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Source : Aire urbaine Nord Franche Comté

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France : les prisons face à la surpopulation et aux contradictions de la justice [Infographie]

Surpopulation carcérale. Premier épisode de notre série sur la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt de l’Aire urbaine. Ces données explosent (lire l’infographie ci-dessous) et mettent en avant les failles du système judiciaire. Que ce soit les maisons d’arrêt de Belfort, Montbéliard ou Vesoul, le constat est le même. On accueille plus de personnes que l’on a de places disponibles. Entre les possibilités d’aménagement des peines ou le taux d’incarcération lors des séances de comparution immédiate, le monde judiciaire se trouve rapidement face à ses contradictions. Enquête.

Une après-midi d’octobre au tribunal de grande instance de Belfort. Deux jeunes hommes de 18 et 19 ans sont jugés en comparution immédiate pour avoir transmis des produits de contrebande à des détenus de la maison d’arrêt de Belfort, depuis le bas des fenêtres. Tous deux sont condamnés à une peine de prison ferme à Besançon. Le premier, récidiviste, y restera quelques mois. Le second, 3 semaines. À l’extérieur du tribunal, la condamnation est incompréhensible pour la famille. «On nous parle de prison surpeuplée et on met deux gosses qui ont fait une connerie, trois semaines dans une prison avec des personnes qui ont pris 15 ans !» Cette décision met en avant certaines contradictions du monde judiciaire : la surpopulation carcérale, la comparution immédiate et l’aménagement des peines.

«Depuis plusieurs années, on fait tomber les records les uns après les autres», regrette Ahmid Khallouf, coordinateur de la région sud-est pour l’observatoire international des prisons (OIP) ne sait plus comment caractériser les chiffres de la surpopulation carcérale. Et le nord Franche-Comté ne fait pas exception. Les trois maisons d’arrêt de Vesoul, Montbéliard et Belfort accueillent ainsi au total 183 personnes au 1er septembre pour… 130 places. Au mois de juillet – période durant laquelle il est supposé y avoir moins de monde dans les maisons d’arrêt – Montbéliard affichait un taux de remplissage de 175 %, le 16e plus important de France. Là bas, «il y avait 12 ou 13 matelas au sol», illustre Stéphane Thabussot, délégué régional du syndicat Force ouvrière. Si le nombre de faits constatés par la police et la gendarmerie est en hausse depuis les années 1990 dans les trois départements qui composent l’Aire urbaine, pour Ahmid Khallouf, une autre donnée est à mettre en évidence : «*On crée de plus en plus de lois avec des peines de prison. Notre seule réponse, c’est de créer des centres pénitenciers, mais plus on en construit, plus on les remplit *!» Le cercle est vicieux.

La comparution immédiate, « de l’abattage juridique »

Pour l’organisme international, un autre aspect est à prendre en compte : les peines prononcées dans le cas de comparution immédiate. C’est une procédure, choisie par le procureur de la République, qui consiste à traduire immédiatement après la fin de la garde à vue, des personnes majeures accusées d’un ou de plusieurs délits, s’il estime que les charges sont suffisantes, que l’affaire est en état d’être jugée et que le cas le justifie. Cela induit forcément une certaine précipitation dans la préparation de la défense, dans l’examen sociologique du prévenu, mais aussi lors des séances. «On avait fait une moyenne lors d’une étude de 5 mois au tribunal de Marseille : une audience en comparution immédiate, c’est 29 minutes, assure le représentant de l’OIP. C’est de l’abattage juridique !» Selon cette étude réalisée à Marseille par l’organisme, 77 % des personnes jugées par cette procédure étaient incarcérées. «On a huit fois plus de chances d’aller en prison que lors d’une audience classique», conclut Ahmid Khallouf. Le prévenu a cependant la possibilité de reporter l’audience et peut alors être placé en détention provisoire. Ce qui ne participe pas à la surpopulation carcérale, puisque sur les plus de 70 000 personnes écrouées au 1er septembre, 20 000 sont dans l’attente d’un jugement.

Face à la surpopulation carcérale, l’aménagement des peines, que ce soit par le bracelet ou des suivis, est privilégié par l’OIP. Dans le plan pénitentiaire présenté par la Garde des Sceaux Nicole Belloubet au mois de septembre, une nouvelle échelle des peines a été proposée. Ainsi, les peines d’emprisonnement seront interdites pour une durée de moins d’un mois. «C’est une bonne chose, une peine de moins d’un mois de prison, ça n’a pas de sens», assure le syndicaliste de Force ouvrière. Mais le passage de la limite des aménagements de peine de 2 à 1 an lui fait craindre le pire : «cela va faire exploser le nombre de détenus.» Même constat pour l’OIP, qui va même plus loin : «À chaque fois que l’on parle d’une infraction, on entend : « Il risque tant d’amende et tant de prison.» Il n’y a pas de peine de référence pour l’aménagement ! Pourquoi ne pas dire : «Tant d’heures de travail d’intérêt général.» On fait de la prison une banalité alors que cela devrait être un dernier recours. Un point de vue tempéré par le représentant de Force ouvrière. «Ce sont généralement des personnes qui sont plusieurs fois passées devant le juge, donc il n’arrive pas là par hasard. Si les juges considèrent qu’ils doivent être incarcérés, alors ils doivent l’être. Et il faut aussi penser aux victimes, qui sont dans l’attente de peines», assure-t-il. Un sujet très épineux, mais qui se cristallise particulièrement dans les prisons et leurs capacités d’accueil.

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