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France : "les fouilles inopinées en prison sont-elles interdites par l'Union européenne, comme le dit Marine Le Pen ?"

Dans une interview, la présidente du Rassemblement national assure que l’Europe empêche les “fouilles aléatoires dans les cellules”. C’est faux.


Bonjour,

Votre question était formulée ainsi : “Les fouilles en prison sont-elles interdites selon l’UE sous prétexte d’atteinte aux droits des détenus ?” Vous renvoyez vers un tweet de Marine Le Pen, relayant ses propos sur CNews le mercredi 3 octobre 2018. La présidente du Rassemblement national déclarait les “fouilles aléatoires dans les cellules” sont “interdites par l’Union européenne sous prétexte qu’elles porteraient atteinte aux droits des détenus”. C’est inexact.

“Les fouilles aléatoires ne sont pas interdites”, pose d’emblée la direction de l’administration pénitentiaire (DAP), contactée par CheckNews.

Il est vrai en revanche que c’est une pratique encadrée et débattue dans les prisons françaises, et que la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) a condamné la France sur le sujet, l’obligeant à changer sa législation.

Dans les années 2000, la CEDH condamne trois fois la France pour une pratique répétée et insuffisamment motivée de fouilles intégrales (à nu) de détenus. En conséquence, la France légifère en adoptant une loi en 2009, dont l’article 57 donne un cadre légal aux fouilles en prison. Il est enrichi en 2016 d’un alinéa, pour que celles-ci soient “spécialement motivées et [fassent] l’objet d’un rapport circonstancié transmis au procureur”. L’administration résume : “Depuis 2016, il faut une autorisation du supérieur direct pour procéder à une fouille.”

Cet encadrement, jugé excessif, est l’un des motifs du mouvement de grève du personnel pénitentiaire début 2018, qui appelle à la suppression de l’article 57 (entre autres). Dans l’accord de sortie de crise entre le ministère de la justice et les syndicats de fonctionnaires pénitentiaires, on lit que “le dispositif des fouilles sera renforcé - après évaluation parlementaire - afin de permettre aux surveillants d’effectuer des fouilles inopinées de cellule.”

Dans les faits, ces fouilles ont toujours eu cours. En témoigne le résultat de l’“évaluation parlementaire” promise : un rapport relatif au régime des fouilles en détention rendu début octobre par une mission d’information. On y lit notamment que la France est bien dotée d’un “régime juridique laissant de nombreuses possibilités de pratiquer des fouilles aléatoires”.

L’article 57 alourdit et encadre le fonctionnement des fouilles de détenus et de cellules - demande d’autorisation et motivation a priori, rapport à remplir a posteriori. Mais les “fouilles aléatoires en cellule” n’ont jamais été “interdites”, contrairement à ce que croit Marine Le Pen (même si la CEDH a bien poussé la France à légiférer sur le sujet). D’ailleurs, plusieurs syndicats pénitentiaires font état de fouilles “inopinées” de cellule.

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