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France : la justice confrontée à un afflux de demandes de libération de détenus en raison de la crise du coronavirus

De nombreux prévenus demandent à être libérés en raison du risque de contamination en prison, mais des juges d’instruction mettent en garde contre des abus.

Face à la crainte d’une crise sanitaire en prison aggravée par la densité carcérale, les demandes de mise en liberté de détenus affluent depuis quelques jours sur les bureaux des juges d’instruction. Cela concerne les personnes placées en détention provisoire dans le cadre d’informations judiciaires.

A en croire des juges d’instruction, la crise sanitaire a bon dos. “Mes collègues juges d’instruction antiterroristes sont très inquiets de voir arriver des demandes de mise en liberté concernant des prévenus qui ne sont pas vraiment des seconds rôles dans les informations judiciaires en cours”, s’alarme Pascal Gastineau, juge d’instruction financier à Paris et vice-président de l’Association française des magistrats instructeurs.

A demi-mot, ces juges soupçonnent certains avocats de s’être donné le mot pour profiter du fait que les juridictions tournent au ralenti en raison du confinement. Or, selon le code de procédure pénale, si les délais de réponse à ces demandes ne sont pas respectés, la personne doit être remise en liberté immédiatement, quels que soient les motifs de sa mise en examen. Les prévenus représentent 30 % des 70 651 personnes incarcérées au 1er janvier.

Les détenus et leurs familles “angoissées”

Selon M. Gastineau, l’afflux de demandes de mise en liberté concerne tous les secteurs. Ainsi, quelque 80 demandes sont arrivées vendredi 20 mars au tribunal judiciaire de Paris pour des personnes prévenues dans des affaires de criminalité organisée. A Bobigny, 150 demandes de mise en liberté seraient arrivées en quelques jours.

“Il n’y a aucune stratégie fondée sur un allégement du service de la justice, assure Christian Saint-Palais, président de l’Association des avocats pénalistes. Nous sommes sollicités par nos clients détenus et leurs familles qui sont angoissés à l’idée que l’épidémie pourrait gagner les prisons. Notre devoir est de répondre aux demandes de ceux que nous défendons en régularisant des demandes de mise en liberté.”

La proximité avec la grève des avocats peut compliquer la lecture de ce qu’il se passe ces jours-ci. Au cours des deux premiers mois de 2020, certains barreaux ont recouru à des dépôts massifs de demandes de mise en liberté pour noyer les juridictions.

Un grand volume de demandes

Nathalie Roret, vice-bâtonnière de Paris chargée du barreau pénal, affirme que, dans le cadre de la prévention du risque d’épidémie, “certains juges d’instruction ont pu contacter directement les avocats afin d’envisager des dépôts de mise en liberté à l’aune des situations et pathologies à risque associées au coronavirus”.