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France : "le "Guide du prisonnier", un concentré pédagogique du droit pénitentiaire"

Delphine Boesel, présidente de l’Observatoire international des prisons, explique en quoi il est essentiel que les détenus maîtrisent leurs droits, à l'occasion de la sortie, ce jeudi, de la nouvelle édition de l'ouvrage.

C’est un indispensable des bibliothèques pénitentiaires. L’Observatoire international des prisons (OIP) publie ce jeudi, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme, la cinquième édition de son Guide du prisonnier. Plus de 1 500 exemplaires s’apprêtent à être envoyés dans tous les lieux de privation de liberté. La présidente de l’association, l’avocate Delphine Boesel, explique en quoi ce guide est un outil précieux pour mieux défendre les droits des personnes incarcérées.

En quoi consiste ce guide ?

L’objectif, c’est d’expliquer sous forme de questions-réponses tout le parcours du détenu, de son entrée en prison jusqu’à sa sortie. Le guide est d’abord destiné aux prisonniers. Chacun doit pouvoir y trouver le maximum d’informations sur ses droits et les recours dont il dispose s’ils ne sont pas respectés. Que faire si je n’ai pas été reçu par un médecin alors que je souffre ? Quelles conditions peuvent justifier une fouille intégrale et comment se déroule-t-elle ? Mais les familles et les proches peuvent aussi y trouver des renseignements sur les droits de visite notamment. Plus largement, il constitue un outil de repères pour tous les professionnels du milieu carcéral, qui interviennent à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement. Les avocats peuvent s’appuyer sur lui pour défendre leurs clients, les futurs surveillants s’appuient dessus pour réviser leurs concours…

Pourquoi est-il essentiel pour les détenus d’y avoir accès pendant leur séjour en prison ?

Parce qu’ils ne sont pas tous informés de leurs droits, alors que c’est pourtant essentiel. Le problème, c’est que le droit pénitentiaire fourmille de textes. Les lois, les règlements, les décrets… Tout est un peu éparpillé, et c’est parfois difficile de s’y retrouver. Le guide apporte une réponse en proposant un concentré pédagogique de tous ces textes.

Les détenus peuvent nous le demander, on leur envoie gratuitement (1 200 exemplaires de la quatrième édition sortie en 2012 ont ainsi été délivrés). Et puis constater qu’ils peuvent se battre par une voie légale pour voir leurs droits respectés peut quelque part générer un peu d’espoir.

Depuis la première édition du guide, en 1996, en quoi le quotidien des détenus a-t-il changé ?

Entre 1995 et 2007, le milieu pénitentiaire a connu une vraie révolution juridique. Le droit est entré en prison et avec lui, la possibilité qu’il soit respecté. A partir de 1995, grâce à l’arrêt dit “Marie”, les détenus peuvent par exemple contester des sanctions disciplinaires.

Tout n’évolue pas dans le bon sens, on est toujours confrontés à un problème de surpopulation carcérale alors même que les places de prison augmentent. Le paradigme de l’incarcération comme réponse judiciaire ne change pas. Après un long combat de l’OIP, la CEDH a condamné la France le 30 janvier 2020 pour ses conditions de détention inhumaines et dégradantes.

On continue de beaucoup travailler sur cette thématique, de se battre pour que la France mobilise les moyens nécessaires pour faire cesser ces atteintes aux droits des détenus. Et puis petit à petit, de nouveaux sujets s’imposent et permettent au guide d’évoluer. Dans cette édition, on aborde les cas des personnes étrangères incarcérées en France. Mais aussi, pour la première fois, les questions entourant la radicalisation. La thématique a bouleversé l’actualité de la prison. On ne pouvait pas imaginer de concevoir un nouveau guide sans expliquer sa prise en charge par les milieux pénitentiaires. En quoi consistent les quartiers d’évaluation de la radicalisation ? Qu’est-ce que le programme de prévention de la radicalisation violente ? On a voulu faire un inventaire de ce qui a été fait depuis 2015 tout en apportant une réflexion, un regard critique sur ces nouvelles dispositions.