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Le goût — 10/12

Amériques Amérique du Nord Femmes Amérique du Sud Asie Europe Longues peines
Publié le 6 octobre 2020 Inside Outside
Sommaire
  • Le mot de Bertrand aux participants
  • France, Roanne
    • États-Unis, Schuylkill (Pennsylvanie)
      • Guatemala
        • Italie
          • Japon
            • Argentine
              • France, Arles
                • Ukraine
                  • Suisse
                    • Colombie
                      • France, Arles
                        • Japon
                          • États-Unis, Lake Placid (New York)
                            • ++
                              • InsideOutside, le livre
                              • L'espace — 12/12
                              • L'odorat — 11/12
                              • Le toucher — 9/12

                            Sommaire
                            • Le mot de Bertrand aux participants
                            • France, Roanne
                              • États-Unis, Schuylkill (Pennsylvanie)
                                • Guatemala
                                  • Italie
                                    • Japon
                                      • Argentine
                                        • France, Arles
                                          • Ukraine
                                            • Suisse
                                              • Colombie
                                                • France, Arles
                                                  • Japon
                                                    • États-Unis, Lake Placid (New York)
                                                      • ++
                                                        • InsideOutside, le livre
                                                        • L'espace — 12/12
                                                        • L'odorat — 11/12
                                                        • Le toucher — 9/12

                                                      Le photographe Bertrand Gaudillère, du collectif item, choisit chaque mois une image évocatrice d’un des sens. Prison Insider l’envoie aux personnes participantes incarcérées à travers le monde. Elles se trouvent en Argentine, aux États-Unis, en France, en Suisse, au Guatemala, en Ukraine, en Colombie, au Liban, en Italie, au Japon et en Belgique.

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                                                      Le mot de Bertrand aux participants¶

                                                      Ce jour-là j’ai 41 ans. Depuis les fenêtres d’un restaurant, de l’hôtel Marmara je regarde Istanbul plonger dans la nuit. C’est la première fois que je fête mon anniversaire loin de mes filles et à l’étranger. Du haut de la tour qui domine la ville, je prends quelques photos pour me souvenir de l’intensité du moment, capturer un peu de cette beauté éphémère, presque surréaliste où la cuisine danse au milieu des mosquées illuminées…Le repas est doux, ce sont les saveurs de l’orient et de l’occident qui s’entremêlent. Le goût de l’ailleurs, le goût de la nouveauté, le goût des autres…
                                                      Bertrand.

                                                      Prison Insider vous invite à raconter librement ce que vous ressentez ou ce que cette image liée au goût vous évoque, depuis votre lieu d’enfermement.

                                                      France, Roanne

                                                      Auteurs : — Anne-Marie, 59 ans, femme.

                                                      Cette photographie me fait penser à un sentiment de liberté accompagné de la respiration de senteurs et du goût de saveurs étrangères. En ce qui me concerne, cela me projette dans un voyage où je pourrais me sentir dans un dépaysement total, à l’inconnu, sachant que je ne connais pas Istanbul. Cette photo symbolise la nuit. La belle vie dans un milieu festif, semi-obscur, où l’on dîne à foison dans de beaux et bons restaurants. Je suis en semi-liberté depuis trois mois désormais. Cette photo, c’est du “à venir” pour moi !

                                                      États-Unis, Schuylkill (Pennsylvanie)

                                                      Auteurs : — Eric, 45 ans, homme. / Traduit par Grégoire Fournier.

                                                      La peur a un goût différent

                                                      Des questions¶

                                                      Je suis à la cantine, je tiens mal ma fourchette, je me rends compte que je suis en prison. Pas la bonne étiquette… c’était attendu. Pas la bonne étiquette sociale… immobile. Le chaos rejeté, l’instabilité acceptée… Des questions ?
                                                      Puis je m’aperçois que j’ai des pouvoirs surnaturels. Je peux m’évader par le goût ou à travers le visage d’un proche sur une photo, en reflet dans un autre temps et un autre lieu. Chut… ne posez aucune question.

                                                      Oui ! La peur a un goût différent. Différent dans quelque lieu que ce soit. L’Est, l’Ouest, la droite, la gauche, au final elle reste toujours fraîche. Mais l’arrière-goût est bref. Délicieusement infâme, amèrement doux. Un ragoût épicé d’émotions et de pensées. Wow, vous avez une autre question ?

