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France : “Le Grand Jour, de la prison à l’Odéon” sur LCP, le théâtre pour briser ses chaînes

Ils sont huit et ont trois mois pour devenir comédiens. “Le Grand Jour, de la prison à l’Odéon”, diffusé vendredi 22 mai sur LCP, suit les progrès, en répétition, de détenus de Fresnes mobilisés pour donner une pièce à Paris. Un documentaire touchant.

Le soir du 18 novembre 2019, des comédiens qui n’avaient, pour la plupart, jamais foulé les planches, sont montés sur la scène du Théâtre de l’Odéon, à Paris. Vêtus de noir, droits devant leur pupitre, six détenus et deux anciens détenus du centre pénitentiaire de Fresnes ont joué Coiffure messieurs, une comédie spécialement écrite par Sylvie Nordheim, qui met en scène un ancien prisonnier tentant de sauver un salon de coiffure de la faillite.

Diffusé vendredi 22 mai sur LCP, le documentaire Le Grand Jour, de la prison à l’Odéon retrace, sous la forme d’un compte à rebours, les trois mois de préparation qui ont précédé la représentation. On y accompagne Sylvie, la comédienne et intervenante culturelle en milieu carcéral, qui répète à ses nouveaux élèves : “Je veux qu’on les bluffe !”

Trois fois par semaine, elle retrouve Charlton, Jesse, Bastien et les autres dans une pièce exiguë du centre pénitentiaire. “Je me sens libre en atelier […], je me permets de tout faire”, se réjouit Bamzy, l’un des huit détenus sélectionnés pour participer au projet. La tâche se révèle parfois plus compliquée que prévu quand la concentration manque ou que les difficultés de lecture refont surface.

“Sylvie m’a appris à me tenir devant les autres […]. C’est quelque chose que je garde toujours dans mon cœur.” Un ancien participant à l’atelier

Le réalisateur Guy Beauché filme les détenus avec beaucoup de pudeur, sans les juger. En s’attardant peu sur leur passé, il donne au spectateur l’occasion de les voir comme des apprentis comédiens. On est admiratif de leurs progrès, notamment ceux de Kelly, dont la lecture était loin d’être fluide au début des séances, en septembre. Surtout, le documentaire met l’accent sur l’importance du projet dans la réinsertion des détenus. Didier Muanda Mayele, un ancien participant à l’atelier sorti de prison, confirme : “Sylvie m’a appris à me tenir devant les autres […]. C’est quelque chose que je garde toujours dans mon cœur.”

Mais rien n’est jamais gagné. Quelques jours à peine avant la représentation, la commission d’application des peines doit sélectionner les détenus qui pourront – ou non – sortir de la prison le temps de la soirée à l’Odéon. Le comportement des comédiens au fil de l’atelier joue alors un rôle important. On retient son souffle pendant toute la séquence, tant ce conseil peut bouleverser la représentation. “Mon casting est remis en cause tous les jours”, lâche Sylvie Nordheim. Un obstacle de plus, finalement balayé par la détermination de l’intervenante et de ses élèves. Tous retrouvent confiance en eux et, surtout, en les autres. “Il faut avoir l’esprit de troupe, c’est comme dans une famille”, répète-t-elle.