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France : "Prison Breakfast", une émission où l'on "invente des recettes à partir des repas fournis aux détenus"

L’association Lieux Fictifs organise l’émission de cuisine « Prison Breakfast » à la prison des Baumettes à Marseille pour créer du lien et apprendre les métiers de l’audiovisuel aux détenus.

En quelques mots :

  • Depuis 2013, l’association Lieux Fictifs organise le tournage de « Prison Breakfast », une émission de cuisine, à la prison des Baumettes.
  • L’objectif est de sensibiliser les détenus à la cuisine, et aux métiers de l’audiovisuel.
  • Mais aussi, et surtout, de créer du lien entre l’intérieur de la prison et le monde extérieur.

L’association Lieux Fictifs organise depuis 2013 le tournage de l’émission Prison Breakfast au sein de la prison des Baumettes à Marseille. L’occasion de former des détenus aux métiers de l’audiovisuel, mais aussi de confronter monde extérieur et monde intérieur de la prison. Le réalisateur, Romain Le Roux, détaille le projet à 20 Minutes.

20 Minutes. Quelle est la genèse de l’émission Prison Breakfast ?
Romain Le Roux : Nous l’avons initiée en 2013 lors de Marseille Capitale de la Culture. L’idée de l’émission est d’inviter un chef en prison chaque année, afin d’inventer des recettes à partir des repas fournis aux prisonniers en y ajoutant quelques éléments très basiques. L’objectif est bien évidemment d’apporter de la créativité dans les plats, la question de la nourriture est très importante en prison. Le second objectif est de former les détenus aux métiers de l’audiovisuel en réalisant des émissions de cuisine à partir des différentes séquences avec le chef. En fait, à travers la venue d’un chef en prison, on crée du lien à l’intérieur de la prison grâce au jeu de l’audiovisuel.

20’. Comment se découpe le projet ?
RLR : Il y a plusieurs dynamiques dans ce même projet. Dans un premier temps, le chef vient rencontrer la dizaine de prisonniers pour échanger autour de la cuisine. Une partie discute, l’autre filme. La deuxième séquence se concentre sur la réalité d’une cellule et les conditions de vie. C’est à ce moment-là que le chef cuisine avec les détenus et les moyens dont ils disposent. Là, on installe une régie dans une cellule voisine avec plus de moyens. Puis la troisième séquence est une émission où le chef cuisine une entrée, un plat et un dessert. On est dans une configuration plateau avec un éclairage professionnel. Ces trois temps permettent de complexifier la chose pour des personnes qui ne savaient pas filmer auparavant.

20’. Quel est l’objectif visé d’un tel projet ?
RLR : Les trois séquences enregistrées font partie d’un film diffusé sur INside TV, le canal de télévision interne de l’établissement. Le but est d’obtenir une qualité suffisante pour intéresser le public en ayant le même rendu que les chaînes traditionnelles. Mais le véritable objectif est de créer du lien entre l’intérieur de la prison et l’extérieur. Nous travaillons dans le « Studio Image et mouvement » installé au sein de la Structure d’Accompagnement vers la Sortie (SAS) par Lieux Fictifs. La SAS gère les courtes et les fins de peines, d’où l’importance de créer du lien avec l’extérieur pour éviter des sorties sèches. Par exemple pour la dernière séquence, deux détenus vont dans le restaurant du chef pour recueillir ses impressions. Il y a un échange entre le regard que porte la personne extérieure sur la prison, et sur le regard que porte la personne détenue sur l’extérieur.

20’. Cette expérience a-t-elle découlé sur l’embauche de détenu dans les métiers de l’audiovisuel ?
RLR : Cela ne se fait pas de manière automatique, ni en masse, mais un détenu a été pris en tant que projectionniste dans un cinéma, et un autre est devenu chef machiniste. Ce sont eux qui choisissent de continuer, ou pas. S’ils font ce choix, bien sûr nous continuons de les accompagner. Soit en essayant de les prendre dans notre structure soit en les accompagnant vers d’autres. Dans tous les cas, il en ressort des choses très importantes comme les responsabiliser, les pousser à aller au bout des tâches. Mais surtout d’avoir des projets collectifs qui leur permettent de se projeter. Le travail sur l’image est bénéfique, cela permet de leur donner des clefs de compréhension et de mettre en perspective ce qu’ils regardent. D’autant plus quand il s’agit de personnes jeunes qui regardent la télévision.

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