                                                      Oh ! Je ne peux pas passer d’appel ? Je dois passer un appel ! Ma fille est censée être la reine du bal. Non, ce n’est pas rien. Je suis en prison. Je rate tout. Tu vois, si je manque mon appel, ma fille va m’engueuler, et après je chercherai quelqu’un à engueuler. Des questions ?!

                                                      Non ! Ma vie est étrangère. Parfois, elle semble venir d’ailleurs. Oui ! Il y a de la nouveauté, mais c’est plutôt mon esprit qui se retrouve dans le corps d’un Autre ou quelquefois un esprit étranger Autre et le mien qui sont bourrés dans mon propre corps. Ce goût est familièrement bizarre ? Le goût… des autres ? Oh, maintenant, tu n’as plus de question !

                                                      Avant la prison, l’étiquette au dîner, c’était la norme… check. Avant la prison, l’étiquette sociale était vaine… check. Quelque chose que tu n’as jamais remis en question. Pourquoi ?

                                                      Guatemala

                                                      Auteurs : — Carlos, 67 ans, homme. / Traduit par Alexandra Charrier.

                                                      Enfermé, du bruit, des verrous, des portes, je suis dans un sous-sol.
                                                      Après le bruit de leurs pas, leurs hurlements apportent la mort.
                                                      De la nourriture avariée, les rats m’apportent de la viande et du pain.
                                                      Quelqu’un est arrivé et a dit : “Viens à l’entrée, ils veulent te parler”.

                                                      “Bonjour mon fils, je suis prêtre, j’ai une minute pour te parler.
                                                      Dis-moi qui tu es et pourquoi tu es ici”.

                                                      Prénom : Gumt, 65 ans, marié, anthropologue, saoudien.
                                                      J’ai pris l’avion de Paris vers la Turquie, j’ai rendu visite à un ami à Istanbul, je suis allé dans une mosquée et je suis revenu avec ma famille. En plein vol, on nous a annoncé une situation d’urgence. Ils n’ont pas dit de quel genre.
                                                      Nous avons atterri sans problème en Turquie.

                                                      Alors que je sortais de l’avion, plusieurs agents ont pointé leur arme sur moi, m’ont lié pieds et mains et bandé les yeux. C’est à ce moment-là que l’avion a pris feu. Quelqu’un m’a alors dit : Fils de pute, t’as vu ce que t’as fait ? J’ai subi des coups et des interrogatoires, beaucoup d’interrogatoires.
                                                      Des coups jusqu’à ce que je m’évanouisse. Quand je suis revenu à moi, nous étions dans un véhicule et après plusieurs heures nous sommes arrivés ici.
                                                      Quel est ta dernière volonté ? La liberté, je suis déjà mort.

                                                      Le garde a dit : “Terminé”, et il m’a tiré dessus.

                                                      Italie

                                                      Auteurs : — Giuseppe, 40 ans, homme. / Traduit par Mendy Audrain et révisé par Jaufré Vessiller--Fonfreide.

                                                      Cette photographie me rappelle un temps révolu, quand j’étais un petit garçon plein d’attentes. À présent, je ne peux même pas goûter l’odeur et la saveur de la nourriture, je n’ai que le parfum de la liberté.
                                                      Parfois, j’aperçois mon reflet dans une vitre et, par magie, je me retrouve plongé dans une ville lumineuse et joyeuse. Mais cela ne dure que quelques minutes pendant lesquelles je me sens libre et heureux. Et puis… les barreaux.

                                                      __

                                                      Lire la version originale (en italien)

                                                      Japon

                                                      Auteurs : — HV, 60 ans, femme. / Traduit par Alexandra Charrier.

                                                      C’est donc ça d’être libre dans la belle Istanbul,
                                                      D’ici, c’est magnifique,
                                                      La nuit s’installe peu à peu,
                                                      Les lumières de la ville se reflètent dans l’eau.

                                                      Depuis ce restaurant sur les hauteurs de la ville,
                                                      Les odeurs sont si alléchantes,
                                                      Elles jouent avec mes papilles, j’en ai
                                                      L’eau à la bouche.

                                                      Je veux m’en assurer, je n’oublierai jamais
                                                      Cette vue, la merveilleuse gastronomie, tout
                                                      Est gravé dans mon esprit,
                                                      Que la vie commence…

                                                      Argentine

                                                      Auteurs : — Pablo, 36 ans, homme. / Traduit par Aude Paulmier et Jaufré Vessiller--Fonfreide.

                                                      En mangeant, je me sens proche d'eux...

