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France : travail, famille, ennui — comment passer le temps en prison

Victor, qui purge actuellement une peine dans l’une des plus grandes prisons de France, explique son combat contre le temps qui passe.

En prison, les seuls jours qui ne riment pas avec ennui sont les premiers. Quand tu arrives, tu viens de subir une garde à vue de 48 ou 72 heures, et tu es souvent épuisé. Au départ, j’étais seul en cellule. Je refusais de sortir et je passais mon temps à écrire des lettres. Je pensais à mon affaire, aux gens de l’extérieur. Les premiers jours sont un peu compliqués, mais très vite, tu te décides à aller voir les autres. Au début, tu es dans le quartier des arrivants donc tu te retrouves avec des mecs comme toi, des “primaires” [nouveaux]. La promenade est moins oppressante avec une cinquantaine de têtes qui ont l’air aussi paumées que toi et qui viennent souvent te voir. On parle plus facilement, on a tout plein de trucs à se dire… Tu te dis limite que c’est mieux que la garde à vue puisque tu es dans une cellule meublée, il y a la télé, des gars avec qui tu te dis que tu peux tisser des liens. Mais très vite, tu pètes un câble. Car à part les deux premiers jours où tu as des trucs administratifs à régler et où tu vois le médecin, tu comprends vite ce qu’il se passe autour de toi et tu sens que le temps s’allonge vraiment.

Et puis on t’annonce direct la couleur : pas d’audition, pas de parloir, pas de livre. Tu attends 15 jours pour avoir ton premier sac de linge, tu n’es pas motivé pour faire du sport, tu regardes la télé, mais tu ne l’écoutes même plus. Ça devient très vite pesant.

On reste parmi les arrivants pendant environ deux semaines – un ou deux mois dans le pire des cas. Quand tu as passé cette étape et changé de bâtiment, c’est complètement différent. Tu peux commencer à bien “cantiner” pour acheter de la bouffe, des plaques de cuisson, tu as la radio. Bref, tu as l’impression d’être super content vu que t’as un truc nouveau à faire, mais ça ne dure qu’un temps. La routine et l’ennui reviennent inéluctablement.

Alors le principal truc à faire pour essayer de moins t’ennuyer, c’est de sortir de ta cellule le plus possible. Tu as la promenade pour commencer. C’est deux heures par jour – plus ou moins selon les prisons – le matin ou l’après-midi. Et au début, il n’y a que ça pour s’occuper.

Au bout de quelques semaines, le juge ou la prison – en fonction de si tu es prévenu en attente d’un procès ou incarcéré après un jugement – valide, ou non, une partie de tes parloirs. Ils durent une trentaine de minutes en moyenne. Ça te fait sortir de la cellule pendant au moins deux heures avec les fouilles et l’attente, et si jamais t’as des proches, ça te fait sortir trois fois par semaine. Mais les parloirs, c’est une chance dont tout le monde ne peut pas bénéficier – de nombreuses personnes sont complètement isolées.

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