À Vezin comme ailleurs, à l’intérieur de la détention, plus aucun repère géographique ni temporel. Plus rien n’indique le déroulement du temps, ni la végétation, ni les vêtements des passants. Plus rien du rythme de la ville et de ses activités récurrentes. Plus aucune possibilité de regards échangés. Terminée l’observation attentive du parking grâce à laquelle les personnes détenues partageaient un peu du quotidien de leurs voisins. Une prison dans la ville et Le déménagement gardent la trace de ces interactions informelles qui ne seront à terme, plus que des souvenirs.
La situation du nouveau centre pénitentiaire de Vezin, au fond d’une zone industrielle en dit long sur la place de la prison, une activité marchande comme une autre. C’est le ressenti dont m’ont souvent fait part les personnes détenues après le déménagement. Comme toutes les constructions récentes, le centre pénitentiaire de Rennes-Vezin – 942 personnes détenues en 2017, réparties entre maisons d’arrêt et centre de détention – a intégré les nouvelles normes : gigantisme, éloignement du centre urbain, gestion déléguée, recours à la technologie, sécurité accrue.
Dans Le déménagement, les personnes – détenus et personnels – rencontrées dans la vieille maison d’arrêt et retrouvées ensuite dans la nouvelle prison s’accordent sur la perte d’interactions sociales. Les surveillants relativisent la vétusté de la prison Jacques Cartier qui va fermer. Ils déplorent, dans la nouvelle, l’isolement auquel les astreint l’architecture sans pour autant leur procurer un sentiment de sécurité malgré la multiplication des caméras. Leurs angles morts – dans les escaliers notamment – sont le revers du cloisonnement des espaces. La restriction de la vue dans tous ses aspects est génératrice d’insécurité.
Les murs neufs et l’amélioration sanitaire s’accompagnent d’un rétrécissement de l’environnement quotidien, plus froid, plus codifié, un confinement des personnes détenues à l’intérieur de leurs ailes, étages, escaliers, sas, etc. Le béton lisse exclut les interstices et la rigidité de l’usage de l’architecture rendent impossible toute échappatoire. La segmentation des lieux par la fermeture des coursives, l’isolement technologique et la diminution des contacts entre détenus et surveillants contribuent à déshumaniser la détention.
Les détenus ne se côtoient que dans les espaces spécifiquement dédiés : salle de sport, cour de promenade, ateliers. Les déplacements au sein des bâtiments sont réglés par des sas. Les itinéraires balisés, gérés depuis des postes de commandes dans lesquels des surveillants actionnent les ouvertures des grilles et des portes.