                                                      En traversant le grand pont, de l’autre côté du fleuve, j’arrive à voir les deux mosquées les plus importantes d’Istanbul, la mosquée Bleue et la mosquée Neuve. Je trouve cette photo grandiose et ce qu’elle m’évoque est incroyable car, concernant le goût, mes papilles s’éveillent en voyant la cuisine en pleine activité. Il y a par ailleurs ce qui émane de cette ville : les délices de la gastronomie turque et ses innombrables légumes. L’image de cette grande cité turque laisse sur mon palais un goût savoureux.

                                                      Ici, je mets en avant tous mes goûts, du mieux que je peux. Parce que, même ici, je continue à manger des choses que je mangeais avant, avec mes fils et mon épouse. C’est pour ça que, quand je les prépare, j’essaie de m’approcher autant que possible de ce goût d’avant. Pourquoi ? Parce qu’en mangeant, je me sens proche d’eux, transporté dans ma mémoire gustative jusqu’à ma salle à manger. C’est une sensation très agréable, qui ne se limite pas à un simple repas. Mon maté a le même goût que celui que ma femme boit à la maison. Le goût est essentiel dans ma vie, tout comme l’odorat ou le toucher…

                                                      France, Arles

                                                      Auteurs : — Pascal, 45 ans, homme.

                                                      J’imagine ma vie à l’opposé de ce que je vivais

                                                      C’est quand même magnifique de voir ainsi une grande ville de nuit sous ses éclairages ; cela offre un panorama multicolore toujours en mouvement et on voit un florilège de couleurs. Les routes très fréquentées ressemblent à de grands vaisseaux sanguins allant de toute part.

                                                      C’est bien plus beau, vu d’en haut et de nuit, qu’au petit matin avant d’aller travailler dans un brouillard épais et froid. C’est ce genre de photo qui te rappelle ce qu’est la privation de liberté. De faire aussi tout ton possible pour la retrouver pleinement et sortir enfin par la grande porte. Voici quelque chose qui te redonne goût au travail et à l’effort afin de pouvoir te réinsérer comme il faut et d’avoir une vie normale.

                                                      La prison c’est dur. Parfois j’ai envie de me laisser aller à la colère ou à la violence, mais tout cela est vite réprimé car je ne perds jamais de vue ma sortie et ne souhaite pas avoir de problèmes.

                                                      J’ai repris goût aux études et aux plaisirs simples : le moindre événement positif devient une grande satisfaction.

                                                      Par exemple, le fait de recevoir les cantines qu’on a commandé procure un instant de plaisir ; quand je faisais mes commissions librement, je trouvais cet acte banal et presque ennuyeux, alors que lorsque je reçois les cantines, j’éprouve un plaisir que je n’aurais jamais eu en tant qu’homme libre. Comme quoi, le bonheur s’adapte à toutes les situations et suivant les conditions où l’on se trouve, tout devient relatif.

                                                      Des activités comme la lecture et le théâtre, que je ne pratiquais plus, ont repris une place prépondérante dans ma vie car ici, pour garder un bon moral, tout est question de goût : il est primordial de retrouver des pôles d’intérêts oubliés. Quand j’envisage mon avenir, ma sortie, j’ai un point de vue totalement différent d’avant mon incarcération. J’imagine ma vie à l’opposé de ce que je vivais. Bien entendu, je suis conscient qu’on ne peut pas définir le futur tel qu’il sera, mais on peut quand même essayer de l’améliorer du mieux que l’on peut.

                                                      Voilà encore, pour mon impression de cette magnifique photo, un petit mot de ma part. Je vous dis à bientôt, en espérant recevoir une très belle photo.

                                                      Ukraine

                                                      Auteurs : — Denis, 37 ans, homme. / Traduit par Ukraine without Torture & Diana Giron

                                                      Mon dieu, qu’est-ce que je fais ici ? Je voudrais rentrer chez moi, auprès de mes proches, auprès des êtres qui me sont chers. La vie est si fugace, et l’on n’est jamais mieux que chez soi. C’est décidé, je termine ce que j’ai à faire et je monte dans un avion.

                                                      –

                                                      Lire la version originale (russe)

                                                      Suisse

                                                      Auteurs : — Inmaculada, 36 ans, femme. / Traduit par Alice Bureau.

