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France : le Défenseur des droits, vigie indispensable mais injustement ignorée

Le 12 mars 2019, Jacques Toubon, Défenseur des droits, a rendu public son rapport d’activité 2018. Ce dernier met notamment en exergue l’émergence d’un nouvel ordre fondé sur la suspicion mais aussi la continuité entre l’état d’urgence et les interpellations préventives, intervenues dans le cadre du mouvement des “gilets jaunes”. Le Défenseur des droits s’interroge également sur le point de savoir si les droits de la défense ne sont pas devenus une entrave à “l’efficacité” de la justice. Cette interrogation n’est pas sans évoquer l’affirmation de Bernard Cazeneuve en 2018 sur la loi Asile et immigration : “le Conseil d’État peut dire le droit mais je ne suis pas sûr qu’il puisse prédire l’efficacité”.

Ces constatations du Défenseur des droits font écho avec ce que nous, avocats, observons depuis plusieurs mois, à savoir un lent délitement des droits fondamentaux et un accroissement progressif des prérogatives de l’administration (loi relative au renseignement de 2015, loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme de 2017, proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations de 2018, militarisation dans les opérations de maintien de l’ordre public, etc.). L’état d’urgence a contribué à effacer la frontière entre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire mais aussi à imposer le sacrifice des libertés au profit de l’affichage du maintien de l’ordre public.

Malgré les alertes répétées de la société civile et du Défenseur des droits, chargé de défendre les droits et libertés, la situation reste inchangée, voire s’aggrave, et ce dans bon nombre de domaines où les droits sont particulièrement menacés. Ainsi, en décembre 2018, le Défenseur des droits rendait un rapport intitulé Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais. Il relevait une aggravation des atteintes aux droits fondamentaux des personnes étrangères privées de tout abri en dépit de ses avertissements initiaux. Malgré ses recommandations, les droits des migrants demeurent bafoués et des décès surviennent en raison de notre inaction, sans que cela suscite une réelle émotion de la part de nos dirigeants.

Les rapports du Défenseur des droits semblent ainsi parfaitement ignorés par le pouvoir en place, qui associe finalement les droits à des obstacles dans l’application de ses politiques, en particulier migratoires. Ses recommandations sont à tel point négligées qu’elles finissent par se déprécier progressivement, comme si la violation des droits fondamentaux était la garantie d’une politique efficace, alors qu’elle devrait en toute rigueur l’invalider.

Rappelons que le poste de Défenseur des droits a été créé lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 dans l’inspiration du Défenseur du peuple en Espagne. Il est une autorité administrative indépendante au même titre, par exemple, que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Il est nommé par le président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable.

Conformément à l’article 2 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, il “ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction”. De même que ses adjoints, il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions qu’il émet ou des actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions.

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