financement de la loterie nationale, la prison de Parc a donc mis en place, à partir de 2012, un projet expérimental nommé Invisible Walls (les murs invisibles).
Au programme, un accompagnement sur dix-huit mois (douze mois avant la libération et six mois après) de prisonniers et de leurs proches ciblés en raison des problématiques familiales et difficultés sociales qu’ils rencontrent. Chaque famille est suivie par un membre de l’équipe qui sera son “mentor”.
Après une période d’évaluation, un plan d’action est défini : un programme taillé sur mesure en piochant dans une large palette d’activités et de prises en charge proposées en lien avec divers interlocuteurs extérieurs, institutionnels et associatifs. Pour les pères, cela peut être un travail sur la parentalité, sur les problèmes d’addiction, de violence domestique, mais aussi un accompagnement à la recherche d’emploi ou de formation. Pour les proches, des groupes de parole, un accompagnement sur les problématiques d’addiction, de parentalité, de logement, etc.
Des actions spécifiques sont également mises en place à l’attention des enfants, notamment en collaboration avec les écoles. Enfin et surtout, le projet prévoit des temps tous ensemble, proches et détenus, au sein d’un espace dédié qui se veut accueillant et chaleureux. Y sont disponibles tout un tas d’activités visant à rétablir le dialogue, mais aussi à retrouver ou réapprendre les gestes du quotidien : donner le bain à un nourrisson, faire ses devoirs avec un plus grand, etc.
“C’était comme un nouveau début pour moi et mon père”, raconte la fille d’un détenu. La famille n’est pas pour autant idéalisée. “Il ne s’agit pas de faire des familles heureuses”, précise Corin Morgan Armstrong. “D’ailleurs, je ne sais pas bien ce que ça veut dire.” Il s’agit plutôt de réparer, renouer. La famille s’entend ici de manière extensive et inclut tous “ceux qui comptent”, pour prendre en compte les parcours parfois chaotiques des personnes détenues qui participent au projet.
Spécificité du programme, il a été accompagné pendant toute sa phase expérimentale par une équipe de recherche de la South Wales University chargée d’en évaluer la mise en œuvre et d’en mesurer l’impact. Le rapport de recherche, publié en décembre 2017, conclut au “succès exceptionnel” de ce projet, “qui a eu un impact positif significatif sur la vie des prisonniers et de leurs familles” et “le potentiel pour avoir un effet majeur au niveau national (et même international) sur les réflexions politiques et pratiques concernant les enfants et familles de prisonniers”.
Le taux de personnes détenues ayant des problèmes d’addiction est passé de 89 à 20 % et de 15 à 5 % pour leurs proches adultes. La proportion des détenus sans emploi est passée de 80 avant leur incarcération à 25 % à l’issue du projet, et de 69 à 46 % pour leurs proches.
L’étude relève une amélioration importante du bien-être des différents membres des familles ayant participé – au total 349 personnes dont 83 détenus.
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