                                                      Je peux sentir sur mon palais les différentes saveurs de ses plats, pour le plus grand plaisir de mes sens. Car il y a des instants que le temps ne peut pas effacer

                                                      Il pleuvait des cordes tandis que, couchée sur mon lit, je contemplais l’image. La fenêtre était ouverte et laissait pénétrer l’humidité, constante et insolente, qui, dans une sorte de défi muet, me glaçait les pieds. Devant l’impossibilité d’arrêter de penser, j’ai décidé de faire face à ces pensées et, de nouveau, je me suis retrouvée dans un monologue que moi-même je ne comprends pas.

                                                      Je n’arrive pas à exprimer avec des mots ce que je ressens, je suppose que c’est à cause de ce vide qui prend toute la place, et me laisse muette face à mon carnet.

                                                      L’image de la ville est comme ma mémoire ; il y a des lieux qui paraissent sombres, flous, presque intangibles et, d’un autre côté, il y a des souvenirs qui, même s’ils sont lointains, restent lumineux, des souvenirs aussi vifs et présents que toi ou moi. Je contemple cette ville depuis la distance qui me sépare du monde, du haut de la tour dans laquelle je vis cette “séquestration”. Mais, bien qu’on m’ait écartée du monde, rien ni personne ne peut m’éloigner de ce qui est intrinsèquement mien, de mes réminiscences.

                                                      J’ai pensé à elle, comme d’habitude, la devinant petite et fragile, recroquevillée dans les enchevêtrements de sa peau, s’efforçant à alimenter un espoir déjà presque mort. Et, dans mes visions confuses, la mémoire devient floue, les lumières s’éteignent et j’ai même du mal à me souvenir du contact de ses mains qui tant de fois pourtant m’ont bercée les tristes après-midis de mon adolescence. L’odeur de sa peau, de son parfum inné, cette essence de lavande qu’elle portait tous les jours. Même après tout ce temps, je peux sentir sur mon palais les différentes saveurs de ses plats, pour le plus grand plaisir de mes sens. Car il y a des instants que le temps ne peut pas effacer ; même si certains souvenirs apparaissent sombres à l’horizon, d’autres continueront à briller malgré le passage du temps.

                                                      Colombie

                                                      Auteurs : — Ricardo, homme. / Traduit par Carole Bouldy & Jaufré Vessiller--Fonfreide.

                                                      Il ne faudrait surtout pas que l’on puisse se sentir en liberté

                                                      L’image et le texte contrastent radicalement avec l’expérience que nous vivons en prison. C’est un lieu de vie pour une période plus ou moins longue, mais la personne détenue ne peut pas prendre ses propres décisions. Il ne faudrait surtout pas que l’on puisse se sentir en liberté. Nous sommes soumis à des normes strictes, mais, selon les capacités de chacun, il nous est possible d’élaborer des scénarios qui, même si c’est seulement au plus profond de nous-mêmes, nous font respirer l’air de la liberté.

                                                      Nous souffrons d’une espèce d’atrophie, en raison des habitudes alimentaires qui nous sont imposées. Il existe néanmoins un petit havre de paix quand, par exemple, les week-ends des visites familiales, on nous apporte des repas faits maison.

                                                      France, Arles

                                                      Auteurs : — Christophe, 43 ans, homme.

                                                      Goûter à cela, c’est goûter à cette liberté lointaine, c’est vagabonder hors des murs et se sentir enfant de nouveau.

                                                      Comme une échappatoire éphémère, la surprise d’une bouchée gourmande qui nous transporte loin, un goût qui ranime des souvenirs, des images et des sentiments. Une madeleine proustienne qui revêt le plus souvent l’aspect d’un mets méditerranéen ou provençal, un peu de cette famille teintée de soleil, la chaleur sur la tête et dans le cœur. Goûter à cela, c’est goûter à cette liberté lointaine, c’est vagabonder hors des murs et se sentir enfant de nouveau.

                                                      Comme un pansement à un autre goût plus fréquent, celui des larmes.

                                                      Japon

                                                      Auteurs : — Caladel, 28 ans, femme./ Traduit par Laura Le Guern.

                                                      Voilà ce qui est au menu ce soir...

                                                      Une ville dans l’ombre et des mosquées éclairées. Un paysage urbain enveloppé par la nuit et qu’embaume l’irrésistible parfum du péché. Loin d’être tentée par les pâtisseries ou les épices orientales, je m’attarde plutôt sur un autre genre de “goût”… Imbibées de vin et de jus de cerise, des lèvres se frôlent puis se débordent tandis qu’un souffle mielleux parfumé de notes de café sature l’air et s’agrippe à toutes les surfaces comme du caramel fondant. La sueur perle et ruisselle sur la peau comme une manne salée puis coule dans des bouches béantes, haletantes, avides d’être piquées et mordues.
                                                      Épaules attendries, dos pétris, peaux rôties… Rites nocturnes inavouables saupoudrés de luxure et sublimés par le glissement et la rondeur d’une langue wonton, baignée dans le cognac. Ou encore, peut-être, par la saveur aigre-douce du citron et le débordement charnu de doigts mordillés, durcis de cals, de coups de soleil, de marques de morsure.
                                                      Généreux et sensuels, les corps de deux êtres fusionnent, bouillonnent et débordent, crépitant au crépuscule, portés à ébullition par leurs propres peurs et désirs.
                                                      Fulgurant, ce “goût” titille mes papilles et me rappelle des souvenirs, aussi somptueux et alcoolisés que le vin chaud ou le pudding au caramel nappé de bourbon.
                                                      C’est pour moi le “goût” de la nuit.
                                                      Voilà ce qui est au menu ce soir.
                                                      Ha ! Le goût des autres, comme tu dis…

                                                      États-Unis, Lake Placid (New York)

                                                      Auteurs : — Tewhan, 39 ans, homme. / Traduit par Galatée Fouquet et Jaufré Vessiller--Fonfreide.

                                                      Je n’avale jamais rien sans que cela ne soit une violence

                                                      Hôtel Marmara¶

                                                      Dans quelques mois, j’aurai 40 ans. À une vie d’où je demeure, le temps semble s’être arrêté. Les fenêtres auxquelles j’ai accès m’offrent pour seul spectacle la vue horrible de barbelés et de kilomètres de montagne. Car presque toutes les prisons se trouvent au plus profond des sommets des montagnes. Lorsque la nuit tombe sur ce pays de captifs, je réfléchis aux nombreux anniversaires que j’ai passés enfermé, loin de mes enfants, perdu en captivité. Des célébrations à distance. Pas de photos, pas d’instants de beauté fugace, juste le goût amer de la séparation. Une mosquée orne le tapis de prière dans ma cellule, les couleurs sont aussi belles que le coucher du soleil. C’est quand je ferme les yeux que je goûte à quelque chose de différent. Je goûte à une autre vie, je goûte à la liberté !

                                                      Pris au piège dans une contrée lointaine, les miradors surplombent les bâtiments. Lorsqu’on est pris au piège ici, on est désensibilisé. On entend peu, on parle moins, on ne voit rien, on perd contact et on goûte à la mort.

                                                      Cette image est donc, comme le reste, vue, entendue, ressentie et goûtée, mais elle me rappelle tout ce que j’ai perdu. Ici, rien n’est agréable. Quand l’Orient et l’Occident se rencontrent, ce n’est pas pour ravir les papilles, mais bien deux groupes géographiques distincts qui s’affrontent comme des Titans. Je suis désolé : je n’avale jamais rien sans que cela ne soit une violence, car ma réalité ne pourrait être plus amère.

                                                      InsideOutside

                                                      ++

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                                                      11-04-2023
                                                      Autre regard Inside Outside Témoignage

                                                      InsideOutside, le livre

                                                      L’ouvrage mêle récit, témoignage, photographie, information et graphisme. Il est à pré-commander au tarif préférentiel de 30 €.
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                                                      16-12-2020
                                                      Inside Outside

                                                      L'espace — 12/12

                                                      Le photographe Bertrand Gaudillère, du collectif item, choisit chaque mois une image évocatrice d’un des sens. Prison Insider l’envoie aux personnes participantes incarcérées à travers le monde. Elles se trouvent en Argentine, aux États-Unis, en France, en Suisse, au Guatemala, en Ukraine, en Colom…
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                                                      06-11-2020
                                                      Inside Outside

                                                      L'odorat — 11/12

                                                      Le photographe Bertrand Gaudillère, du collectif item, choisit chaque mois une image évocatrice d’un des sens. Prison Insider l’envoie aux personnes participantes incarcérées à travers le monde. Elles se trouvent en Argentine, aux États-Unis, en France, en Suisse, au Guatemala, en Ukraine, en Colom…
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                                                      09-06-2020
                                                      Inside Outside

                                                      Le toucher — 9/12

                                                      Le photographe Bertrand Gaudillère, du collectif item, choisit chaque mois une image évocatrice d’un des sens. Prison Insider l’envoie aux personnes participantes incarcérées à travers le monde. Elles se trouvent en Argentine, aux États-Unis, en France, en Suisse, au Guatemala, en Ukraine, en Colom…
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